Chroniques de l'oubli : Première Partie
Ferdinand Legendre
Depuis le haut de la falaise les nuages semblent comme couverts de sable, un homme au sol ne respire plus, tu me regardes sans doute mais je ne parviens à me souvenir de la manière dont tu le fais. J'ai beau souffler sur les images, Je ne sais plus comment tu posais les yeux sur moi. Je pense désormais avoir manqué tant de choses, que, finalement et malgré tout ce que l'on a pu se dire, nous vivions en surface, par ma faute. Le pont a des lumières de carte postale, tu m'accompagnes, par habitude, tu sais que tu perds ton temps et que celui-ci est précieux, plus que l'amour que tu penses me porter. Tu n'es pas satisfaite, ta frustration se ressent, je n'essaie pas de te rattraper, par lâcheté ou par résignation, je cède. Il semble s'être écoulé tant de temps entre cette plage où nous marchions, explosés d'amour et cette mer à nouveau où je sais que tu n'es plus. Il apparaît que tu ne dis pas dit toute la vérité, afin de me protéger, et je choisis de fermer les yeux. C'est un accord tacite entre nous, je me laisse porter entre tes bras et bientôt deviens si lourd que tu en trembles. Je te prends du temps, par pleines poignées, de l'espace et je vole les mots qui mériteraient de s'inscrire ailleurs. Je grimpe quatre à quatre les marches de ton escalier, tu ouvres le coffre de ta voiture, refermes notre ouvrage, d'ailleurs, on se connaît si bien que, soufflant sur le palier, je n'ai pas plus d'allure que nu sur ton matelas, encore moins de courage.
Le vent souffle, mes oreilles sont glacées et je joue du désir dans des rues qui ne m'inspirent aucune mémoire. Je n'ai plus envie de construire, et il me semble avoir tant d'habileté pour ainsi faire savoir, les contes et légendes de la vacuité, que j'en deviens ce surin gonflé, planté dans le miroir.
Par chance, lorsque je marche sur la pointe des pieds, le parquet est couvert d'essence, les allumettes se bousculent, je dirige sa main vers ma gorge, chaque soir avec un peu plus d'insistance, jusqu'à ce que, un éclair de lucidité sous les pommettes, elle recule.
J'ai saigné sur ces silhouettes et laissé couler les vers, des hectolitres de mots qui du robinet ouvert se faisaient les enfants fous, dangereux car inconscients de ce qu'ils provoquaient alors, renversant sur leur passage tout ce carton de décor et se jetant dans la boue.
C'est tout c'que j'éclaboussais, je les traînais avec moi, dans la ronde, la voix cassée, depuis nos vêtements salis. Et tu me disais bien joli quand me répandant sur toi, j'avais pour faire une corde, usé des draps de ton lit.