"CHÂTEAU GONFLANT"

pierre-ysilda

"CHÂTEAU GONFLANT"
La sainte trinité du poète de juillet : L'amour, écrire des vers et lire. Et le numéro complémentaire ? Le 8.6 !


J’étais au parc assis dans l'herbe. Je venais d'ouvrir une bière, avec la ferme intention de profiter de la saine chaleur d'été pour lire quelques mots et écrire deux ou trois trucs. La petite qui prend soin de moi venait de me téléphoner, depuis la plage et depuis son petit de maillot de bain bleue. C’était une chic fille. Elle était en famille, coincé entre une sœur et un maître nageur. Une histoire de plage et j'entendais les vagues derrière elle. Je l'imaginais simplement enrubannée, dans son maillot à franges, sous son petit chapeau. Son appel m'avait mis des grains de sable entre les doigts, et du soleil sur la peau. J’étais bien.

En arrivant, et avant de m’asseoir sous mon arbre, j'avais remarqué un camion la à coté, puis une espèce de masse de plastique flasque au sol. Sans prêter guère plus attention, j'ouvrais mon livre et sortais mon cahier. Le temps de me partager entre deux gorgées et deux pages, un compresseur était en route et un énorme château gonflable était plein d'air, mon air , et toute une ribambelle de parents à marmots rappliquaient pour reluquer ça, comme la Joconde au Louvre ou les gondoles de Venise, selon si l'on préfère l'art ou la navigation, au choix. Poussettes, shorts, bulles de savons, papis et mamies, couches culottes, cigarettes électroniques de sorties (la lubie du moment) et donc, des enfants qui chialent. C’était mort pour le calme. Ça puait le Dimanche, mais nous étions vendredi. Avec ma dégaine de clodo chic, les vielles femmes me regardaient d'un air méfiant. Hé les filles, j’étais là avant vous, je vous dérange ? Fallait pas venir. Très vite, certains migraient déjà vers moi pour laisser des gamins hurlants grimper à l'arbre, mon arbre, et à deux mètres dans mon dos. Il est dingue de constater comme les parents accompagnés de leurs rejetons, se croient tout permis, à l'aise et chez eux, comme avec un petit bail sur l'espace. Ils ont pondu un enfant ? Le monde est à eux ! Les enfants sont l'avenir, place à la jeunesse....Quelle connerie.


Je roulais ma clope, enfilais mes fausses Ray Ban (je perds mes lunettes trois fois par été...) et merde, pas de feu. Et avec leurs clopes électroniques pas moyen de demander aux péquins. Bordel, ils me faisaient vraiment chier et EN PLUS étaient inutiles. La bas, le mec du château distillait ses ordres, créditant des laps de temps par tranches de dix minutes, et des petits ordres, du haut de son petit pouvoir. Et les enfants s'en foutaient, riaient et n’écoutaient pas; Comme des enfants. Parfois l'homme rêve d'un métier de pouvoir (pour la voiture, pour les femmes) et de dominations, et il a pour métier de tenir un château gonflable : La vie est ingrate.
Passé le premier quart d'heure d’exaltation collective des parents pour leurs enfants parfaits , les regards devinrent complices. Quoi de mieux pour "sympathiser" que des têtes blondes? Les grands parents de Noha parlaient à ceux de Emma, en expliquant à ceux-ci la "merveilleuse réussite" de leur môme de 6 ans "particulièrement éveillé, et qui allait sauter une classe à la rentrée", et le papa de lois regardait l'air de rien, bien en biais, le cul de la maman de la petite Zoé. Et moi je regardais tout ça. Un vrai moment d'humanité magnifique. J'eu envie de vomir, mais ne voulais pas gâché la bière. Un type s'approche de moi (et vous me pardonnerez ce passage du mode passé à celui du présent...) et il porte un short camouflage vert qui flotte un peu, une paire de ces horribles sabots en plastique, un débardeur commun, et vient me demander une cigarette, ce à quoi je réponds : "Oui, seulement si tu as du feu !" Et il n'en a pas, et il se sent bête, et il a l'air con. Je laisse passer un silence lourd, et lui dis que je lui en file une quand même, d'un air complice et compréhensif, bonne pâte. Alors il se détend. Il me demande "tu écrits ?". Je lui répond que oui, alors il s'assoit et commence à me parler. Pour lui, écrire n'est surement rien d'autre que...rien, et par conséquent déranger un homme qui s'y adonne, c'est une  évidence... Hé merde c'est pas mon jour, vraiment pas. Voila son fils qui débarque, vient se coller à moi. Il a les mains sales de terre et de barbe à papa. Il veut me voler mon putain de cahier. Il à sept ans, rentre en C.E.1 et porte un tee shirt Spiderman. Il ressemble à son père, et il a du prendre les mauvais coté de sa mère en plus. Il est pas très beau, n'a pas l'air bien futé lui non plus. Pas besoin de test ADN, il est le fils de l'homme. Il me fait part de deux ou trois détails passionnants sur sa vie, quand, re-merde, un second arrive. Ils se mettent à me poser des questions à tire larigot, alors que moi je suis sur mon cahier, et que je n’écris pas assez vite pour vous raconter tout ce qu'ils me jactent, mais ça fuse. L'un me parle de mon tatouage, l'autre embraye sur papy qui lui aussi est tatoué. J'ai envie de lui dire que j'en ai rien a secouer de son grand père, mais je lui balance "Oh mais tu dois avoir un jeune papy aloooors..." ce à quoi évidement il ne sais pas répondre, et il continue à poser des questions, sans vraiment s'attendre à une réponse. Il s'écoute parler, comme tous. je vois du coin de l’œil, l’œil de son père et il a l'air bien vide. Pas d'aide de ce coté la, je vais devoir me débrouiller seul mais je ne sais pas quoi dire, alors je dis rien et j’écris, la tète enfoncée dans le cahier, comme on l'enfoncerai entre les seins d'une femme pour oublier toute la violence du monde. " Et sous l'eau, il s'efface pas ton tatouage ? " Bah non, il s'efface pas. Son père me demande "il y a un mec, il joue de la guitare la bas, tu le connais ? " Bah non, je ne connais pas. "Et tu sais il est ou ? " bah non, je sais pas il est ou, et je fais "vers la bas" en balançant mon bras devant moi. Il doit me prendre pour le gardien ou alors un manager, je ne sais pas. Non je ne sais plus rien, vraiment. Je tente de faire le vide dans ma tête, car ils me font chier et c'est sur. Un moment passe. Dans la contre allée, un homme court. Il a un short rouge et des chaussures vertes.Je me dis que peut être, en courant plus vite, un peu plus vite, il laisserai une impression de jaune derrière lui, je ne sais pas... Vert et rouge, ça fait bien du jaune non ? Et je me dis que je n'y connais rien en peinture. Personne ne dit plus rien, et ce n'est pas grave, ils ne doivent pas s'y connaitre en peinture eux non plus de toutes façons. les regards sont vagues, si loin.

Une jolie blonde passe. Je vais la suivre, peut être lui parler. Je me lève, vide ma bière au sol, range mon cahier, je me casse. 
MERCI

L1G

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