Confusion

arlequin

LUI :

Je sentis tout de suite, à l’intonation de ta voix, que quelque chose n’allait pas bien ; je ne te voyais pas, mais j’imaginais sans peine tes yeux rougis par les larmes, j’entendais la détresse de ton cœur, une douleur qui m’atteignit aussi et je compris, sans que tu n’aies besoin de le dire, que l’homme qui partageait ta vie t’avait encore joué un sale tour.

Nous discutâmes pendant plus d’une heure au téléphone et, comprenant que je ne pourrais te calmer ainsi, ne voulant pas laisser ma plus fidèle amie dans la peine, je te proposai de venir me voir. Pourtant, cela tombait très mal : je m’étais enfin décidé à inviter ma collègue qui me faisait du rentre dedans depuis plusieurs semaines, mais entre un plan sexe et toi, la priorité était plus qu’évidente.

Ma collègue apprécia très moyennement que je décommande notre soirée ; mais cela n’avait aucune importance et je me mis à préparer mon fameux rôti aux trois moutardes que tu aimais tant. J’avais à peine fini de dresser la table, que tu sonnais à la porte. Tes yeux étaient rouges, comme je l’avais imaginé, ton sourire était forcé, triste ; je sentis une colère sourde monter en moi ; si ton copain avait été présent à ce moment-là, je lui aurais certainement collé mon poing au visage. Je te fis entrer et te serra fort dans mes bras où tu éclatas en sanglot et je me demandais comment un homme pouvait être assez mesquin pour faire souffrir une femme comme toi.

Après t’être un peu calmée, tu me parlas tes nouveaux déboires avec ton copain, m’expliquant qu’il t’avait encore trompé et avec l’une de tes amies ce coup-ci. J’avais beau essayer, mais je ne trouvai pas les mots pour te réconforter ; cela faisait si longtemps que cette situation durait et je ne me voyais pas te dire « je te l’avais dit », ou bien « tu sais comme il est ; il ne changera pas », alors je me contentai de t’écouter en silence, pestant intérieurement.

Le temps de prendre deux apéritifs et nous nous mîmes à table et la conversation partit sur d’autres sujets. Peu à peu, le vin aidant, tu commenças à te décontracter, à retrouver ton sourire, un sourire extraordinaire, du genre qui inonde tout un visage, fait pétiller les yeux, un sourire qui réchauffe celui qui le reçoit, qui fait facilement tourner la tête. Tu te mis à parler, à parler, à parler… et moi je t’écoutais sans mots dire, bercé par la douce mélodie de ta voix. Tes cheveux détachés tombaient harmonieusement au-dessus de tes épaules ; je te trouvais plus belle que jamais ; je me sentais admirablement bien avec toi et un trouble étrange, insipide, me gagna, un sentiment qui me fit me sentir coupable et que je m’efforçai de chasser.

Après le dîner, je nous préparai un café à la crème chantilly et nous repartîmes sur des discussions philosophiques, refaisant le Monde à notre sauce, comme nous le faisions à l’époque où nous étions à la fac. Nous discutâmes ainsi jusqu’à très tard dans la nuit, beaucoup trop tard pour que tu puisses rentrer chez toi. Aussi, comme cela était déjà si souvent arrivé dans le passé, je t’offris ma chambre pour la nuit, offre que tu acceptas sans hésitation. Je me souviens de ton regard quand tu me souhaitas la bonne nuit, un regard différent aux autres fois, comme si le trouble que j’avais ressenti un peu plus tôt était passé en toi. Mais je n’y prêtai pas plus d’attention et alla fumer une cigarette sur le balcon.

Je ne sais pas combien de temps je suis resté sur le balcon, beaucoup plus que pour une simple cigarette. Je suis revenu dans le salon en faisant le moins de bruit possible, pensant que tu dormais bien profondément et je m’apprêtai à en faire de même quand je t’entendis m’appeler.

La veilleuse de la chambre était allumée ; ton regard me pénétra, m’envoûta, me fit oublier que tu étais ma meilleure amie. Je vins m’assoir près de toi et me mis à caresser ta douce chevelure ; tu déposas un baiser dans le creux de ma main ; mon visage se rapprocha du tien, si près que je pouvais à présent sentir ton souffle ; je fermais les yeux et nos lèvres se joignirent pour la première fois en six ans.

