Collection Harlequin

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Collection Harlequin

Succès de Salon

Yves Salnac, éditeur parisien, remet un peu d’ordre sur son stand avec l’aide de Solène, son assistante. C’est un grand brun, la quarantaine, les tempes grisonnantes. Il porte bien ses tenues de style chic décontracté. Une horde de lectrices émoustillées vient de mettre tous ses livres en pagaille. Il faut dire que l’auteur de romans à succès Nicolas Marge dédicace son dernier livre, « Urbattitude ». Ce jeune homme, les cheveux savamment décoiffés, attire particulièrement les petites étudiantes en lettres. A la fin de la matinée,  Nicolas est épuisé. Nous sommes dimanche 9 novembre 2003 et le salon du livre de Brive est un franc succès.

 - Solène, pouvez-vous rappeler discrètement Isabelle Mangot, elle est en retard pour sa signature, les gens attendent.

L’éditeur continue de s’affairer. Ce salon est essentiel pour lui, il ne doit pas louper le coche. Sa maison d’édition est en difficulté financière, le moindre livre vendu le sauve de la faillite. Ce Nicolas Marge est une aubaine, avec son physique de jeune premier, il fait vendre du papier. Yves continue de remettre les ouvrages en pile, trébuche légèrement  et fait tomber un livre qui traînait au coin de la table.

- Ah, ces tables à tréteaux, grogne-t-il en ramassant le poche. En se relevant, il se trouve nez à nez avec une magnifique jeune femme rousse.

- Excusez-moi, dit-elle, rouge de confusion. J’avais posé mon livre là en regardant vos dernières parutions.

Il lui tend le livre et lui sourit presque timidement.

- Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas. Je me demandais juste d’où venait ce livre qui n’est pas de la maison.

Elle rougit encore un peu.

- C’est un roman que je suis en train de lire et que j’apprécie particulièrement.

 L’éditeur regarde de la tête aux pieds la jeune fille qui lui fait face. « Une apparition divine, se dit-il. Cette fille est splendide ». Une belle rousse, comme il les aime. Une chevelure soyeuse et ondulante, un teint très clair, quelques tâches de rousseur, des yeux oscillant entre le bleu et le vert selon la lumière. Un air à la fois doux et déterminé. Il lui fait face :

- Alors, comme ça , vous nous faites des infidélités ? Et quel genre de littérature aimez-vous ?

Claire, toujours un peu rougissante :

- Ah mais rassurez-vous, je lis également des livres qui viennent de chez vous !

- J’espère bien, dit-il avec un large sourire.

Il prend un livre sur la table :

- Tenez, lisez ceci, c’est une merveille. On en a peu parlé dans les médias mais je vous assure que c’est très bien.

Il lui donne le livre. En le prenant, elle frôle son bras et rougit de nouveau légèrement. Il lui tend la main :

- Yves Salnac, éditeur, enchanté !

- Claire Verlaine, enchantée !

Solène, l’assistante de l’éditeur, vient chercher ce dernier. Isabelle Mangot est arrivée. Il doit aller la saluer.

- J’en ai pour une minute, attendez-moi là, dit-il à la jolie rousse.

Elle lui sourit, prend un livre au hasard et lit le résumé de la quatrième de couverture en l’attendant.

 L’éditeur accueille cette femme écrivain avec un sourire un peu feint. Il doit l’encourager, elle est en période de doute. Elle a certes connu le succès avec ses premières oeuvres mais depuis quelques années déjà, les ventes baissent. Décidément, il faut du renouveau aux éditions Yves Salnac mais on sait combien il est difficile de trouver la perle rare…

Tandis qu’il discute avec Isabelle Mangot, Yves ne peut s’empêcher de suivre du regard sa belle inconnue. Celle-ci déambule toujours sur le stand. Elle prend les livres avec grâce, les feuillette délicatement. « Comme j’aimerais être un livre entre tes belles mains blanches », se dit l’éditeur en continuant sa conversation avec l’ auteur. Il glisse à l’oreille de son assistante :

 - Solène, je vois que tout se passe à merveille, je vais vous laisser, fait-il. Vous me prévenez quand Le Galureau arrivera.

L’éditeur rejoint Claire. Celle-ci dit en lui tendant le livre:

- Ca a l’air très bien, en effet !

- Vous verrez. Je vous l’offre ! Ecoutez, je meurs de soif, que diriez-vous d’une petite boisson à la cafétéria au fond. Nous pourrions discuter tranquillement !

