Chère toi,

martin-g

Puisque le choix est fait, puisque j'en ai encore à faire.

Chère toi,


Au fond, on pourra dire tout ce qu'on veut. L'amour, ça s'éteint pas. Céline parle de la peine, que ça s'efface pas, "qu'on la porte" et qu'on fait avec. Je comprends tes moments comme tu comprends les miens. C'est tragique l'amour. Une fois qu'on se rend compte que tout est futile, on se raccroche à la chose dont on ne peut pas se passer.

Tu me manques aussi. Peut-être est-ce trop tard, peut-être trop tôt, mais ce n'est pas aujourd'hui. Trop sensible à ta présence, à la lecture que je fais de toi, je vais voir rarement. Comme tu dis, on rentre dans le rang, on se fait rôle. Prisonnier de notre propre manque. Une simple pensée et j'essaie d'oublier, les livres sont parfois trop peu lisibles même dans ces moments. Je m'attache à ce rien, écrire. Il faut pas espérer, je sais, on se reverra sans doute jamais. C'est ça le plus tragique. Chacun a sa vie, sa vision des choses et puis c'est foutu. Il m'arrive, dans des moments intimes, de repenser à ça, ces moments si intenses, ça me manque et j'ai envie de toi, de ta peau, d'entrer en ton sein pour ressentir à nouveau ce que ça fait, être vivant. Et puis ça disparaît et puis on reprend son rôle, celui de penseur, d'étudiant, de haineux envers son ex. C'est faux chez moi comme chez toi et le simple fait qu'on discute à nouveau nous ramène à nos rôles.

Voilà pourquoi je ne veux pas que tu répondes, ou indirectement plus tard. Je veux que ces mots ne te ramènent pas à moi. Ton reproche est que je te tiens entre mes mains. Le problème étant que nous nous tenons mutuellement. J'essaie dans mon plus grand désespoir de trouver quelqu'un à aimer, qui me dominerai tout comme toi. Je ne suis ni heureux, ni en rage contre toi, cela ne me fait rien, c'est ton existence qui me pèse. Pourquoi envoyer ce message? Je t'entends déjà me le demander. Pour clarifier. Je t'aime et je sais que c'est le cas pour toi aussi. On pourra dire c'qu'on veut, c'est le cas. Toutefois, Sartre et De Beauvoir ont su en aimer d'autres en même temps, n'est-ce pas? Ce n'est pas un retour aux choses anciennes, c'est une correspondance, une simple et rare correspondance. Rare car notre rôle s'envenime et simple car on n'aura jamais le loisir de se toucher à nouveau.

En espérant ne pas avoir trop bouleversé tes pensées,

A la mémoire de ces jolies jours et de ce Boris nous unissant, Platement,

Le Loup

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