Devenu incapable de me contrôler, j’écartai la couverture et découvris ton corps entièrement dénudé. Dans un premier temps, mes doigts s’y promenèrent timidement, puis se firent de plus entreprenant. Tes paupières étaient closes, ta bouche légèrement entrouverte. Je te couvris de baisers, commençant par le nez, puis le menton, le creux du cou. Je m’attardai plus longuement sur ta poitrine, prenant plaisir à jouer avec la pointe de tes seins. Tout ton être commençait à réagir à la double caresse de mes mains et de ma bouche.

J’entendis un premier râle lorsque mes baisers se mirent à flirter avec tes cuisses. Je sentais déjà la douce odeur de ton Mont de Vénus qui m’appelait à lui : c’était la première fois que je voyais le sexe d’une femme entièrement épilé et mon excitation en était que plus grande encore.

De la pointe de la langue, je me frayais un chemin à la recherche de ton clitoris. Je sentis tes doigts emprisonner ma chevelure lorsque je commençai à jouer avec lui. Lorsque qu’il fut assez gonflé, je l’emprisonnai entre mes dents et me mis à le sucer avec ardeur, tout en partant à l’exploration de ta grotte avec deux doigts. Tes râles de plaisir se faisaient de plus en plus nombreux, de plus en plus fort. Je buvais avec délectation le nectar que tu daignais m’offrir. Ton buste bougeait au rythme de mes doigts enfoncés en toi  et à celui de ma bouche aspirant ton clitoris. Subitement, tes jambes emprisonnèrent ma tête, tes mains la plaquèrent encore plus contre ton vagin et tu laissas éclater ta jouissance dans de grands cris, inondant mon visage de ta cyprine.

Je restai quelques minutes ainsi,  ma joue appuyée contre ta fente humide, prenant peu à peu conscience de ce qui venait de se passer et imaginant ce que nous allions pouvoir nous dire. Quand je relevai enfin la tête, je me rendis compte que tu avais toujours les yeux fermés. Un grand sourire rayonnait sur ton visage et ta respiration était devenue lente : tu t’étais endormie. Je rabattis la couverture sur toi après avoir jeté un dernier regard sur ce corps dont j’avais terriblement envie. Un dernier baiser sur le coin de tes lèvres, et je regagnai le canapé dans le salon. Avec  beaucoup de mal, je finis par m’endormir et, au petit matin, quand je rouvris les yeux, tu étais déjà partie sans laisser un mot.

Cela fait maintenant trois semaines que je n’ai plus de tes nouvelles et, par cette lettre, je voulais te dire que ma meilleure amie me manque beaucoup, beaucoup plus qu’une simple amie.

ELLE :

       Quand je me réveillai, au petit matin, je fus partagée entre deux sentiments : venir te rejoindre sur le canapé du salon, ou bien partir avant que tu ne te réveilles ; finalement, mon esprit confus décida d’opter pour la première solution.

            Dans le bus qui me ramenait à la maison, je me mis à repenser aux évènements de cette soirée, essayant d’analyser ce qui nous avait amené à une telle conclusion. Cela faisait si longtemps que nous nous connaissions toi et moi ; jamais il n’y avait eu d’ambiguïté dans nos sentiments ; en tout cas, c’est que j’avais toujours cru jusqu’à ce jour.

            Je me demandais ce que tu pouvais ressentir en ce moment, ce que tu pouvais penser de moi. Je me sentais pleinement responsable de ce qui était arrivé car c’est moi qui t’avais appelé, moi qui t’avais provoqué, moi qui avais eu terriblement envie que tu me fasses l’amour. Je t’avais laissé me caresser sans aucune résistance, bien au contraire, et ma jouissance fut fabuleuse, comme quelque chose que j’avais toujours attendu ; je regrettais de m’être endormie avant de pouvoir te rendre le plaisir que tu m’avais donné, mais, en même temps, je me demandais si ce n’était pas un signe du destin nous disant que nous avions déjà été trop loin. Plus que jamais, je me rendais compte de la place que tu avais pris dans mon cœur, une place qui n’était pas celle que je croyais, et je me mis à avoir peur, peur de t’avoir blessé, peur de t’avoir perdu.

            Arrivée enfin chez moi, je me déshabillai et fonçai sous la douche ; je laissai l’eau couler le long de mon corps comme si elle avait le pouvoir d’effacer ces dernières heures passées avec toi, mais mon esprit et mon corps restaient toujours dans la même confusion. Du reste, avais-je vraiment envie que ces évènements disparaissent de ma mémoire ?

