chimeryades

johnnel-ferrary

CHIMERYADES

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     Ce serait comme si le soleil était devenu le centre de l’univers, comme si la Terre était plate, et moi je serais l’unique survivant de cette chimère… D’un seul coup je me suis levé de mon lit. J’étais à poil et à mes cotés, deux filles qui dormaient l’une contre l’autre. Mince, je ne me souvenais plus le pourquoi d’une telle situation, et mieux encore, le comment surtout ? Et la tête qui me tournait, mon haleine sentait l’alcool, moi qui ne bois que lorsque les fêtes s’annoncent ? Je touchais mon corps et là, stupeur, j’étais devenu une femme… Oui, vous avez bien lu, moi un homme, et pas n’importe lequel, c’est-à-dire Moi, je me retrouvais dans le corps d’une gonzesse. Et bien roulée de surcroît si j’en crois mes contours féminins ! Je me suis dirigée vers la fenêtre et là, stupeur, plus aucun immeuble, pas une seule voiture dans cet espace infini dont la grisaille m’envahissait les neurones. Oui, du bitume à perte de vue, et là bas, dans le lointain, l’horizon se mélangeait avec un ciel plus laid encore. Et soudain, j’eus cette douloureuse impression de sortir d’un tel cauchemar pour me retrouver… assis sur un fauteuil avec des électrodes collées sur ma tête. Et cette face blême qui me parlait dans un langage que je pouvais comprendre.

-      Alors, Monsieur le savant, pas encore décédé ? Je crois que mes amis vont être mécontents. Je n’ai pas entendu une seule fois de votre bouche, cet univers que vous venez de parcourir. J’ai même cru que nous allions vous perdre lorsque votre second cœur a cessé de battre. Je vais devoir vous questionner à nouveau. D’où venez-vous, quelle est votre origine, la planète dont vous venez ? Nous avons étudié votre véhicule. Vraiment archaïque, et vous pouvez voyager dans un tel engin ? Parlez, je vous en conjure, votre texture biologique et celle de votre masse corporelle sont tellement fragiles ! Vous ressentez la souffrance, alors répondez à mes questions. Qui êtes vous et d’où venez vous ? Si vous persistez dans ce silence particulièrement douteux, je vais devoir accéder à la souffrance en vous injectant ce liquide bleu dans votre corps. Et là, plus question de clore vos lèvres, vous allez devoir hurler tant la souffrance vous délivrera son message d’agonie ! Alors parlez, Monsieur le savant, parlez avant que les douleurs ne surviennent.

J’ai fermé les yeux. Cauchemars, réalité ? Je ne savais pas. J’étais encore à la fenêtre à regarder ce gris paysage qui me fixait de son aspect glauque. D’un coté le savant, de l’autre cette femme, et entre les deux…

-      Lucien, dépêches toi, vas prendre ton petit déjeuné sinon tu seras en retard à l’école, hurla une voix dans ma tête.

-      Oui Maman, balança une voix qui devait être la mienne sans doute ?

Tiens, voilà que le paysage venait de se transformer, de se redéfinir et moi avec ? Je roulais à vive allure au volant d’un bolide hurleur. Le compteur de vitesse kilométrique m’annonçait les mille trois cent quatre vingt dix kilomètres/heure. Aberration totale d’une vitesse que je jugeais trop exagérée. Pourtant, ormis cet énorme ruban d’asphalte brun, tout autour rien n’existait. Et je roulais de plus en plus vite au risque de me disloquer une fois la vitesse de la lumière activée ? Et dans ce cas, qu’allai-je devenir ? Un photon ressuscité, un grain de lumière au sortir de la flamme d’une bougie ? Une chimère dans le tunnel de la mort ? Et puis de toute évidence, que m’importe de vivre ou de mourir car je ne suis plus moi-même ? La vitesse, oui, la vitesse va me permettre de changer de monde, j’irai d’un univers à l’autre, je connaitrais d’autres paysages que celui tout gris d’où je viens ?

-      Attention, vous arrivez au point de non retour. Dans quelques secondes, vous basculerez dans le vide sidéral.

C’était la radio, un vieil appareil qui devait dater des siècles antérieurs. Tout autour de moi, les ombres s’éclipsaient et devenaient floues. J’accélérais de plus en plus, et il y eut une explosion… J’ouvre les yeux. Toujours sur mon lit, à poil, j’ai une formidable érection et une voix de femme arrache de mes oreilles le lourd silence.

-      Chérie, viens me rejoindre, j’ai envie de toi et le bain est à la température que tu aimes mon aimée !

Je caresse mon corps. Mes seins, et à la place du pubis, une verge dont le gland turgescent, fait des appels d’amour. Je referme les yeux. Où suis-je donc, qui suis-je vraiment ? Je suis toujours dans ce véhicule fou qui roule dans une nuit profonde. J’ouvre les yeux. Je suis assis sur un banc, et à mes cotés un chien. Il me regarde, me flaire, et voici qu’une personne âgée me lance une pièce de cinq sous. Sur l’avenue, un tramway tiré par trois chevaux, s’arrête pour que les voyageurs en descendent alors que d’autres en  montent à l’intérieur. Je viens de comprendre. Mon expérience sur le temps doit se terminer. Je sais que nous ne pouvons voyager dans le futur, mais juste dans le passé. Je suis devenu une chimère alors que j’étais le spécialiste du voyage temporel. Et me voilà coincé entre deux portes, à l’intérieur d’un programme informatique périmé ! Qui pourrait me sauver de cette installation qui est devenu mon centre pénitencier ? Personne, pas mieux pour vous, lecteurs et lectrices qui me lisez actuellement, car je n’existe plus comme une entité de chair et de sang, mais simplement sous la forme cryptée de ce langage où se régulent les mots et les verbes. Le temps est une non-vie, celle de la non-mort… Et ce, pour l’éternité. Soudain, je vois dans la pénombre une silhouette qui vient à mon encontre. Je ne vois pas son visage, mais j’entends sa voix. Et qui me parle haut et fort.

-      Lucifer, tu es l’ange déchu, te voilà prisonnier dans la boite de pandore. Tu n’en sortiras jamais, et je veillerais moi-même au déclin de ta lumière.

Sacré Bon Dieu, il vient une fois encore me gagner la partie, mais je n’ai pas dis mon dernier mot qui sera celui du général CAMBRONNE… MERDE !

Johnnel B.FERRARY

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