Cher toi

laironessa

Une lettre d'une amoureuse à son amoureux, partie.

Cher toi,

Le monde tourne sans cesse, le soleil se couche toujours à l'ouest. Je ne suis plus la même, je ne sais pas si tu pourrais me reconnaitre aujourd'hui. J'ai coupé mes cheveux après que tu sois partis, ils dansent beaucoup plus sous le vent maintenant. J'ai perdu du poids et je flotte dans mes vêtements comme une méduse au milieu de la mer. Je mets toujours le rouge à lèvre rouge, celui qui à ce goût si particulier qui fait que je passe toujours ma langue sur mes lèvres pour en goûter l'arôme. A défaut du goût de tes lèvres à toi. Mes yeux sont devenus plus bleu, enfin, c'est ce que l'on me dit. L'eau ne coulant plus, elle stagne au bord de ma pupille comme un lac de montagne après les gelées. Ma peau est aussi blanche qu'un parchemin n'attendant que ta plume pour prendre des couleurs. Je suis beaucoup plus douce mais mon cœur est rempli d'autant d'amertume que le serait les pissenlits.

Si tu pouvais voir avec mes yeux, la beauté du ciel lorsque des raies roses prennent le pas sur le bleu. Si tu pouvais entendre le bruit de l'océan, le flux et le reflux de l'eau qui fait changer le rythme du battement de mon cœur. Si tu pouvais effleurer ces herbes hautes dans lesquelles je me promène, lorsque tu laisses tes paumes admirer ce que tu ne peux voler. Si tu pouvais sentir l'odeur  d'un gâteau tout juste sorti du four et vivre les secondes que tu attends avant de pouvoir le déguster. Si tu pouvais goûter le meilleur des fruits dont le jus coule sur mon menton et que j'essuie d'un revers de main. Si tu pouvais être l'ombre derrière moi qui m'empêcherai de me retourner sans cesse, celle qui ne me quitte plus et que je retrouve toujours après avoir allumé la lumière. Si tu pouvais être les oiseaux qui me sortent de ma rêverie lorsque je m'endors dans les prés, bercé par le vent dans les arbres. Si tu pouvais être la source du sourire sur mes lèvres. Si tu pouvais être l'air frais que je respire lors de grandes matinées d'hiver. Si tu pouvais être le sang qui coule dans mes veines et qui transporte d'un bout à l'autre de mes membres les frissons de tes caresses. Si tu pouvais devenir la plus belle mélodie de Beethoven qui passe en boucle dans mon MP3. Si tu pouvais devenir le soleil qui se lève et qui se couche dans un magnifique éclat de couleur, celui qui réchauffe mes jambes lorsque je porte des jupes trop courtes. Si tu pouvais être le carillon de rire qui résonne dans mes oreilles lorsque je retrouve le passé. Si tu pouvais être ce rêve que je fais, être l'anneau à mon doigts, mon futur, mon passé, mon présent. Si tu étais chaque secondes à cette horloge, chaque feuille qui tombe des arbres, chaque papillon qui s'envole, chaque étoile dans le ciel. Si tu étais simplement toi à côté de moi, l'amertume de mon cœur se changerait en délice sucrée.

J'ai attendu ta venue comme on attend celle du père noël lorsque l'on a cinq ans. J'ai arrêté de courir dehors dès que j'entendais le portillon du fond du jardin s'ouvrir. J'ai arrêté de sauter sur le téléphone dès qu'il se mettait à sonner, dans l'espoir d'entendre ta voix. J'ai rangé ma robe blanche dans le placard et j'ai tenté de tirer un trait rouge. La feuille est toujours immaculée et le feutre est caché au fond du grenier, dans cette malle pleine de souvenirs de toi. Quand mes amis me demandent si je vais bien et que je leur réponds que oui, ce sont des mensonges qui s'accumulent comme des grains de sables au fond de l'océan. Comment oublier la moitié de moi qui est parti si loin ? Cher toi, reviens-moi.

 Je t'aime.

 Ton amoureuse.

Signaler ce texte