Chez le Tonton Henri
Jean Claude Blanc
Chez le Tonton Henri
Chaque jour que Dieu fait, le plus souvent la nuit
On taquine la muse, on danse, on boit, on rit
C'est fou ce qu'on s'amuse, la tête sous le « cubi »
Patron de sa cambuse, le maitre en son logis
Ne manque pas d'astuces, sacré Tonton Henri
Il tient son bar ouvert, dans la rue des trouvères
On savoure ses dictons, en son café-concert
Paillards chevronnés, aux paroles inédites
On s'y rince le gosier, pas à coups d'eau bénite
Dès que la bringue fait rage, s'égaye le village
Tant pis pour l'estomac, si la gnole le ravage
Au diable les commérages, au diable les outrages
On profite l'instant, n'étant que de passage
On reprend à tue-tête, sornettes désuètes
Tonton notre grand prêtre, premier à faire la fête
Toujours un peu pompette, se gratte la quéquette
Pour faire ses emplettes, de bécasses nénettes
Vocation ou passion, c'est son péché mignon
Son piano à bretelles, fidèle compagnon
Bal musette et lampions, à grands coups de canons
Pour nous joyeux lurons, mélangeant tous les tons
Sur nos montagnes ventées, on tourne plus la bourrée
La guitare désormais, il faut se la gratter
Plus de vielle, de biniou, il faut se faire à tout
On se saoule d'amourettes, qui ne valent pas un clou
Ce qui n'a pas changé, c'est se rincer la dalle
Etant de la même portée, on soigne notre mal
Normal, me direz-vous, se remonter le moral
Tous autour de la table, le monde nous est égal
En bonne compagnie, complices du pays
Tous on se réunit, chez le Tonton Henri
Ensemble on communie, mais pas que le samedi
Chaque soir retenu, pour nos grivoiseries
Pénètre pas qui veut, dans notre antre enfumé
Le seul laissez-passer, exigé à l'entrée
Comme carte d'identité, abonnés habitués
Il est même conseillé, de payer sa tournée
Si t'es un peu rapiat, rat dans ton porte feuilles
Un gars qui pèle un pou, pour en vendre la peau
De la bande, t'en seras pas, tu peux en faire ton deuil
On te montrera du doigt, avare, pas large du dos
Chez le Tonton Henri, pas questions de manières
Si tu fais des chichis, boudant devant ta bière
Ta place n'est pas ici, pas même au cimetière
Retourne en ta tanière, chez ta sinistre mégère
Tonton se tient pour dit, Verchuren, son idole
Greame Allwright, Dylan, connait pas ces guignols
Tout écrit en anglais, pour lui c'est mariole
Certainement pas sa faute, guère allé à l'école
On se rejoint chez lui, de paix on s'alanguit
Les uns par nostalgie, les autres par dépit
Bons mots pas interdits, étant tous des génies
La panse enfin remplie, parait plus belle la vie
Coquins plus que copains, poètes, comédiens
Pour vamper les gros seins, de la bergère du coin
Qu'en demandait pas tant, pour reprendre l'avantage
Vantant l'air de rien, la chair de son corps sage…
Chez le Tonton Henri, on a trouvé notre gite
On sort pas les couverts, de peur de les casser
Car c'est après minuit, qu'on déborde de cuite
Insomniaques intrépides, aux propos orduriers
Ce n'est jamais fini, jusqu'à l'aube on prie
Que notre hôte ravi, en remette la nuit prochaine
Lui-même imperturbable, servir des inepties
Ne passant pas son tour, pour les tartes à la crème
Conteur inépuisable, serait même capable
Nous concocter des fables, à l'usage des ivrognes
De franches rigolades, aux remarques imparables
Henri clown au rouge pif, ça se voit à sa trogne
Patrick Sébastien, à nous tous comparé
Ce n'est qu'un automate, étant juste programmé
Faire rire les mémés, au bord de l'abime
Pas besoin de paillettes, pour que leurs yeux s'animent
Etant de ces bordées, survivant obligé
Hommage à mes anciens, qui dans leur tombe se les roulent
Jadis reconnus, vedettes en leur quartier
Succèdent qu'imitateurs, qui déplacent pas les foules
Chez le Tonton Henri, hélas, c'est terminé
Est devenu bien soft, moderne supermarché
Troubadours et poivrots, bouffés des asticots
Mes vers les lèvent haut, pensant à mes poteaux
Restent quelques ménestrels, qui battent le rappel
Modérant leur humour, fliqués polichinelles JC Blanc février 2017 (ma vie d'artiste)