Chronique d'une râleuse muette III

Cléa Mosaïque

Elle parlait, phrase après phrase, projetant ses paragraphedans ce vide absorbant, ce silence que l'on réserve aux absents, cette abime qui s'émiette en irrévocable néant...

Le 31 décembre - 10 secondes avant minuit

Elle s'en est aller avec ses mauvais présages, ses tragédies et ses petits bonheurs noyés. En emportant les défauts, les erreurs et les non-dits, elle s'en est aller pardonner les rendez-vous manqués, les délires, les animosités et les excès que pétrit la culpabilité. La machine continue de tourner, sans huile ni autre moteur que la course à l'exagération, dans un cri de plainte permanente et ce souffle chimique qui embrument jusqu'aux bronches des nouveaux-nés. On sourira et on se ruinera, les pieds devant ou l'un devant l'autre, en sifflotant ce même insipide refrain trempé d'angoisses.

 Mais de l'espoir il en reste encore un peu sans doute, au creux d'un horizon, au détour d'une rencontre, au fond de tes yeux. Les mots et les instants se cumuleront comme on entassent à répétition des souvenirs dans un placard que l'on rouvre bien plus tard, avec pincement au cœur et rides dans le miroir. 

On se retournera encore un peu, farfouillant pour se raccrocher aux rares éléments précieux de notre maigre existence et pour ma part je les ferai briller, dans mon présent et nulle part ailleurs. Le temps n'existe pas, ou fuit-il de toutes façons beaucoup trop vite pour s'en soucier. Le futur, ce que les dramatiques appellent avenir, est un défi de tous les jours. Au petit bonheur la chance, je déambule comme toi, sur ce fil si tangible qu'il en devient jouissif d'y survivre encore quelques heures, savourant les jambes bouillonnantes de santé qui nous portent malgré tout et me délectant de mes rêves qui se nourrissent discrètement de l'éphémère, pour finalement, sans gravité aucune, n'en mettre à jour que quelques uns.

Si l'avenir est meilleur pour nos chers esprits pragmatiques, il n'en reste pas moins un mirage de plus dans lequel il vaut irrémédiablement la peine de se vautrer. 

 

Meilleurs vœux.


Tout se déchire, s'éventre et déborde.
Quel bateau ne brûle pas encore ?
Les capitaines ont foutu le camp, pesticidant de paillettes nos pauvres yeux. Bienvenue au monde, et riez-en, même s'il n'est ni rond ni bleu et qu'il coule à petit feu.

Comme un chapelet de tragédies, à l'unisson nous te congédions. Laissons tous, à l'échelle de nos insignifiantes vies, une place de choix à la douceur, à la tolérance, aux arts et à l'éducation du pendant et après l'école.  Ne laissons personne nous dire que rien ne peut changer, que nous ne sommes que des moutons bêtes à mourir sur le pavé souriant aux illusions que l'on croyait réalité. Laissons-nous cependant un espoir de croire que cette année que nous renvoyons les yeux gonflés et contrariés dans les abîmes de la souffrance, donnera le jour à une feuille blanche où se répandront de bien plus belles et saines histoires... Ecrivez la votre, sur ce si précieux fil du rasoir, et préservons notre essentiel, ainsi vont mes vœux pour ce piquant poème tout neuf que sera 2016.

 

Le 1er janvier - quelques heures après minuit. Casino de Deauville.

Dans un cliquetis assourdissant se pressaient les fourrures et les rides des petites gens. éclairées par les écrans brillants et leurs gadgets lumineux à paillettes leurs mines cernées se rivent sur les boutons pour en actionner la baraka ou la malchance. La spirale infernale de la frustration et des sourires factices bat son plein, sur les sillons des petites mains qui déposent tour à tour, des verres pétillants à portée des plus entêtés et portant le mauvais présage des prochaines heures visées au siège d'une grotesque dépendance.

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