Chronique familiale 4

aile68

Gabriele mettait du coeur à l'ouvrage, il maniait la truelle avec la détermination et la vaillance d'un chef à l'assaut de l'ennemi. Il n'avait cure du froid qui lui gelait les doigts, ses cousins Emilio et Franco lui disaient de ralentir la cadence, car les autres maçons se plaignaient. Il avait la rage de vivre et d'avancer, il voulait construire un empire pour sa jolie Sara. Il cachait le mouchoir de son aimée dans la poche intérieur de son veston, celui qu'il mettait le dimanche pour aller voir la famille et ses amis, comme lui venus en France pour se faire une vie décente. Rejoindrait-il ses amis en Allemagne finalement? Trop dur pour les maçons du Sud lui disaient-on,  trop de froid, trop de neige. Le premier jour où il a vu les jolis flocons qui dansaient et virevoltaient dans la nuit, il a éprouvé une vraie joie d'enfant. L'air dehors s'était radouci, demain ils seraient en intempérie lui ont appris ses cousins. Il apprenait plein de mots, pain, vin, café, travail, brique, ciment, des mots qui ressemblaient à sa langue maternelle et à la langue de son pays natal. Son cousin de là-bas ne lui avait toujours pas envoyé de nouvelles de Sara, que devenait-elle, est-ce qu'elle habitait toujours la vieille maison aux murs délabrés, si elle venait en France, il lui en ferait une de maison, rien que pour elle... Et elle irait acheter son pain et son lait à la boulangerie, elle deviendrait une vraie dame de la ville. Mais Sara ne voulait pas devenir une dame de la ville, elle voulait continuer à traire ses brebis elle-même, elle voulait contribuer au développement de son coin de campagne sans abîmer sa beauté, et au maintien de ses traditions. Un jour elle se présenterait comme maire de la petite commune, elle défiait ainsi les hommes qui voulaient se la marier, leur faisant ainsi comprendre qu'elle n'était pas intéressée. A Gabriele aussi, elle l'a dit. Il l'aimait tellement...

(à suivre)

Signaler ce texte