Je me mis à me savonner tout le corps et, ce faisant, je me rappelai la chaleur de tes mains, la précision de tes doigts, le gout de tes baisers. Je fermais les yeux et sentis à nouveau le trouble gagner tout mon être, ce même trouble qui m’avait habité hier au soir. La tristesse et la douleur que m’avait infligées mon petit ami avait totalement disparu, remplacées par un sentiment que je n’osai nommer.

            Machinalement, mes mains descendirent vers mon intimité en feu, massant tendrement mon clitoris. Je me demandai si tu avais autant envie de moi que je te désirais en ce moment. Mes pensées s’emballèrent ; à présent, je regrettais amèrement d’être partie aussi rapidement. J’avais envie de te sentir à nouveau contre moi, de respirer l’odeur de ton corps, de prendre ton sexe à pleine main, de le gouter, de le sentir me prendre.

            J’enfonçai deux doigts dans mon vagin en imaginant qu’il s’agissait de ta verge et entama des mouvements de va et vient. De l’autre main, je me mis à jouer avec mon clitoris et ma gorge devint très sèche ; je sentis qu’une grosse vague n’allait plus tarder à me submerger et m’emporter dans les courants turbulents de l’orgasme. Je revis ton regard planté dans le mien, un regard où j’avais pu lire une intense émotion, une émotion qui ne peut tromper mais que, pourtant, j’avais si peur de mal interpréter.

            J’imaginai ton sexe me posséder, remplissant toute ma cavité ; j’arrivai à le sentir aller et venir de plus en plus rapidement. N’y tenant plus, mes doigts accélérèrent leur cadence et une explosion partie du creux de mon ventre, faisant trembler tout mon corps. Je tombais à genoux dans ma douche en criant ton prénom dans ma jouissance.

Trois semaines se sont écoulées depuis, trois semaines durant lesquelles je ne t’ai pas donné de mes nouvelles, durant lesquelles j’ai tenté d’oublier cette soirée. Mais elle m’habite toujours autant ; nuit et jour, dans la rue, au boulot, je ne cesse de penser à toi, mon ami de toujours, mon amant…mon amour.

ELLE

 

 Trois semaines sans te voir, sans nouvelles, mais aussi trois semaines sans avoir revu Christophe, celui qui, à tout bien regarder, était à l’origine de ce qui nous était arrivé, de cette confusion qui m’habitait. Pourtant, il avait essayé de me joindre à maintes reprises en me laissant des messages sur le répondeur, en tentant de me voir à la sortie de mon travail. Mais je ne n’avais jamais donné suite à ses messages et, grâce à Sandrine, ma collègue chez qui je squattais depuis trois semaines, j’avais toujours pu l’esquiver à la sortie du bureau.

            Ce matin-là, je n’allais pas bien du tout, moralement, à cause de ce que j’avais vu la veille au soir. Mon téléphone portable se mit à sonner et le nom de Christophe apparut sur l’écran ; je ne comprenais pas pourquoi, avec toutes les aventures qu’il avait, qu’il s’accroche autant à moi. Ce n’était pas son prénom que j’aurais voulu voir, mais le tien. J’aurais voulu entendre ta voix me demander si j’allais bien, me proposer de nous voir pour parler, enfin, de ce qui c’était passé chez toi. Mais, à présent, je savais que ce moment ne viendrait sans doute jamais : tu avais ta vie et cette soirée n’était qu’un accident dû aux effets de l’alcool, un épisode que je commençais à regretter amèrement car, si je pouvais taire mon amour pour toi, je ne supportais pas l’idée de ne plus te revoir. Cependant, je devais me faire à cette idée ; je l’avais compris de façon brutale.

            La veille, en quittant le boulot, je m’étais décidée à prendre mon courage à deux mains et à venir te voir ; j’avais tourné et retourné le problème dans tous les sens, pour toujours en arriver à la même conclusion : j’étais amoureuse de toi.

            Curieusement, une fois que j’eus totalement accepté cette idée, je réalisai que je t’avais toujours aimé ; simplement, je ne m’étais jamais aperçu de la transition entre l’amitié qui nous liait et l’amour naissant… Peut-être, aussi, n’avais-je jamais voulu m’en apercevoir, de peur qu’il n’arrive ce qui était finalement arrivé : te perdre complètement.

