Chroniques K#02 - J'ai testé pour vous...

Il y a, là-bas, tout de ce que l'on adore détester dans les piscines municipales:  l'odeur de chlore qui pique les yeux et le nez ; le mec enrobé, en tongs du 1er janvier au 31 décembre, qui vous rappelle de bien vous savonner en sortant de l'eau, en vous scannant de la tête aux pieds de manière suspicieuse ; les mamies « bonnet rose à fleurs » qui piaillent dans le grand bassin et créent des embouteillages sur les lignes d'eau ; et, bien sûr, les marmots qui hurlent à qui veut bien l'entendre « la piscine c'est trop génial ! » Trop génial, hum, c'est le mot.

Je prends mon courage à deux mains, et me donne surtout un grand coup de pied au derrière. Après avoir traversé le champ d'exploitation de verrues radioactives – comprenez le bassin hygiénique censé désinfecter nos petits petons – je me lance dans le grand bassin. Ligne « brasse », je ne suis pas complètement suicidaire. C'est la ligne des fameuses mamies. Dommage. Dans cette ligne, on croise toutes sortes de personnages. Les mamies, bien sûr, mais également les blondes qui pensent que le dos crawlé se nage dans la ligne d'eau « brasse » puisque ce n'est pas du crawl, ou encore les petits frimeurs qui passent leur temps à vous doubler pour vous signifier que vous ne brassez pas assez vite. L'autre jour, il y avait aussi un OANI (Objet Aquatique Non Identifié). Le mec, slip de bain ultra moulant, lunettes vert fluo et bonnet argent, avait décidé de se la jouer outsider.« Ouais, je suis dans la ligne brasse, et alors ? Je suis un rebelle moi, tu ne me connais pas. » Ah, non ça c'est sûr, et je n'ai pas envie de te connaître. Le gars a cru qu'il pouvait faire la nage du dauphin sans que cela ne gêne ni ne choque personne. La nage du dauphin ?! Cet homme est DAN-GE-REUX. « C'est forcément un serial killer » me souffle Alain. Ce n'est même pas la nage papillon, c'est la nage « du dauphin », nage non homologuée par la Fédération Française de Natation. (Au passage, je note qu'il existe une page Wikipédia sur la nage du papillon…).

Depuis toute petite, dans l'eau, je me suis toujours prise pour un pirate. Mon grand jeu, c'est d'identifier et dénicher les trésors que me réservent les fonds non pas marins mais carrelés de la piscine municipale. C'est un peu comme un open goodies aquatique : le rêve ! Je ne compte plus les chouchous, barrettes et pinces à cheveux que j'ai pu trouver, ou encore les anneaux et autres accessoires sportifs conçus pour couler, afin d'apprendre la fameuse technique du piqué coulé dite du canard. Toutefois, on peut être amené à faire des découvertes surprenantes. L'autre jour, par exemple, j'ai trouvé un tampon. Non usagé, certes, mais un tampon tout de même ! Quel(le) scientifique du dimanche peut bien avoir l'idée de jeter un tampon dans une piscine ? Cette expérience m'a appris deux choses : premièrement, un tampon ça coule, qui l'eût cru ? Et deuxièmement, gorgé d'eau, c'est sacrément gros ce machin-là ! De toute façon, à la piscine, les serviettes sont toujours de rigueur.

S'il y a une chose que je déteste par-dessus tout à la piscine, ce sont les nageurs de la ligne d'à côté. Qu'il s'agisse du crawl ou des palmes, ils passent leur temps à se rapprocher des flotteurs et à vous caresser discrètement les cuisses, ou bien à vous donner de grands coups de pieds. Toutefois, j'ai appris à riposter. Certains ventent les mérites de l'aqua biking, moi, je me suis mise à l'aqua kick boxing, et j'adore ! C'est fou comme donner de grands coups de pied dans l'eau, et atteindre une cible de temps à autre, cela peut nous défouler.

Mais ça n'a pas suffi. Pour parfaire mon étude terrain (sous-marine ?) j'ai décidé d'investir. Oui, je suis un peu une fifolle. J'ai acheté des palmes et j'ai plongé dans un univers inconnu : celui de la ligne aqu'high-tech. Autant vous dire qu'après des années d'inactivité, la première longueur est difficile. La brasse est un leurre, les palmes scient dans votre beurre. Dans cette ligne, il y a des fous furieux de la natation. Pour vous dire, je ne serais même pas étonnée d'y croiser un scaphandrier tant on voit de drôles d'objets…

Au bout d'un moment, j'ai un bon rythme, je me sens en confiance, j'accélère, je double même des frimeurs high-tech obligés de faire une pause de l'autre côté du bassin pour reprendre leur souffle, quand soudain… De la musique ! La marche des Walkyrie de Wagner. C'est forcément pour moi.  Je suis tellement une belle gosse de la nage palmée que la Fédération Française de Natation veut me rendre un hommage, je… Mais quel est cet attroupement auprès du mur qui divise le bassin 50 mètres en deux petits bassins ? Bon. Ce sont juste les filles de la natation synchronisée qui répètent leur numéro. Ok, mon heure de gloire n'est pas encore arrivée, mais ça ne saurait tarder. Be prepared, Flipper is coming.