Chroniques sentimentales ordinaires (2) [extrait]

V. Quéprina

Elle enfila un autre pull et se glissa sous l'énorme couette, n'en laissant ressortir qu'un petit morceau de visage, de quoi respirer, à peine. 

Au bout de quelques minutes, elle attrape une couverture supplémentaire. Elle ne sait pas trop pourquoi elle grelotte, ni pourquoi ses mains sont étonnamment gelées. Son ventre fait des tourbillons, et l'air circule beaucoup trop librement à l'intérieur de son estomac. Elle respire profondément, ferme les yeux, mais le retour au calme est de courte durée. Elle se recroqueville le plus possible, touchant presque ses genoux avec ses bras. 


Elle a envie de se sentir entourée, protégée, même s'il sagit d'un kilo de mélange laine-coton ou de sa propre chaleur corporelle. Elle se rétracte d'un côté du lit, ne dépassant pas d'un doigt la moitié symbolique qu'elle respecte trop scrupuleusement.

Ne pas empiéter sur sa place. Son espace vide et froid, à l'oreiller beaucoup trop uniforme. Depuis, les draps ont été changés à plusieurs reprises, et il ne reste plus rien du parfum masculin qui imprégnait avec douceur les recoins du tissu. Maintenant ne reste plus que l'odeur de la solitude, acre, inaccueillante. 

Elle se tourne face au mur, pour ne plus apercevoir le vide qui se couche auprès d'elle ce soir. L'inconscient, dans son sommeil, ne se souviendra peut-être pas de l'absence. Elle se penche pour atteindre péniblement l'interrupteur et ainsi exposer son bras à la fraicheur de la pièce.

Dans la pénombre, le silence est aussi envahissant qu'une multitude de murmures. Le souffle léger de sa respiration lui rappelle péniblement qu'il manque un chanteur à ce duo aérien nocturne. Le bois du sommier ne craque pas, rien ne bouge. Elle aimerait se boucher les oreilles pour ne plus rien entendre de ce qui ne fait aucun bruit. 

Le côté gauche de la couette retombe directement sur le matelas, n'ayant plus personne à contourner. Elle serre fort dans sa main son petit téléphone, espérant que son corps la tiendra en éveil à la moindre secousse.
Mais ses sens auront aussi besoin d'un peu d'adaptation. 

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