            Donc, à la sortie du travail, après avoir pris un verre avec Sandrine et lui avoir dit que je ne rentrerai certainement pas dormir chez elle le soir-même, je pris le métro pour me rendre chez toi. Au fur et à mesure que défilaient les stations, je sentais monter mon adrénaline, souhaitant que je ne fasse pas une bêtise énorme. Je misais sur le fait que mes sentiments étaient partagés par toi et que tu devais te poser les mêmes questions que moi. J’imaginais le conflit qui devait se dérouler en toi depuis trois semaines, les doutes qui t’assaillaient, les peurs, le sentiment de culpabilité, tout ce par quoi j’étais passée. Non, j’étais convaincue que je ne faisais pas une bêtise : il fallait simplement que l’un de nous deux fasse le dernier pas.

            Tu n’étais pas encore rentré quand j’arrivais chez toi. Trouvant que t’attendre au pied de ton escalier était un cliché dépassé, je décidai de me rendre au café, de l’autre côté de l’avenue. Je m’installai à la terrasse, pour être sûre de te voir arriver ; j’étais de plus en plus nerveuse ; mes mains étaient moites. Mon cœur s’emballa un peu plus lorsque, enfin, j’aperçus ta voiture tourner pour se garer dans l’impasse. Mon esprit se mit à travailler à grande vitesse, cherchant quel serait le meilleur moyen pour te dire l’importance, la place que tu occupais réellement dans mon cœur. Je me sentais aussi nerveuse qu’une adolescente devant son premier amour, premier émoi.

            Une douce chaleur m’enveloppa quand je te vis sortir de la voiture, tout sourire. Tu ne m’avais pas encore vu, mais je me sentis gagné par un nouveau courage et accélérai le pas ; j’avais hâte de me retrouver dans tes bras, hâte de te crier mon amour, ici, dans cette impasse. Je te vis faire le tour de ta voiture et ouvrir la portière côté passager ; mon cœur se serra et, dans un réflexe incontrôlé, je me glissai sous un porche pour t’observer sans être vue.

            Tu avais toujours été un garçon galant, respectueux de certaines règles de bienséance aujourd’hui presque disparues. Avant même que la personne sorte de la voiture, je compris que tu étais accompagné par une femme, même si, bêtement, j’espérais fortement me tromper.

            Elle était très belle, grande, élancée, avec de longs cheveux noirs. Je te vis lui sourire tendrement, puis elle t’enlaça amoureusement et vous échangeâtes un long baiser. Une violente douleur me saisit au creux du ventre, comme une déchirure ; mais c’était bien de cela dont je souffrais à cet instant : un rêve, un bonheur qui se déchirait devant moi avant que je n’ai pu y accéder.

            J’attendis que vous ayez disparu dans ton immeuble pour quitter le porche et je courus, comme une dératée, vers la bouche de métro, mes lunettes de soleil sur le nez pour cacher les larmes qui baignaient mes yeux. Je ne pouvais pas t’en vouloir, je n’en avais aucun droit car, après tout, nous n’étions que des amis, mais cela ne m’apportait pas la moindre consolation. Mon cœur saignait, souffrait devant la triste vérité : cette soirée, chez toi, n’était rien de plus qu’un incident dû à l’alcool, une absurdité dont j’étais la responsable et qui me coûtait, sinon un amour, tout au moins un ami.

            C’est bien par dépit que je décidai de répondre à Christophe. Il sembla surpris, tant habitué à tomber sur mon répondeur. Sa voix était tremblante, hésitante, penaude ; il donnait l’impression d’être vraiment malheureux, perdu, comme il l’était toujours lorsqu’il m’avait trompé et tentait de s’excuser. J’avais parfaitement conscience de sa mauvaise foi, mais j’acceptai son rendez-vous à dîner. Avec du recul, on pourrait presque trouver un côté comique à cette histoire : il y a trois semaine, c’était pour oublier le mal que m’avait fait Christophe, que je me retrouvais dans tes bras ; aujourd’hui, c’était pour oublier celui que tu m’avais fait, sans le savoir, sans même t'en douter, que je décidais de revoir Christophe.


 

LUI

 

 Je pense avoir relu ma lettre une bonne cinquantaine de fois, me posant toujours cette même question : aurais-je, un jour, le courage de te l’adresser ?