- Oui, pourquoi pas ?

Ils se dirigent tous deux vers le bar. Solène regarde son patron en poussant un léger soupir.

Au bar, Claire s’assoit sur une chaise haute. Yves prend le temps d’admirer cette ravissante rousse. Elle porte une ample robe en velours bleu pétrole tombant sur des bottes cavalières à revers. « Son regard est à la fois volontaire et caressant, juste ce que j’aime », se dit-il en continuant de l’admirer. Il est divorcé depuis cinq ans. Récemment, il a eu une liaison de quelques mois avec l’une de ses traductrices mais c’était une femme sèche et blasée. Avec l’âge, il a besoin de plus de candeur, de douceur. Il reste un séducteur dans l’âme, mais sa recherche amoureuse est devenue plus romantique. Claire passe la main dans ses cheveux, l’éditeur perçoit alors  la douce odeur de sa nuque, un parfum de lilas. C’est une bouffée de printemps dans les premiers frimas de l’hiver.

- Un jus d’orange, ça vous dit ? Deux jus d’orange bien frais s’il vous plaît !

Elle repasse la main dans ses cheveux et cherche un mouchoir dans son sac.

« Dieu que cette fille est belle ! », se dit-il. Claire est impressionnée de se trouver aux côtés de cet homme charismatique. Elle arrive à peine à parler, c’est une grande timide depuis toujours. Il faut qu’elle se lance !

Les boissons arrivent. Elle prend son verre avec élégance et y trempe ses lèvres.

- Vous êtes content du salon cette année ?

- Oui, plutôt. On fait de bonnes signatures. Et vous, satisfaite de votre visite ?

- Moi, ce n’est pas pareil. Je viens ici en tant que lectrice, dit-elle avec une rougeur aux joues.

- Et vous faites de belles découvertes ?

- Plutôt, répond-t-elle, avec un soupçon d’ironie.

- Quel genre d’auteur vous attire ?

- Oh, je n’ai pas de genre bien défini, vous savez…

- Vous faites beaucoup de salons ?

- Non, je viens ici parce que j’habite Brive. Je viens pour connaître le monde de l’édition.

Claire passe à nouveau la main dans ses cheveux.

- Le monde de l’édition vous intéresse. Dites moi tout !

- C’est à dire que j’écris un roman en ce moment. Je regarde un peu le genre de livres publiés, pour me faire une idée.

- Très très intéressant. Et il en est où votre roman ?

- J’entame la deuxième moitié…

Solène vient chercher l’éditeur au bar, un confrère avec qui il avait rendez-vous vient d’arriver au stand.

- Bien, bien, j’arrive, j’arrive. Bon, écoutez, Claire, attendez-moi ici. Je n’en ai pas pour longtemps. Yves retourne à son stand, serre la main de Galureau et va s’installer avec lui au bureau.

La jeune femme sirote son jus de fruits en repensant à l’agitation des derniers mois. Sa rupture très douloureuse avec un médecin déjà marié. Heureusement, elle a pu s’investir pleinement dans chacune de ses deux passions : son travail d’infirmière et l’écriture.  La première lui a été transmise par sa mère, elle-même infirmière, et la seconde,  par son père, passionné de littérature.

La sonnerie de son téléphone la sort de ses rêveries. Un appel urgent. Un patient vient de faire une crise d’hypertension. Claire prend ses affaires, jette un dernier regard vers le stand. Yves doit être dans le bureau, elle ne voit personne. Elle n’a pas le temps de rester,  elle doit faire vite,  son patient n’attendra pas.

Elle arrive chez le malade et lui fait sa piqûre. Elle le réconforte un peu et reprend rapidement le chemin du salon. Quand elle arrive sur le parking, la grande halle est fermée. Le lieu est déjà désert. Elle se précipite dans sa voiture pour aller à la gare. Un camion bloque la route. Elle s’impatiente au volant et commence à cogiter. « Que vais-je lui dire ? ». « C’est absurde, il va me voir débarquer sur le quai toute essoufflée. Il va se demander ce que lui veut cette folle qui le poursuit ! ». « Non, je ne peux pas. Tant pis, j’attendrai une prochaine occasion ».

