Malle d'enfance

Elle marchait droit devant elle, la bouille renfrognée. Ou était elle plutôt décidée et se moquait déjà de l'opinion du voisin.

En poche, trois marrons fraichement extraits de leur bogue et une poignée potelée de billes allaient devoir servir de subtile monnaie pour de nouvelles aventures. 

Dressée dans le caoutchouc bleu marine de ses bottes, elle s'en allait parcourir la cour d'un bout a l'autre et se planta devant la meute de capuches et velours troués au ballon mousseux mouillé. Les garçons. Forcément, leur terrain de foot avait trouvé bon de se dessiner pile au même endroit que la marelle des filles. Et le groupe de groupies derrière le mur, tu le vois, jamais ne se serait senti assez mal éduqué pour se risquer dans de telles négociations. 

Il en fallait bien une, une dévouée, une un peu plus culottée que les autres. Et du mérite elle en bougonnerait aussi tient. Surtout occupée à trouver comment améliorer son modeste troc pour la prochaine fois.

A la prochaine sonnerie, les filles pourront sautiller en paix sur leurs parcelles de craie.

Les garçons quant à eux, rigoleront plus loin, en égarant de temps en temps leur ballon du coté chasse gardée. Des cris stridents et le carillon de la sonnerie. Le caoutchouc et la bouille bougon s'en retournent déjà vers le fond, au petit portillon dont on peut voir les couleurs des arbres du parc d'à coté. Des fillettes bien apprêtée, elle n'en a que faire, dans la vie, quand elle sera grande, elle sait déjà qu'elle sera moins timide que toutes ces colombes réunies qui battent de l'aile pour brasser l'air mais sans jamais y respirer la vraie belle odeur de la liberté. 

Loin de la cour de récrée, les choses finalement, n'ont pas beaucoup changé.