            J’essayais de m’imaginer, de deviner ce que tu pouvais penser de ton côté, ressentir, de trouver des réponses aux questions qui me taraudaient l’esprit ; étais-tu mal à l’aise suite à ce qui c’était passé entre nous ? Etais-tu rongée par la honte de m’avoir appelé dans la chambre ? Etait-ce l’alcool qui t’avait fait agir ainsi ? Ou bien la tristesse qui t’habitait à ce moment ? Peut-être un peu des deux ? Et si, finalement, l’alcool n’avait fait que te désinhiber, faisant ressortir les vrais sentiments que tu éprouvais à mon égard ?

            Curieusement, je n’arrivais pas à imaginer un seul instant que tu puisses être amoureuse de moi ; l’explication la plus plausible restait que ce que nous avions bu nous avait fait perdre le sens des réalités. Cela collait avec le fait que tu te soies brutalement endormie et que, le lendemain matin, tu sois partie comme une voleuse, sans même me laisser un mot.

            Depuis combien de temps étais-je amoureux de toi ? J’         avais beau chercher, je n’arrivais pas à trouver de réponse à cette question. Aussi loin que remontaient mes souvenirs, je ne me rappelais pas avoir été une seule fois jaloux envers tes différentes conquêtes, pas même lorsque tu m’annonças que tu allais, enfin, te poser avec Christophe. Quand et comment mon amitié avait-elle franchi la frontière ? J’avais lu, il y a longtemps, un truc du genre : « l’amitié n’est rien d’autre qu’un amour platonique… ». Peut-être que la personne qui avait écrit cela n’avait pas tout à fait tort ?

            Lorsque mon téléphone sonna, j’espérai fortement entendre le son de ta voix à l’autre bout de la ligne ; il s’agissait bien d’une voix féminine, mais pas la tienne. Depuis environ deux mois, j’avais une relation suivie avec une femme que j’avais connue à la librairie, celle où je me rendais régulièrement, où je t’avais déjà souvent amené. Au cours de ces trois dernières semaines, j’avais préféré ne pas revoir Claire, voulant tout d’abord remettre de l’ordre dans mon cerveau. Nous nous étions régulièrement parlé au téléphone, mais j’avais toujours décliné ses propositions de sorties, prétextant la fatigue, un peu de fièvre, ou bien encore l’arrivée imprévue d’un copain d’enfance. Mais mes mensonges finissaient par me mettre mal à l’aise : Claire était une fille bien, généreuse, entière, et je n’avais pas le droit de la prendre pour une imbécile. Donc, cette fois c’est moi qui lui proposai de nous voir le lendemain soir. J’entendis le sourire dans sa voix et nous décidâmes que je passerais la prendre à la sortie de son travail.

            Cette journée de boulot fut, de loin, la plus longue de la semaine. Pourtant, je ne fus pas débordé par le travail, mais j’avais passé une nuit difficile, à ne penser qu’à toi, t’imaginant revenue auprès de ton Christophe : cette fois, je ressentais la jalousie. Plus d’une fois, j’eus envie de t’appeler et te crier mon amour dès que tu décrocherais ton téléphone, mais, à chaque fois, quelque chose m’arrêtait au dernier moment : la peur de te perdre totalement en t’avouant un sentiment que tu ne partageais pas.

            C’est avec un grand soulagement que je vis arriver l’heure de débaucher. Je tâchais de me concentrer sur Claire, espérant, plus ou moins consciemment, qu’elle serait la solution à mes maux. Etrange coïncidence, ou pied de nez du destin, mais quand j’allumais la radio de la voiture, je tombais sur une chanson du groupe « Il était une fois3, dont les paroles, bien que datant de 1975, traduisaient parfaitement ma situation : « J’ai encore rêvé d’elle… ». Je restai à l’écouter quelques secondes, puis inséra un C.D des Beatles et démarra, prenant la direction du 12ème.

            La journée avait été particulièrement chaude à Paris, rendant l’atmosphère étouffante en cette fin d’après-midi. Dans les rues, tout le monde se promenait avec des tenues légères et j’aurais aimé que mon emploi ne m’oblige pas à porter le costume cravate. De son côté, Claire avait revêtu un chemisier blanc à manches courtes, un de ces vêtements que l’on attache par l’avant en faisant un nœud, une mini-jupe et des Spartiates. En me voyant arriver, elle défit son chignon et fit couler ses cheveux d’un mouvement de la tête fort gracieux, digne d’une publicité ; elle était magnifique.