Elle fait demi-tour, la mort dans l’âme. Dans le hall de la gare, Yves, qui doit rentrer impérativement à Paris, promène ses yeux autour de lui espérant apercevoir à tout instant une chevelure couleur cannelle. Il se maudit pour cet interminable entretien avec Galureau. Il prend sa valise, monte dans le train Corail, jette un dernier regard sur le quai. Il soupire, on l’entend à peine murmurer « Mon écureuil, mon petit écureuil, où te caches-tu donc ? ».

« Le mois de mai, c’est un bon moment pour déposer mon manuscrit ». Cette semaine, Claire a enfin écrit le dernier mot de son livre. Elle s’est accordé un jour de congé pour se rendre à la capitale. Elle compte passer chez l’éditeur Yves Salnac. Pour le voir, lui confier son travail,  tout se mêle dans sa tête. Cet homme a provoqué un tel trouble en elle… Il lui suffit désormais d’entendre prononcer son prénom pour avoir la chair de poule.  De bon matin, Claire prend le train pour Paris. Après son passage chez l’éditeur, elle compte prendre un petit moment pour visiter une ville qu’elle connaît si peu. « Peut-être en compagnie d’Yves, qui sait ? », se dit-elle en regardant filer le paysage. La jeune femme sort du métro à St-Germain-des-Près. Elle marche avec bonheur sur le parvis de l’église en direction des éditions YS, 54, rue de Seine. Elle sonne à l’interphone, pousse la porte cochère et manque de tomber sur les pavés en franchissant le seuil. Elle met ensuite tout son poids contre une lourde porte en verre qui mène aux étages. Elle monte une à une les marches et trébuche à nouveau sur le tapis râpé de l’escalier. Arrivée au deuxième étage, elle sonne. Une femme est à l’accueil. C’est celle qu’elle avait aperçue sur le stand des éditions YS lors du Salon de Brive, Solène. Celle-ci a l’air très absorbée par une conversation téléphonique et regarde à peine Claire  quand elle rentre. Elle lui fait signe de poser le manuscrit sur le comptoir.

La jeune infirmière s’assoit sur le fauteuil de l’entrée et attend que la secrétaire daigne lui parler. Au bout de cinq longues minutes, l’assistante raccroche, un peu exaspérée par la présence de Claire.

- Bonjour Mademoiselle, que puis-je faire pour vous ?

- Bonjour Madame, j’aimerais donner ce manuscrit en mains propres à Monsieur Salnac.

- Ah, Monsieur Salnac est en déplacement pour la semaine. Désolée. Je le lui remettrai mais vous savez, il en reçoit tellement....Vous avez laissé vos coordonnées ?

- Oui oui, j’ai laissé ma carte à l’intérieur. Quand sera-t-il de retour ?

- Pas avant lundi prochain, ça c’est sûr. Bonne journée, Madame !

Claire s’en va. La secrétaire, en reprenant son téléphone, fait tomber le manuscrit qu’elle repose négligemment sur le comptoir.

La jolie rousse sort de l’immeuble défaite. Elle se promène dans le coin de St-Germain, s’arrête à une terrasse à l’angle de la rue St-Benoît pour boire un café. Elle aperçoit au fond de la salle Nicolas Marge qui discute vivement avec une très jeune fille. Sa voisine de gauche lui dit vaguement quelque chose. L’homme qui est à sa droite lui sourit. C’est Paul Gravine, le présentateur de la nouvelle émission littéraire de France 2. Elle boit lentement son café, regarde autour d’elle et au bout d’une demi-heure, se décide enfin à bouger. Qu’elle aille au moins visiter le Centre Pompidou, depuis le temps qu’elle en rêve…Avant de reprendre le métro, elle regarde une dernière fois en direction de la rue de Seine,  on ne sait jamais, Yves pourrait apparaître comme par enchantement. Un parisien la bouscule sans s’excuser. Elle part pour les Halles. Là-bas, elle regarde quelques vitrines et profite bien de  sa visite de musée. Malgré tout, elle est contente de sa journée. Depuis l’enfance, elle a appris à prendre les bons moments que lui offrait la vie sans s’appesantir sur ses déceptions. Son métier d’infirmière l’aide  bien dans ce sens. Elle reprend le train et retrouve son studio de Brive.

La semaine suivante, Yves arrive à son bureau un peu agité, son rendez-vous avec le banquier a été un fiasco. La maison d’édition doit absolument faire du chiffre, faute de quoi elle sombrera dans les mois à venir. Certains auteurs qui marchaient autrefois ont moins de succès. Il faut qu’il publie un best-seller rapidement. En arrivant à son bureau, il passe voir son assistante qui lui donne la liste des numéros à rappeler.

