COMPLICATED

jr0

                     A l’heure où notre société simplifie un grand nombre de services, il semblerait au contraire que notre vie personnelle se complique en rapport.  Le temps des simples « plus tard, je serais une princesse » et « tu veux sortir avec moi ? » apparaît comme bel et bien révolu. Et il en va de même pour tous les pans de notre vie : travail, famille, et amour bien sûr. On décortique, analyse, interprète la moindre information, pour finalement être coupé dans notre élan en un simple claquement de doigts. Notre organe cérébral est farci de milliard de questions, mais ces dernières sont-elles réellement appropriées ?

   Ma bonne et belle amie O., vénérable par son âge et donc sa sagesse, m’a dit (et cela fera figure de vérité générale) : « les jeunes, arrêtez de vous compliquer la vie ! ». Est-ce là la solution ? Serait-il enfin temps d’arrêter toutes ces questions superflues, pour passer à l’action ?

     M. et moi sommes les spécialistes ès questions. Vous ne trouverez pas dans la capitale deux filles qui passent autant de temps à se marteler le cerveau, à ressasser, à réinterpréter autant la moindre particule de notre vie, essentiellement sentimentale, cela va sans dire. Il faut dire que nos situations relationnelles respectives ne sont pas piquées des vers : l’une fantasme sur un serveur casé depuis plus d’un an et installé avec sa copine, pendant que l’autre nourrit des espoirs incongrus sur une potentielle histoire outre-Rhin avec un garçon engagé lui aussi. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ?

    Question on ne peut plus transcendante. Car il semblerait en effet que le désordre de notre inconscient influe sur nos agissements. On pense noir et on dit blanc, on veut agir en femme avisée, et on se fait finalement baiser. Les relations hommes-femmes sont complexes, vous l’aurez bien compris, mais bordel qu’est-ce que c’est que ce foutoir ? Il y a bien un temps où les déclarations sortaient toutes seules, où les actes héroïques, bien que suicidaires, étaient encouragés par la littérature, et les mariages arrangés à l’avance. Bon, ok, peut-être qu’on n’a pas vraiment régressé pour cette dernière proposition.

   Et c’est comme ça pour tout.  Avant, on voulait devenir journaliste, on y allait au culot, et sans le moindre diplôme, à la Philippe Bouvard. Maintenant on fait une licence, un master, un master spécialisé, un stage à l’Express, et on se retrouve…sans rien ! Ou si ! Un contrat temporaire de 22 heures… On n’arrête pas le progrès, qu’il disait…. Les administrations universitaires en savent quelque chose… Les initiés me comprendront.

    Mais pour en revenir à l’amour (ne complexifions pas les choses plus qu’elles ne le sont déjà), quelle ligne de conduite adopter ? Etre raisonnable ? Est-ce là la caractéristique première d’une passion ? Certes non, les Romantiques du XIXème vous le confirmeront ! Agir, oui, mais pour se faire rabrouer ? Personne ne conçoit plus une sérénade tardive, ni aucune publicité placardée en face de chez l’élu de notre coeur de ce genre. Mais si les sentiments à son égard sont une évidence, la raison n’est-elle pas alors de se révéler ?

   Mais vous voyez bien ! Encore des questions, ne serait-ce que pour répondre à l’une d’elles ! Et si l’auteur est elle-même incapable d’appliquer son propre concept, comment alors le prêcher à ses fidèles ? Peut-être en mettant un terme à toute interrogative, et en privilégiant les invectives.

                  Mon mot d’ordre : agissez, soyez assertifs, et plus passifs. Prenez les armes, montez au créneau, et mettez le feu ! Et surtout : posez-vous les bonnes questions…

Signaler ce texte