Chroniques K#03 - J'ai testé pour vous...

 Samedi 23 novembre, 6h48. Gare de Perrache. Non, je ne sors pas d'une soirée trop arrosée, et je n'ai pas non plus eu l'idée du siècle pour rembourser mon emprunt étudiant en raccolant des mecs bourrés en chien. J'attends le bus 55. Non, je ne vais pas à l'école. J'ai rendez-vous : je vais cuisiner dans les cuisines de Top Chef.

Quelques semaines plus tôt, j'ai eu la bonne idée de m'inscrire au concours culinaire de l'école. Thème imposé pour les éliminatoires : l'orange (le fruit, pas la couleur. Parce que je ne vous raconte pas le nombre d'idiots qui m'ont conseillée de travailler avec du potiron ou de la carotte). Autant dire qu'avec ma verrine improvisée à l'arrache, mais testée et approuvée par une légende d'or mise à l'honneur sur welovewords.com, je ne pensais pas passer les présélections. Résultat : me voilà de bonne heure, un samedi matin de novembre, à me geler les miches dans la gare routière de Perrache, attendant un bus qui ne vient pas au lieu de faire la grasse mat' comme tout étudiant qui se respecte.

Je retrouve mon équipe aussi réveillée que moi. Pas le temps de rêvasser que la compétition commence. Top c'est parti ! Sauf que… ah bah non en fait, il nous manque les ingrédients. Normalement dans Top Chef, on leur fournit le panier. Une bonne demi-heure après, nous réalisons que tout est soigneusement rangé dans les placards. Oups.

Jo, l'étudiant de l'institut Paul Bocuse, nous apprend que son école a servi pour le tournage de Top Chef, mais pas le temps de s'émerveiller : il me demande de peler les champignons de Paris. Euh ? Depuis quand ça se pèle des champignons ? Bon, ça ressemble à rien mais ça va. Ciseler un oignon ? Ok, c'est dans mes cordes. Je me prépare à pleurer toutes les larmes de mon corps, quand soudain, il m'arrête : « Surtout pas, malheureuse ! – Ben quoi ? – Là tu les éminces, moi je veux que tu les cisèles… - Ah. Et c'est pour quoi faire déjà ? – Je vais les passer au mixer avec les champignons pour la duxelles. »  Moi pas comprendre le dernier mot mais surtout : si c'est pour les passer au mixer, qu'est-ce ça peut te foutre que j'émince ou que je cisèle les oignons ? ! Keep calm…

Je file faire la plonge. Je suis impressionnée par la vaisselle étalée devant moi. Il y a des marmites, des louches qui font la taille d'un gros bol, des saladiers de toutes les formes et des chinois de toutes les tailles. Je ne peux réprimer un fou rire : dans la cuisine règne un calme plat. Moi qui croyais que les gens allaient hurler, courir partout et suer à grosses gouttes sur une musique bien stressante, genre la BO d'Inception… Bienvenue dans la vraie vie, sans accélérations et autres ralentis qui maintiennent le suspense.

Il y a juste un truc étrange. J'entends « chaud » à tout va. Les gars, on a compris que vous étiez motivés pour cuisiner, mais là ça va bien. A moins que ce ne soit un code ? Pour différentier un étudiant en commerce d'un étudiant en restauration, il suffit de les mettre dans une cuisine les bras chargés de victuailles. Le premier se confondra en excuses en bousculant les autres maladroitement, quand le second dira fermement « chaud » en se frayant savamment un chemin entre les pianos fumants. Bref, je ne suis pas encore prête pour le guide Michelin, mais je peux toujours me pavaner avec ma toque de chef !