- Merci Solène. Sinon, quoi de neuf en mon absence ?

- Rien de particulier, Monsieur.

Il voit le manuscrit au bout du comptoir.

- Et ça, c’est quoi ?

- Oh, ça ? dit-elle un peu gênée, c’est un manuscrit que l’on a reçu la semaine dernière.

- Qui était-ce ?

- Je ne sais pas, c’est un coursier qui l’a déposé.

- Très bien, je le prends dans mon bureau. Ne me dérangez pas de la matinée sauf urgence, j’ai à faire !

Yves entre dans son bureau, il s’assoit, passe quelques coups de téléphone. Ses yeux restent fixés malgré lui sur la couverture du manuscrit. « Dernier sursaut ». En fin de matinée, il se décide enfin à l’ouvrir. Il est tellement plongé dans sa lecture qu’il entend à peine Solène qui part déjeuner. L’histoire est captivante. Il s’agit d’une infirmière qui soigne pendant longtemps un vieillard au coin de sa rue. La relation est forte entre les deux êtres. A la fin  du roman,  le vieil homme s’avère être le père qu’elle n’avait pas revu depuis l’âge de cinq ans. Les rôles s’inversent, on ne sait plus qui est le soignant et qui est le soigné. Il la réconforte, lui explique les raisons de son absence. Elle assiste à ses derniers instants et apprend à pardonner enfin.

« Bouleversant, ce livre est bouleversant », s’exclame Yves, seul à son bureau. Il essaye de trouver le nom de l’auteur. Rien. Il secoue le manuscrit, espérant faire tomber une carte, un indice. Toujours rien. Il entend Solène rentrer et sort de son bureau :

- Solène, le manuscrit que vous m’avez donné ce matin, de qui est-ce ?

- Je, je vous ai dit, c’est un coursier qui l’a déposé.

- Donnez-moi le nom de la société de coursiers, je vais appeler.

- Mais pourquoi ?

- Il n’y a pas le nom de l’auteur sur le manuscrit. Ils doivent le connaître. J’appelle !

Il passe ses bras au-dessus du comptoir et se saisit de l’annuaire. Il trouve les pages jaunes concernant les sociétés de coursiers.

- Alors, le nom de cette boîte, c’est quoi, Solène ?  Vous devez bien avoir quelque chose, je sais pas, moi, un bon !

Solène respire un grand coup et dit :

- Non, Monsieur. Inutile de chercher.

- Et pourquoi je vous prie ?

Elle transpire un peu, respire encore profondément :

- Ce n’est pas un coursier qui est venu déposer le manuscrit.

- Bien, vous venez de me dire que…

- C’est une femme. Il y avait une carte à l’intérieur qui a dû tomber. La femme de ménage est passée le soir et le matin quand je suis arrivée, il n’y avait plus rien. 

- Mais bon sang, Solène, à quoi pensez-vous ? Comment est-ce que je fais maintenant ? Ce manuscrit est fantastique.

Solène sort du comptoir, l’air penaud, Yves s’assoit sur le fauteuil de l’entrée.

- C’est ici qu’elle s’est assise.

- Qui ça ?

- La femme du manuscrit, lundi dernier. C’est ici qu’elle s’est assise.

- Ca me fait de belles jambes, ça. Trouvez plutôt un moyen de la retrouver !

Assis sur le fameux fauteuil, il pose la tête sur sa main, le coude appuyé sur le genou. Solène, un peu embarassée vient vers lui.

- Et ça parle de quoi votre bouquin ?

- C’est l’histoire d’une infirmière qui…

- Une infirmière ? Nous n’avons qu’à chercher les infirmières de la ville de Brive, dit-elle l’air malicieux.

- De la ville de Brive, pourquoi ?

- Ben, la petite dame, il me semble bien l’avoir croisée au salon de cet automne !

Yves rayonne, il comprend enfin que c’est elle.

- Bonne idée ! Excellente idée. Pourquoi ne pas me l’avoir dit plus tôt ?

- Ben, vous me l’aviez pas demandé !

Yves et Solène vont vers le comptoir. La secrétaire fait une recherche sur Internet concernant les infirmières de la ville de Brive.

