Cher Inconnu

Al'

Avertissement : je ne sais pas si c'est bien écrit ou quoi que ce soit, mais fallait que ça sorte, je crois.

Cher Inconnu,

Je ne sais pas vraiment pourquoi je vous écris. Je sais juste que j'ai besoin de me libérer, parce qu'en ce moment, c'est pas facile. Je suis stressée, angoissée, jamais tranquille, jamais contente. Je perds mon sens de l'humour parfois, il me laisse entre mes larmes et mes demi-sourires -ceux-ci dont on use sans relâche- pour faire croire au monde, y compris à soi-même, qu'on va bien. J'écris pas pour me plaindre, sachez-le, Inconnu. Si je vous écris, c'est aussi que j'essaie de mettre un peu d'ordre dans mes sentiments, ma vie, ou dans mes jugements. Puis, j'essaie -encore et toujours- de me pardonner mon passé, aussi. C'est dur, vous savez. Tirer un trait, se dire que c'est fini, oublié, enterré dans les méandres de notre être. Mais si on fouille, qu'est-ce qu'on trouve ? Une gamine, naïve et craintive, apeurée, même qui n'ose pas se lever et se conduire comme une femme ? C'est ce que je vois de moi, je crois. Et c'est pourquoi je me remets en question. Pourquoi, je vous écris. Je me comprends pas toujours, vous savez. Parce que j'ai fait quelques conneries et je me dis que si j'avais su, si j'avais su... On n'en serait pas là. Vous savez, avec les hauts et les bas, les faiblesses et les hardiesses, douces folies de l'adolescence.

 Je suis sortie avec un gars aux cheveux longs. J'avais 14 ans, je découvrais les garçons, je testais le pouvoir de séduction que j'avais un petit peu déjà, à cette époque. Nous faisions du théâtre ensemble, avec ce brin d'homme-là. Mais nous n'avons formé notre couple que lorsque ça s'est terminé, et, contre toute attente, c'est moi qui me suis déclarée. Il m'avait fait beaucoup de "signes", c'est vrai mais je ne savais rien, je n'y connaissais rien, et je ne voulais pas voir, peut-être. Nous avions des jeux subtils, que seuls nous deux connaissions, mais dont aucun de nous ne parlait. Il y avait celui des regards, ou celui de « suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis », ou encore celui du chat et de la souris, lorsqu'il tentait de m'embrasser et que moi, j'esquivais... Nous nous voyions tous les samedis après-midi, nous avons appris à nous connaître au théâtre, donc, en plein milieu de Paris, ville pleine d'amour. Le soir, lorsque nous rentrions avec nos amis, nous rigolions bien aussi. C'était le temps insouciant où je menais mon petit jeu avec celui qui fut mon premier amour, de jeunesse, certes, mais qui dura tout de même presque un an. Il est celui qui me permit de prendre un petit peu confiance en moi, de sentir que je pouvais être aimée, appréciée. Tout s'est terminé lorsque je lui ai annoncé que je partais pour quelques mois étudier au Canada, parce que vous savez, j'étais en seconde et je n'avais pas d'examen à la fin de l'année; alors on s'est dit que ce serait une expérience à tenter. Mais il n'a pas eu le cran de me dire qu'il ne voulait pas continuer, alors, il n'est pas venu à ce qui aurait dû être notre dernier rendez-vous.

