Confinements intimes #8

Cyrille Royer

9 novembre.

Je vois ce matin dans la douche que j'ai deux orteils bleus, stigmates de mon chemin de croix d'hier.

J'entends à la radio que les chiffres frémissent. Malin. Ils font frémir les chiffres pour ne pas faire bouillir les gens, je trouve ça assez subtil de leur part.

J'essaie de retarder le moment de me mettre au travail, pour repousser le début de l'ennui. Mon esprit est ailleurs. J'ai eu une révélation. Vous savez pourquoi des fois, on dit le Covid, et des fois, on dit la Covid ? Moi, je sais. C'est parce qu'il est hermaphrodite. La preuve, c'est qu'il se reproduit tout seul. Ça m'étonne pas, de toutes façons, qu'avec la gueule qu'il a (ou qu'elle a), il trouve personne pour ken. Franchement, on dirait le jouet de mon chien. Moche, quoi.

C'est vrai qu'aujourd'hui, j'ai la tête ailleurs. Depuis que je travaille ici, je regarde beaucoup plus souvent par la fenêtre. Peut-être parce qu'au boulot, les fenêtres sont à deux mètres de hauteur, mais pas que. Le corps est là, le cul sur la chaise, les pieds dans les savates et les doigts sur le clavier. L'esprit, lui, il s'échappe.

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