Chronique du Père JC n°3

Jean Claude Blanc

à suivre encore, sans adieu!

 Chroniques du père JC                                                          N°3

 

 

 

Salut la compagnie,

 

Encore une semaine, de passée, fait un peu meilleur, mais faut pas trop trainer dehors, tu ferais mauvaise fin ; ça fond bien un peu, mais y'en a encore de cette saloperie de neige ; oh ! moi je bouge pas, les pieds dans le fourneau ; à mon âge, on craint le froid ; me suis fait un grog, avec un goutte de gnole, ça réchauffe.

Y'a la voisine, elle avait perdu le sien, je l'ai que vu dans mon dos, faisait pas beau, et puis cette putain elle sait que crier ; pauvre femme, je l'ai pas vu, ton homme, il est pas dans ma poche, que je lui ai dit ; pense tu, elle écoute rien, pour pleurnicher, là y'a quelqu'un… une petite goutte sur un sucre, ça te fera du bien, cette charogne, elle en avait que pour son vieux, va courir, et surtout ferme bien cette porte qu'est dure, tellement elle est gelée ; faut dire y rebuse l'ancien…

Pas grand monde sur les chemins, quelques marteaux qui savent pas quoi tourner ; z'ont qu'à passer l'hiver ici, y vont comprendre leur douleur.

Ce matin y'avait une de ces volée de grives, mais pour les tirer, pas moyen, ça se duche pas comme ça… t'en fais pas, y'a de la graine dans le sorbier, s'amèneront bien, la faim sort le loup du bois, comme on dit ; là-haut j'ai ma cabane pour les soigner, mais tu t'y gèlerais…

Que dire d'autre…je m'emmerde un peu tout seul, pourtant j'ai l'habitude ; ces femmes de toute façon, pour les gouverner, tu peux te lever tôt

C'est pas ça, mais faudrait que je fasse bouillir la marmite, si je veux manger, ce soir

C'est un peu raide, je pense qu'à bouffer ; je me méfie, pas trop trinquer, c'est qu'après, je suis rond comme un étourneau et je roupille comme une soupe ; remarque, c'est du rouge du Forez, pour se saouler, faut en boire des litres. Suis pas bien fin va… je t'écris tout ce qui me passe par la caboche

Mais à l'école, j'étais fort en récitation, pour le calcul zéro ; j'ai même été jusqu'au cours complémentaire ; mais tu sais bien, à mon époque, fallait aider les parents, monter en jasserie, alors l'école mon petit, ça vite été fini…

Ça m'a pas empêcher de gagner ma croûte au cul des vaches, je les envie pas tous ces « instruits », qu'est-ce qui z'ont de mieux ; des bagnoles, des sous à dépenser, et après, crèveront comme moi ; de toute façon j'ai pas besoin de beaucoup de braise, un bout de viande, une couronne de pain, un paquet de tabac, ça me suffit pour ma semaine    

Je déraisonne, ça t'intéresse pas mes conneries…

Mais j'y peux rien, faut que j'écrive, tant pis pour les fautes, on se comprend entre nous

Je t'ai pas dit, j'allais oublier, eh bien le père Jojo, il est mort…y tenait plus debout, ça fait quelque temps, y trainait lorgne, bosseigne, y'a personne pour le regretter, encore une baraque, qui va se fermer ; moi, ça sera franc pareil, tu les vois les jeunes, s'installer ici…non c'est cuit, bientôt y'aura que des loups, de genêts et ces sacrés bois, pour ce que ça rapporte…

Allez, tirez pas peine, suis encore bien réveillé ; c'est dur traduire le patois, en français, je dois m'y prendre à plusieurs fois

Bon, travaillez bien, pour payer ma retraite, laissez en un peu pour demain ; si t'écoutes les patrons, te tueraient au boulot

 

Sans adieu, les amis, attrapez pas froid, vous la craignez, vous la misère…je vous en fais voir avec mes âneries ; surtout, m'amenez pas une bergère, elle serait pas bien reçue

Faut bien rire…portez-vous bien…

 

JC Blanc   chroniques                                  mars 2015

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