Clarté

Christian Lemoine

Vous éteigniez les lumières à ce moment précis où le regard des chats n’avait plus à cueillir l’étincelle des braises mourantes, dans l’entre-deux des pièces crépusculaires ignorant vers quelle clarté ou quelle nuit l’ombre grise des arbres devait plonger ses branches. Vous éteigniez les lumières dans la simple économie des chandelles, mèches, cire, incapables de saisir au fond des bourses presque vides les inquiétudes des jours asséchés, insaisissables encore, invisibles même au plus clair des rayons du soir. Vous éteignez les lumières à ce moment des hommes, quand ils considèrent dans leurs fenêtres les ciels brûlés, les éclaircies désenchantées de l’aridité des nappes. Et si versatiles, leurs horizons tremblants. Eteignez donc ces lumières qui jettent un œil obscène sur le plateau vide, sur le noir décharné de la scène dépeuplée, comme un rideau de velours rouge, lourd, absurde mais compatissant, s’abat sur les morts, ceux-là qui ne se relèveront pas. Vous éteindrez les Lumières à force de religions stupides, vouées à l’incertain en quoi vous cherchez en vain les fondements d’une mystique, laquelle n’a d’autre source que votre propre peur, et vous vous coucherez sous les suaires de marbre, pierres de chair, terres de retour, sans plus connaître les lumières dont vous redoutiez à tort la brûlure érudite.
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