Claire passe la semaine chez elle , le cœur un peu triste . Elle attend un coup de téléphone, un signe d’Yves pour son manuscrit, pour elle, elle ne sait plus trop. Chaque jour, elle répond en hâte à son portable, espérant un appel de l’éditeur. Las, il ne s’agit que de demandes de patients. Un soir, elle relit « Dernier sursaut » dont elle a gardé une copie et le trouve médiocre. A la fin de la semaine, elle manque même de le jeter. Tous ces mois de travail acharné, toutes ces soirées enfermée devant son ordinateur alors qu’elle aurait pu sortir, boire un verre avec des amies, rencontrer quelqu’un…Elle pose le manuscrit dans le placard, sur la plus haute étagère, derrière une pile de pulls. Elle passe le week-end à relire le livre qu’Yves lui a offert lors du salon. L’histoire d’un chef d’entreprise, happé par son travail et ses difficultés financières qui découvre l’amour en la personne de Sophie, une jeune institutrice rencontrée par hasard dans une gare. Allongée sur son lit, elle ne se lasse pas de rêver à cet homme d’affaires courageux travaillant chaque jour pour sortir son entreprise de la faillite. Elle pense aussi à cette femme douce et délicate qui le soutient dans son épreuve. Elle relit les scènes d’amour avec passion en rougissant parfois. Elle s’endort le soir, un sourire aux lèvres.

Lundi, le téléphone sonne tôt. Toujours le même patient qui fait de l’hypertension, il a besoin d’une piqûre. Elle va au rendez-vous et réconforte ce veuf inquiet mais toujours aimable malgré sa maladie. En fin d’après-midi, sur le chemin du retour, le téléphone sonne à nouveau. Il ne s’agit pas d’un appel d’urgence, la sonnerie est différente. Ce doit être Isabelle, une de ses amies. Elle laisse sonner car elle conduit. Elle rentre chez elle et s’assoit sur le canapé. Elle allume machinalement la télévision et consulte sa messagerie. Elle éteint le poste.

- Bonsoir, Yves Salnac des éditions YS à l’appareil. Je recherche une infirmière de la région de Brive qui vient de me déposer un manuscrit. Si c’est bien vous, merci de me rappeler au 06…

Claire est toute remuée. Elle aperçoit la veilleuse de son répondeur fixe qui clignote, elle écoute le message. Même texte, avec peut-être un peu plus de fébrilité dans la voix. Elle respire un grand coup et se décide à composer le numéro direct de l’éditeur.

- Allo, bonsoir, c’est Claire Verlaine à l’appareil. C’est bien moi qui vous ai déposé le manuscrit.

- C’est vous Claire ? Vous êtes bien la personne que j’ai rencontrée à l’automne dernier au salon ?

- Oui, c’est moi.

- Ecoutez ma chère Claire, votre travail est de grande qualité. Quand se voit-on ? Je peux me déplacer, bien sûr.

- Eh bien, c’est possible pour vous demain ?

- Demain, parfait ! J’attrape le premier train et je suis à vous, je veux dire, je vous appelle dès que j’arrive. A demain, Claire !

- A demain, Yves.

La jeune femme raccroche. Elle n’en croit pas ses oreilles. Elle prend sa douche en chantant puis se blottit sous la couverture avec bonheur. Le lendemain, sa journée de travail commence très tôt. A 10 heures, un appel.

- Bonjour Claire, c’est Yves, je suis dans le train. Je serai à Brive à midi dix.

- Très bien, je passe vous chercher, fait-elle.

A midi, Claire arrive à la gare. Elle descend de sa voiture et va dans le hall. Elle regarde autour d’elle. Il est midi quatre, son cœur bat au rythme de la grande horloge qui surplombe l’entrée. « On se croirait dans « Train-providence » », se dit-elle, le roman qu’Yves lui avait confié au salon. A midi huit, elle se recoiffe en se regardant dans le grand miroir du kiosque à journaux. Le tableau d’affichage précise que le train arrivera quai n°2 mais elle préfère l’attendre devant l’horloge, elle est sûre de ne pas le manquer.

A midi douze, Yves arrive tout souriant. Ils se regardent, un peu confus.

- Enfin, je t’ai retrouvée, dit-il en la prenant dans ses bras. Ton livre est magnifique, magnifique.

Elle sourit, remplie de joie.

- Merci.

Il l’embrasse, lui caresse la joue. Elle le prend par le cou et l’attire à ses lèvres à son tour. Ils se regardent un bon moment, comblés tous les deux. Il lui prend les mains et lui fait face.

- On va faire de belles choses ensemble. De très belles choses, dit-il.

 

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