Confinements intimes #49
Cyrille Royer
20 décembre.
Motivé, je pars courir. Je m'attends à voir plein de monde comme la dernière fois, mais non, le jogger n'est pas une espèce si matinale que ça, finalement. Ou alors ils ont eu leur dose d'un seul coup, et ils attendent le prochain confinement puis le déconfinement à suivre pour en profiter à nouveau.
Je suis seul. Les brumes s'accrochent à la rivière, s'étirent lentement vers les champs nacrés de blanc. Les oiseaux planent au-dessus du brouillard en silence, suspendant le temps, le temps d'un vol. La solitude, quand elle est choisie, c'est chouette.
Ah si, je vois quelqu'un. Je lui dis bonjour, il répond pas. Il a des cernes jusqu'au milieu des joues, il fait peur. Je sais pourquoi. C'est l'Ankou. Pas étonnant de le voir rôder dans les campagnes embrumées de bon matin, avec le fléau qui nous menace en ce moment. Mais comme l'Ankou est une grosse pute, il se la joue incognito, il ne se balade pas avec sa faux et sa cape noire, il se ferait trop ripère. Non, l'Ankou est en survêt orange.
En revenant, j'ai une pointe de côté, je me mets à marcher. C'est tellement bon de marcher après avoir couru. Tiens, je vais en faire une philosophie de vie, un précepte sacré. Le brouillard commence à entrer dans ma tête.
Le chemin se change en route goudronnée, bientôt ce sera la ville, il va bientôt falloir que je remette le masque. D'ailleurs, je le remets, ce qui me fait froncer les sourcils, c'est une réaction physiologique. Au bout, une nouvelle journée de confinement m'attend.