Pacha!

pacha

Départ vers le front


J'erre seul et sans but dans cette ville triste,
Aux pierres atones et noires, cité au cœur tout sec,
Certes entourée de Puy, mais sans le moindre Bec,
Ni de petit ruisseau pour me servir de piste.

Sombre et hautain trou noir, le befroi sert d'étoil'
Au voyageur perdu, au gone déboussolé
Va-et-vient sans plaisir, d'une pauvr'âme esseulée
Qui cherche sans répit comment mettre les voiles

Mais le départ est proche : l'Irak est ma promesse !
Shéhérazade, oui ! les mille et une nuits,
En route vers Babylone ! Sa tour et ses puits,
Le désert aride…Son vent me caresse !

La lune, Jupiter, et peut-être Vénus !
Je galope en tous sens, mon esprit en éveil,
M'érige fièrement, rêvant monts et merveilles,
Et d'affronter ces hordes, ces nouveaux Huns crépus.

C'est donc Abu Ghraib ; c'est ma destination
C'est le nom d'une prison, un endroit d'infamie,
Livré naguère aux chiens ; cul de basse fosse honni…
Cet espéré Sésame est une condamnation !

La mission reste noble, il faut serrer les rangs
Pour affronter les dogues, la morsure du soleil
Tous ces fous sans vergogne, c'est pour ça qu'on me paye !
Et qui sait peut-être y laisser mon tourment ?

J'y suis ! Sur cette terre, aride et poussiéreuse,
En parfait homme d'arme, à suer comme une bête.
Au milieu du béton, mais relevant la tête,
Mon convoi défile dans une rue hideuse.

Tout est obstacle gris, le chemin est tordu !
Moi voyageur blême et encore étourdi,
Mains serrées sur mon arme, j'ouvre un œil ébloui ;
Et observe, incrédule, ces infinis murs nus.

Je débarque engoncé, croulant sous mon barda
Et conquiert d'un regard ce tout nouveau chez-moi.
« Monsabert, me voici ! » c'est « Montjoie, Saint Denis ! ».
C'est un ilot perdu quoique bien loin de la mer,
Me voilà donc « Pacha » de ce carré de terre.

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