            Nous décidâmes de dîner en tête-à-tête chez moi. Durant tout le trajet, Claire ne fit aucune allusion à la distance que j’avais mis entre nous ces derniers temps. Elle sembla, néanmoins, remarquer une certaine froideur en moi, mais, plutôt que de me poser des questions qui m’auraient fait me sentir mal, elle opta pour tenter de me faire sourire. Disposant d’un excellent sens de l’humour, elle arriva à me dérider et, même, à me faire rire aux éclats alors que nous arrivions près de mon immeuble.

            Comme d’habitude, je ne trouvai pas de place dans l’artère principale, aussi je me garai à l’angle de l’avenue, dans l’impasse. Fidèle à mes habitudes, je sortis en premier pour aller ouvrir la portière passager, tendant la main à Claire pour l’aider à sortir de la voiture. Nous échangeâmes un regard complice, un sourire, puis elle se lova à moi et nos lèvres se joignirent ; le baiser était doux, chaud, et me fit un effet immédiat.

            Bras dessus dessous, nous entrâmes précipitamment dans l’immeuble, nous engouffrâmes tout aussi rapidement dans l’ascenseur, où nos lèvres se scellèrent à nouveau. Mes mains glissèrent sous la jupe, partant à la conquête d’un fessier agréablement rebondit ; mon excitation montant de trois crans lorsque je m’aperçus que Claire ne portait pas de dessous.

            L’ascenseur s’arrêta brusquement entre deux étages ; Claire avait enfoncé le bouton d’arrêt et me regardait à présent d’un air qui ne cachait rien de ses intentions. Je n’avais encore jamais fait l’amour dans un ascenseur ; du reste, cela ne faisait pas partie de mes fantasmes, mais elle savait comment faire tourner la tête à un homme, même quand cette tête était encombrée d’idées confuses. Elle me poussa contre l’une des parois, s’agenouilla devant moi, détacha mon ceinturon, fit glisser mon pantalon et mon caleçon jusqu’aux cheville et pris mon sexe à pleine bouche.

            Je ne pus retenir un soupir d’extase en sentant ma verge entourer d’une douce chaleur humide. Je fermai les yeux, bien décidé à me laisser aller, à profiter pleinement de cette sublime fellation. Très vite, je sentis les premiers picotements, signes évidents que je n’allais pas résister bien longtemps à ce traitement… Pourquoi ton visage m’apparut-il à ce moment ?

            Je repoussai brusquement, trop peut-être, Claire et me rhabillai à la hâte. Dans un premier temps, je crois, elle ne comprit pas ce qui m’arrivait, puis elle dut voir la larme rouler le long de ma joue. Je vis un sourire triste s’afficher sur son visage, avant qu’elle ne remette l’ascenseur en marche, le faisant redescendre au rez-de-chaussée. Avant d’en sortir, elle déposa un baiser sur ma joue et me murmura :

- Je ne sais pas qui elle est, mais elle a beaucoup de chance.

- Tu as donc deviné ?

- Je me sens assez ridicule ainsi, alors, s’il te plait, ne me crois pas non plus idiote !

- Loin de moi une telle idée. Pardonne-moi Claire.

- Bonne chance et, si toutefois ton histoire ne devait pas aboutir, rappelle moi : je déciderai à ce moment si je te pardonne ou pas !

Claire disparut et je me retrouvai à nouveau seul avec mes questions, mes doutes, mes craintes, mais aussi avec une nouvelle certitude : j’allais t’appeler !


 

LUI :

            La première chose que je fis en regagnant mon appartement, fut de t’appeler. J’étais encore un peu perturbé par mon épisode avec Claire, mais je n’avais pas la patience d’attendre plus longtemps : il fallait absolument que je te parle. Mon cœur se mit à battre la chamade alors que je composais ton numéro et mon esprit fonctionnait à plein rendement. Qu’allais-je te dire une fois que tu décrocherais ? Je me rendais compte que je n’y avais pas pensé. Un « bonjour, c’est moi ; je t’appelle pour te dire que je t’aime » serait sans doute un peu brutal comme entrée en matière, mais je n’avais pas d’autre idée ; peu importe, j’allais déjà essayer de ne pas bafouiller.