Et puis, un an plus tard, je suis tombée amoureuse d'un gars sur Internet. Il était beau, grand et musclé. Il savait parler et avec lui je me sentais éblouie et toute moi, aussi et je n'avais jamais ressenti ça pour personne, avant, vous savez. Ca me faisait tout drôle de me sentir aimée, couvée et qu'on puisse me sortir tout plein de mots doux... Je me sentais bien, je me sentais quelqu'un. Moi, si petite, graine insignifiante dans ce monde instable et si grand, surtout. On aurait dit que, du jour au lendemain, j'avais grandi d'un coup. Je plaisais. Et l'effet que ça fait est inimitable et grisant, à vous en donner des frissons, de la nuque aux doigts de pieds. C'est agréable de penser que quelqu'un tient à soi, de ne pas être seul dans ce tourbillon de sentiments. Et surtout, cette attirance est si indescriptible qu'on pourrait dire que l'amour est un tout et qu'il existe différentes teintes. De la haine à la douceur, de la tristesse à la candeur, des disputes au bonheur d'être ensemble… Un seul pas. On avait beau planifier, renverser, se balancer des mots durs, je me suis rendue compte un jour de ce que signifiait le verbe "aimer". Celui-là même qu'on trouve partout, à toutes les sauces, pour tous les goûts, je comprenais ses mille et une nuances, ses mille et une saveurs. Et, j'étais béate d'admiration devant celui qui me faisait planer.

Bien sûr, j'avais assez de maturité pour me dire que c'était impossible et qu'il était trop bien pour moi. Bien sûr, je me disais que c'était impensable et que j'allais trop loin dans mes fantasmes. Mais j'espérais que ce petit conte de fée n'aurait pas sa fin tout de suite et que je ne serais pas une fille "parmi d'autres". Quand je vous écris cela, je me dis que j'étais bien naïve. Mais j'avais besoin de lumière dans ma vie, et il est arrivé plutôt au bon moment. J'ai connu les sourires béats, les inquiétudes inutiles, les jalousies folles, et les mots qu'on sort sans faire réellement attention, mais qui blessent profondément. Tout ça, je l'ai connu, le cœur battant. Les « suis-moi, je te fuis, fuis-moi, je te suis » également. C'est mon jeu préféré, d'ailleurs, vous savez. Le jeu des regards en coin, les rires, les discussions tout simplement, ce sont des souvenirs impérissables. Mais c'est si triste comment deux personnes se rapprochent et s'éloignent, voyez-vous. C'est si imprévisible. Si susceptible de changer. Comme un ascenseur, qui va, qui vient.

L'air de rien, ces deux années passées, il m'est arrivé énormément de choses nouvelles et plutôt sensationnelles. Je parlerai plus de l'amour promis, parce que l'amour c'est bien, mais ça tue, parfois. Sinon, on peut parler de ma sœur, aussi. Cette fille, que je redécouvre à chaque instant, et dont je suis fière d'être l'aînée, même si je m'en veux un peu de l'avoir laissée tomber dans sa maladie... Je me dis que j'aurais peut-être pu faire quelque chose.  Parfois, vous savez, on me dit qu'elle m'admire, qu'elle me trouve très jolie... Ca me touche, plus que n'importe quel compliment, de n'importe quelle personne, à chaque fois qu'elle me dit quelque chose, ou qu'elle rit, qu'on retrouve nos jeux d'enfants. Je crois que sa maladie nous a fait nous rapprocher, vous savez. Je crois que son état s'améliore de jour en jour et que le mien se détériore, un tout petit peu. Peut-être est-ce normal, l'année du bac, être soucieux et coléreux, sourire, mais sans failles parce qu'à vraie dire, elles sont plutôt à l'intérieur… Je me sens moins bien dans ma peau, je fais de plus en plus attention à ce que je mange… Je n'arrive plus beaucoup à écrire, non plus, à part ceci, qui n'est autre que l'histoire de ma vie, de deux ans pour être précise. C'est triste, un peu, de n'avoir plus rien à sortir de son esprit.

Dans l'attente de votre réponse,

L' Autre Inconnue.

  • Ca fait du bien d'écrire ^pour se vider de temps en temps. Et ca permet aux autres inconnus de savoir qu'ils sont pas seuls à avoir vécu des choses pas très réjouissantes ...

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    littlerebel

    • C'est vrai :)

      · Il y a plus de 10 ans ·
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      Al'

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