CLÉMENTINE C.

franck75

                                    Clémentine C.

À l’occasion de cette soirée placée sous le signe de la St Valentin, deux grandes possibilités s’offraient à moi pour écrire un texte : célébrer les vertus éternelles de ce cocktail fait d’eau de rose, de guimauve et de fleur bleue qu’on appelle l’amour ou bien alors, et c’était peut-être plus dans ma nature, de dézinguer tout ça au lance-flamme… ce qui est quand même plus fort qu’une simple déclaration (de flamme). Le choix fut donc vite fait.

Ainsi recentrée, la question qui se posa à moi devint rapidement celle-ci : Avec qui ne formerais-je jamais un couple, ni pour la vie, ni pour une nuit, ni pour trois minutes trente dans une cage d’ascenseur ? Vaste choix en vérité, et les noms se bousculaient dans ma pauvre tête. Jusqu’à ce jour d’hier où, circulant dans Paris sur mon petit destrier à moteur, j’aperçus tout à coup devant moi, étalée sur toute la surface d’une colonne Morris, la large et hideuse figure de, de… Clémentine Célarié. Qui ça ? demande l’heureux homme qui, par une chance insigne ignorerait jusqu’à son nom. Clémentine Célarié, me forcé-je à répéter, le cœur au bord des lèvres…

Dois-je évoquer la carrière de cette incomparable artiste ? Brièvement alors, rappelons sa filmographie : “ Les Nanas ”, “ La Vengeance d’une blonde ”, “ Du côté des filles ”, “ Génial, mes parents divorcent ”, “ Justice de flic ”, “ Les Sœurs Soleil ” “ Les Misérables ”, avec le grand Michel Boujenah, “ Les Braqueuses ”... Rien que des chef d’œuvres donc et des rôles de premier plan.

Peinant, et on le comprend, à imposer son charme et son talent au générique de films présentables, c’est sur un plateau de télé qu’elle parvient finalement à faire sensation. Nous sommes alors le 7 avril 1994 et, tout le monde s’en souvient, à un moment de l’émission sur le Sida, la sus-nommée se lève et embrasse “ sur la bouche ” un malade. C’était, expliquera-t-on plus tard, pour prouver aux gens que le virus n’était pas transmissible ; accessoirement aussi de montrer qu’elle, Clémentine Célarié, avait un cœur “ grand comme ça ” et que si, à l’occasion, un metteur en scène ou un producteur souhaitait la contacter… L’histoire ne dit pas si le malheureux sidéen, déjà durement frappé par la maladie ne fila pas derechef aux toilettes pour y vomir son maigre dîner. Le fait est que quelques mois plus tard, je l’appris au détour d’un entrefilet, il passa de vie à trépas dans la plus grande indifférence. Clémentine Célarié, elle, gagna d’un seul coup les faveurs du grand public et ses galons de vedette hexagonale. Sa récompense immédiate ? Un contrat avec la marque Slimfast et une série de spots publicitaires à vous dégoûter d’ouvrir le frigo.

Bien, me rétorquera-ton, mais il n’y a tout de même pas là-dedans de quoi fouetter un chat ou de virer taliban. Des filles moches, des filles grosses, des filles bêtes, des filles vulgaires, des filles intéressées, on en connaît tous, ça court même les rues. Oui mais elle, le problème, c’est qu’elle est tout ça à la fois !

Cette femme m’écoeure, elle m’indispose, elle m’horripile, elle me révulse, elle me répugne, elle me débecte… les mots me manquent pour lui dire mon affection. Quand je l’entends, quand je la vois (je n’ai jamais eu à la toucher heureusement), je sens s’élever en moi le seuil déjà critique de ma misogynie et, plus grave, je m’interroge avec effroi sur le bien fondé de mon orientation sexuelle. Avouons le, si on m’imposait de choisir, je préférerais le commerce coupable d’une poule, d’une chèvre ou d’une génisse, à un coït même furtif avec l’héroïne de XY. Me pacser avec Dave, Pascal Sevran ou Charles Pasqua s’il était de la jaquette me paraîtrait encore un moindre mal. À la réflexion, mes sentiments pour elle sont même plus forts que ça… Lorsque avec son élégance verbale coutumière, je cite pour exemple : “ l’apparence ça me fait chier, les cons je les emmerde “ elle égrène ses platitudes ponctuées de gloussements imbéciles, je ressens aussitôt, comment dire, l’envie de me la faire… Non pas au sens ou l’entendent certains ici (mais je ne les nommerai pas) quand ils notent en se pourléchant les babines le numéro de portable de quelque créature à l’affabilité prometteuse, mais dans un sens résolument chaste. Oui j’ai simplement envie de lui éclater la tête, de lui démolir le portrait, de lui écrabouiller la tronche… Ouf ! il fait chaud tout à coup… Moi qui me targue de ne jamais frapper les femmes (sans me confondre en excuses l’instant suivant), je crois que dans son cas, je ferais une notable et vigoureuse exception. Mais pourquoi ciel ses parents l’ont-ils baptisée Clémentine, du nom de cet agrume charnu, tendre et gouleyant quand d’autres fruits et légumes, l’endive, la courge, la citrouille, le poireau eussent mieux fait l’affaire ? Et les deux C de ses initiales ? C’était de bon augure pourtant : Cindy Crawford, Claudia Cardinale, Cyrielle Claire, la délicieuse Clotilde Courault… Claudette Colbert pour les plus cinéphiles, Céline Chambon (c’est ma nièce de huit ans), pour les plus pédophiles. Et puis l’oubliée mais si charmante Corinne Charby…

Mais comment une femme peut-elle être si peu désirable ? À mon avis, même avec son brin de célébrité, elle doit pointer à l’ANPE du sexe plus souvent qu’à son tour. Et pourtant, au cinéma ou à la télé elle est vêtue, maquillée, éclairée à son avantage. Mon Dieu ! qu’est-ce que ça doit être au saut du lit après une soirée bien arrosée (je n’invoque Dieu que dans les situations extrêmes). Quand je l’ai vue sur son affiche hier, souriant en grand format, toutes muqueuses dehors, je me suis demandé un instant comment la colonne Morris faisait pour ne pas ramollir… “ Madame Sans-Gêne ”, était-il annoncé. Il était question sans doute du gène du sex-appeal et de la séduction…

Bon, je sens que mes critiques envers Clémentine Célarié commencent à prendre un tour assez personnel, contraire en tout cas à mon éthique et à ma bonne éducation, c’est pourquoi je m’en tiendrai là. On conviendra, j’espère, que ce scrupule m’honore.

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