            Une vague de chaleur me submergea lorsque j’entendis ta voix douce, cristalline, puis une immense déception quand je réalisai qu’il s’agissait de ton message répondeur. Je refis une seconde tentative, avec le même résultat : je tombais instantanément sur ta messagerie, signe que ton téléphone était coupé. J’hésitai un moment à appeler chez Christophe, mais je savais, par le biais de l’une de nos connaissances communes, que tu l’avais quitté et habitais, provisoirement, chez l’une de tes collègues. Je décidai donc de prendre mon mal en patience et me préparai un plateau repas. Je m’installai dans le canapé et allumai la télé, tombant sur une émission de télé-réalité que je me mis à regarder, sans vraiment comprendre ce que je regardais. Sans m’en rendre compte, je finis par être gagné par la fatigue et m’endormis.

            Ce furent les rayons du soleil qui finirent par me tirer de mon sommeil. En voyant l’heure qu’il était, je bondis du canapé en panique : j’allais être en retard au travail. J’appelai mon patron pour m’excuser, pris une douche rapide et fonçai à ma voiture ; je mourais d’envie de te téléphoner, mais j’estimai, peut-être à tort, que ce n’était pas la priorité du moment. A présent, je regrettais de ne pas t’avoir laissé un message la veille. Mais qu’importe : je t’appellerai à l’heure du déjeuner.

            J’arrivais avec plus d’une heure et demie de retard au bureau. Fort heureusement, je n’étais pas coutumier du fait et Gilles était un patron compréhensif. Néanmoins, fin de semaine oblige, nous avions un surcroît de travail et il me demanda si je pouvais faire sauter ma pause déjeuner pour avancer au maximum. Cela ne m’arrangeait pas vraiment, mais je me voyais mal lui refuser ce service. Après tout, à part faire travailler un peu plus mes méninges à me faire des films qui feraient battre mon cœur à des rythmes différents, cela ne me coûtait rien d’attendre la fin de la journée pour te téléphoner.

            Au final, le travail fut si intense, que je réussi à te faire sortir de mon esprit durant quelques heures, mais quand le moment de partir arriva, tu y refis surface de plus belle. Il était 18 heures passées ; non seulement je n’avais pas déjeuné, mais, de plus, j’avais fait plus d’une heure supplémentaire. Les deux réunis, j’avais comblé mon retard du matin.

            Curieusement, bien que n’ayant rien avalé, à part un café, depuis mon plateau repas de la veille, je ne ressentais aucun effet de la faim, seulement une grosse boule au ventre qui me rappela mon adolescence, la toute première fois où mon cœur s’était mis à battre pour une fille. Installé au volant de ma voiture, la tête appuyé contre le haut du siège, je me mis à sourire en repensant aux difficultés que j’avais rencontrées, à cette époque, pour avouer mon amour. Quelques années s’étaient écoulées depuis, mais j’étais toujours confronté aux mêmes craintes.

            Je pris une profonde inspiration et composai ton numéro. Contrairement à la veille, j’avais prévu ce que j’allais te dire, à commencer par une invitation dans un bon restaurant. Cette fois, ton téléphone était allumé. Une sonnerie, puis une autre et encore une… puis ta messagerie, à nouveau.

- Bonsoir Lucie, c’est moi, Franck. Je voulais juste prendre de tes nouvelles, savoir comment tu vas. Rappelle-moi dès que tu peux.

A peine avais-je raccroché, que je trouvai mon message d’une banalité absurde. Furieux de ma prestation, je démarrai et pris le chemin de la maison, me demandant où tu pouvais bien être, ce que tu faisais, pourquoi tu n’avais pas répondu à mon appel. Ce pouvait-il que tu sois retourné auprès de Christophe ? Cette idée me transperça le cœur et je réalisai que, pour la toute première fois, je ressentais une vive jalousie alors que je n’en avais aucun droit légitime.

            Arrivé chez moi, je pris une bière dans le réfrigérateur et m’installai devant mon P.C ; peut-être allais-je te retrouver sur la messagerie instantanée ? Mais là aussi, quand je lançai le messenger, tu étais aux abonnés absents. N’y tena

nt plus, je recomposai ton numéro et tomba directement sur ton répondeur : tu avais éteint ton portable. J’imaginai que, avant de le couper, tu avais dû voir mon appel en absence, voir que je t’avais laissé un message ; peut-être l’avais-tu écouté ?... Non, tu l’avais certainement écouté !

