Compadre

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Compadre

 

Pour mieux nous attirer, le théâtre de marionnettes avait installé ses tréteaux près de l’école, à la sortie du village. Les gosses ne parlaient que de ça depuis des semaines maintenant. Comme si c'était l'évènement de l'année. Il faut dire qu'à Thanion-les-bains, c'était vraiment l'évènement de l'année. Alors on descendait la rue principale avec les enfants. Benoît, le cadet, était surexcité. Il sautillait à droite, à gauche, déambulait dans la rue comme un chien fou. Thomas,  bien plus posé que son petit frère, n'en était pas moins heureux. Son sourire figé pouvait en attester.

Alors que nous passions devant notre boulangerie préférée, celle du dimanche - un peu plus chère mais tellement meilleure - je crus reconnaître un visage du passé. Dans une berline noire, qui venait de passer devant nous dans la direction de l'école. Bien sûr c'était des conneries, je n'avais sûrement jamais vu ce type de ma vie mais il suffisait d'une quelconque ressemblance pour que ça me prenne. Au début ça m'arrivait quasiment tous les quatre matins de croire que je tombais sur un de mes anciens compadre prêt à me dessouder pour tout le mal que j'avais pu faire à la Famille. La moindre mouche qui me regardait de travers et mon cœur cognait si fort que je n'aurais pas été étonné de le voir bondir hors de ma poitrine. J'ai compris alors ce qu'avait dû ressentir mes victimes quand je les harcelais. C'est ça qui m'a aidé à me reconstruire, à me forger dans cette nouvelle vie. Ça et Lisa bien sûr. Puis au fil du temps, l'angoisse s'est estompée. Cela m'arrive encore de temps à autre de faire ces rencontres fantômes mais plus le temps passe, plus ces rencontres se sont espacées.

Jamais je n'aurais cru trouver ma place il y a quinze ans, dans cette petite ville de péquenauds, comme j'aimais à le penser à l'époque. Et pourtant aujourd'hui, je me sens bien avec ma petite famille. Ma vraie famille. Lisa ne sait rien de mon passé. Pour elle je ne suis qu'un immigré qui a fui son pays, rien de plus. Elle n'avait pas besoin de savoir, personne n'avait besoin de savoir et d'ailleurs, personne ne savait.

On s'approchait de l'école et il y avait déjà foule devant le petit théâtre de fortune. La plupart des chaises étaient prises et j'avais bien l'impression qu'on devrait supporter ces péripéties guignolesques debout. Lisa attendait déjà et Benoît courut en sa direction dans le but de lui arracher un câlin-avion, comme il appelait ça. Il se jeta sur elle et elle le rattrapa au vol, avant de lui faire un petit tour dans les airs et de le serrer contre sa poitrine.

- C'est dommage y a plus de chaises, mais bon, il fait beau c'est déjà ça, me dit-elle souriante.

- Oh tu sais eux, debout, assis, sous la pluie, sous la grêle, ils s'en foutent, ils veulent voir les marionnettes.

Elle me sourit et se rapprocha de moi. Je pris l'aîné au dessus de mes épaules et, alors que j'étais devenu homme-chaise, une petite voix de derrière les rideaux annonça que le spectacle allait  bientôt commencer. Les gamins, déjà bien excités, s'égosillèrent en chœur. Je regardais mes enfants et me mis à sourire, ils avaient l'air aux anges. J'aime profiter de ces moments avec eux. Le plus jeune me regarda et prit son air interrogateur qui m'amuse tant.

- Papa, c'est quoi le point rouge sur ton front ?

  • Chaque semaine sur le petit forum d'écriture http://avosplumes.xooit.com (j'en profite pour faire un peu de pub) un jeu est organisé et quelques participants (de cinq à quinze en général) écrivent et proposent une nouvelle (de 3300 caractères maximum) sur un thème imposé. L'exercice est difficile car le temps est restreint (moins de sept jours) et qu'il faut être concis.
    Voici donc une de mes nouvelles que j'ai proposée sur le site. N'hésitez pas à la commenter et à aller voir mes autres nouvelles si celle-ci vous a plu. Pour chaque commentaire que vous laisserez (positif comme négatif) j'irai lire une de vos œuvres et émettre mon avis. Ainsi, partage sera fait.
    Je vous invite également à faire un tour sur http://avosplumes.xooit.com si l'écriture et/ou la lecture vous intéresse !
    Bonne lecture !

    Thème imposé : Le texte doit commencer par la phrase : "Pour mieux nous attirer, le théâtre de marionnettes avait installé ses tréteaux près de l’école, à la sortie du village."

    · Il y a presque 12 ans ·
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    macmun

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