Cireur de pompes
Jean Claude Blanc
Cireur de pompes
Pas un métier, une intuition
Et une sage compromission
Pour respecter les conventions
Cireur de pompes, plein d'ambition
Jamais montrer ta mauvaise mine
Anticiper, courber l'échine
Toujours sourire, tenir bagou
Aux présidents, faire la roue
Plébisciter le faire-valoir
D'un gus avide de pouvoir
Tenir à jour son répertoire
Et le border, pour quel espoir…
Etre à la botte d'un génie
Ça te dérange un peu l'esprit
Car l'éloquence, lui, l'a apprise
Toi, ouistiti, sans matière grise
Costard, cravate, pas trop en faire
Concurrencer les dignitaires
C'est une insulte pour les héros
Valets en bas, flambeurs en haut
Par masochisme ou par manie
Cirer des pompes, souliers vernis
Il n'y a pas de sots boulots
Même si t'es pas sur la photo
Si t'es lèche cul, dans ton usine
Les syndicats, vite fulminent
Aux objectifs, tu te soumets
Car seuls comptent tes intérêts
Au baratin de ton dirlo
Au premier rang, tu cries bravo
Même si tu penses le contraire
Tu n'es pas fou, ni téméraire
Le faux-semblant parfois ça sert
Te réduisant à l'esclavage
Te voilà serveur en livrée
Cacahuètes et rinçages
Echange costume pour tablier
Fête finie, pour toi commence
Le rangement, c'est maintenant…
Servir les rois, tu es tenté
A leur niveau, de t'élever
Mais à l'étage supérieur
Là où abondent les honneurs
T'es qu'un garçon, qui donne l'heure
Pour ça te paient tes bienfaiteurs
Ils t'encouragent à en faire plus
Même les torcher, la prime en sus
Pour un peu, baisserais ta culotte
Afin de rehausser ta cote
A chaque échelon, y'a des pantins
Des domestiques, qui servent à rien
Sauf servir de miroir
Aux délaissés, de l'isoloir
On est toujours, nègre de quelqu'un
Les écrivains, leur gagne-pain
Des stars, traduisent les mémoires
Question exploit, c'est pas la gloire
Cireur de pompes ou éboueur
Tu choisis pas si t'es chômeur
Les plus malins, jouent les instruits
Vendent leur âme, à vil prix
Mais les mammouths de l'Etat
Ecrasent tout sur leur passage
De valets de pieds, n'en font pas cas
Reviens l'époque du servage
Y'aura toujours des courtisans
Des femmes de chambres, à coucher…
Bonnes à tout faire, franchement bandantes
Folles bergères, corps à louer
Grippeminaud, le bon apôtre
En ronronnant, se prostitue
Voudrait tellement, être de la Haute
Rallier la bande des parvenus
La presse dénonce les excès
De nos élus, durs à chasser
En version of, drôles de zèbres
Des lustres, des ors, ont la fièvre
Cireur de pompes, sûrement utile
Pour amasser du fric facile
Juste un moment, être servile
C'est du théâtre, pas très civil
N'est plus civique, la République
Retour au mode monarchique JC Blanc avril 2014