Confidences
Ferdinand Legendre
Il me dit que ce n'est pas moi qui écris bien, ce sont les autres qui écrivent mal.
Il me dit que composer des poèmes sobre c'est comme éclater les bulles des trucs en plastique, on a très envie de le faire mais ça ne sert à rien.
Il me raconte des mensonges, danse d'une épaule à l'autre en jetant des projectiles dans mes oreilles.Il s'allonge, lascif, un joint dans une main, son sexe dans l'autre et il me demande de changer de morceau.
D'ailleurs il me répète souvent que tout irait mieux si on passait de la bonne musique dans les supermarchés.
Quand il m'explique ça, il joint les gestes aux paroles puis il inspire les brumes d'ombres qui m'entourent et recrache des ronds de fumée noire sur mon visage.
Quand je tousse il me traite d'homosexuel, je lui dis que c'est homophobe et que c'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité si j'en crois son historique internet, du coup il se cache derrière le lit car il a très peur des hôpitaux. il a d'ailleurs très peur du blanc de manière générale.
C'est pour ça qu'il s'habille en noir depuis toujours.
Il m'accuse de mimétisme, je l'accuse de mal mimer.
Il me traite de tous les noms, j'en saisis deux au hasard, je les mets ensemble et j'imagine comment agrémenter cette nouvelle identité.
Il sait que je suis incapable d'écrire un truc potable qui ne parle pas de moi, je balbutie que j'ai quand même le droit d'essayer mais il me coupe en faisant « beu beu beu ».
Il marque une pause parce qu'il va dire un truc intelligent.
Il finit par lâcher que se prendre en main ne veut pas dire se masturber plus.
Il me rappelle les mondes imparfaits, il me rappelle le paliérisme, il évoque souvenirs d'amours, me dit qu'on aurait dû s'en tenir à l'enfer.
Quand il clame « Tu vois, c'est ça être un artiste » il fait de grands gestes, il parle de « théâtre » et en profite pour ajouter que deux ans et des poussières en dilettante ça ne suffit pas pour dire qu'on a fait des études.
J'essaie de l'attraper au vol pour le faire taire.
Je retombe sur le lit après m'être cogné.
Je m'ouvre une bière sans gluten.
Je corrige gluten qui ne prend qu'un seul T.
Je laisse tomber deux doigts contre ma poitrine.
Ça fait un petit « poc ».
Je tape quelques fois supplémentaires pour demander s'il y a quelqu'un.
Personne ne répond.
Il n'y a pas de réponses et les questions me lassent.
J'aime les gens qui s'embrassent.
J'aime voir brûler les choses.
J'aime deux trois autres trucs qu'il faut garder pour soi.
J'avais étant enfant,
L'appétit illusoire de toutes les vérités.
Je pensais qu'en disant,
Tout ce que l'on pensait,
On pouvait tout résoudre.
Je regardais mes jouets,
Me conter des histoires,
Je les faisais baiser,
Et je les faisais boire,
J'étais intimement,
Tout à fait persuadé,
Qu'un jour on m'écouterait.
Je dois vous confier,
Que petit à petit,
Les enjeux se font moindres,
Et un peu moins intenses.
Il me dit que j'ai tort,
Que tant qu'on est pas mort,
On peut faire de nos mots,
De jolies confidences.