Chronique d'une râleuse muette VI
Cléa Mosaïque
Sous les nuages en boules de septembre.
Je sentais l'agacement.
Les griffures dans le ciel à droite étaient belles. Sauvages et aériennes. Les branches gisantes le long du chemin ressemblaient à des bois de cerfs abandonnés là après la mue.
À coté, un faux champ de bataille où les arbres avaient perdus contre la scie, roulant en peine quelques bosses de bois ici ou là. L'offrande était ce ciel dégagé, toile cirée où perçait un soleil de fin de journée gris fluo.
Plus tard, en ville.
Ces petites boules jaunes presque alléchantes étaient du poison, en bouquet dans les allées. Une décision de la mairie. Et les enfants jouent en dessous, sans les trouver jolies ou drôles.
Les grilles, maitresses du décor, voyaient d'autres gosses s'agripper à leurs prises, des vélos glisser nonchalamment, des gens s'asseoir pour remplir l'ennui, pour un répit. Mon corps connait la bonne route mais se perd quand même. Seule témoin gênée, je tombai nez à nez avec un assassina. Mais attention, en grandeur nature. En silence, sa sève juste là, ne coule pas, mais son sommet s'effrite, perd des plumes vertes qui l'aidaient à camoufler l'imposante demeure, vielle de plusieurs générations. On dirait qu'il ne pleure pas, qu'il assume avoir fait son temps, et les hommes transportent ses petits bouts à la main. Il en faut un certain temps pour balayer des siècles, disons quoi, deux journées pleines de travail ?
Au coucher du soir, au chaud.
Et puis elles me regardaient toutes d'un air un peu perplexe. Ces minuscules fenêtres sur souvenir ressemblaient à ma cour des miracles. Sur le mur de ma chambre, elles étaient là depuis longtemps mais soudain me guettaient, comme pour me rappeler leur essence, et les moments volés et passés qu'elles incarnaient fièrement sur le papier glissant, prirent un nouveau et joli sens. Tout était là, tout près, fini mais présent.