Ma bouteille étant vide, j’allai me chercher une autre bière. Quel imbécile j’étais ! Comment avais-je pu croire, ne serait-ce qu’un instant, qu’il puisse y avoir quelque chose entre nous ? Ce qui s’était passé était bien un incident regrettable, induit par la consommation d’alcool, un passage de ta vie que tu devais regretter, dont tu devais avoir honte au point de ne pas vouloir me parler !

J’ingurgitai ma bière en quelques gorgées et alla prendre une troisième bouteille. Je me remis devant l’ordinateur et, pour je ne sais quelle raison, me mis à chercher le groupe « Il était une fois » sur You Tube. Je trouvai rapidement « J’ai encore rêvé d’elle » et, les yeux clos, la bière à la main, je laissai les paroles de la chanson s’imprégner en moi. Rapidement, ton visage, puis ton corps se dessinèrent dans mon esprit ; j’eus l’impression de pouvoir le toucher, le caresser, l’embrasser ; ton parfum vint flatter mes narines. Puis je me mis à ressentir une vive douleur, un mal que je n’avais jamais éprouvé jusqu’alors, comme si des milliers d’aiguilles me transperçaient le corps. Pris dans un tourbillon d’idées noires, je me mis à pleurer ma peine, notre amour mort sans même avoir commencé.

ELLE :

 

            Christophe devait passer me prendre à la sortie du travail ; il n’avait pas caché sa joie lorsque j’avais accepté son rendez-vous, mais il était en retard, une habitude que je lui connaissais bien et qui, ce soir, ne jouait pas en sa faveur. Sandrine m’avait demandé si je comptais rentrer dormir chez elle et je n’avais pas su lui répondre, mon esprit étant toujours tiraillé entre différents sentiments.

            Je me sentais angoissée, nerveuse ; j’avais une boule au ventre persistante et ressentais une certaine douleur en pensant à la femme que j’avais vu avec toi la veille, celle qui avait partagé ta nuit. J’enviais sa chance d’avoir pu goûter à ta douceur, à tes caresses, d’avoir profité de cette attention particulière que tu portes aux plaisirs féminins, ce même bonheur que j’avais subrepticement découvert. La colère jouait au yoyo en moi : j’en voulais à cette femme d’exister, de t’avoir volé à moi ; j’étais furieusement jalouse.

            Perdue dans mes pensées noires, je n’entendis pas immédiatement la sonnerie de mon téléphone. Je m’empressai de fouiller dans mon sac à main, espérant, secrètement, que cet appel vienne de toi, mais, au moment où je saisissais enfin mon portable, je vis son écran s’éteindre brusquement. Il me fallut quelques secondes pour comprendre que la batterie était vide ; je n’avais même pas vu qui cherchait à me joindre : Christophe, pour me dire qu’il avait un empêchement, ou toi ? Je compris que ce n’était pas lui, en voyant apparaître sa voiture au coin de la rue. Etait-ce donc toi ? Non, tu étais certainement encore avec cette femme ; pourquoi penserais-tu subitement à moi ?

            Christophe s’excusa de son retard, m’expliquant qu’il avait été pris dans les bouchons sur le périphérique extérieur. Comme pour aider à se faire pardonner, il me tendit un bouquet de roses rouges ; cela faisait bien longtemps qu’il ne m’avait pas offert des fleurs et le geste me toucha malgré moi.

- C’est gentil, lui dis-je. Quel programme as-tu prévu pour ce soir ?

  Une surprise !

La surprise fut de taille : pour la toute première fois depuis que nous nous connaissions, il m’invita dans un luxueux restaurant servant une cuisine française traditionnelle haut de gamme ; il avait décidé de sortir le grand jeu pour me reconquérir et il marqua un deuxième point, même si je continuais à garder une certaine froideur. Je me demandai pourquoi il faisait tout cela. Il était très bel homme, d’où les nombreuses conquêtes qu’il continuait à collectionner, alors pourquoi cherchait-il toujours à me récupérer, plutôt que de mettre un terme définitif à notre relation ?

Au fil du repas, je finis par baisser ma garde, me détendant tant et si bien, qu’il arriva à me faire sourire, puis rire ; après son regard ténébreux, son humour était ce qui m’avait séduite la première fois où je l’avais rencontré, un charme qui semblait, au final, vouloir opérer ce soir encore.

Il était plus de 23 heures lorsque nous quittâmes le restaurant. Encore un geste surprenant de sa part : Christophe m’ouvrit la portière passager avant de monter lui-même dans la voiture, une attention qui me rappela ta galanterie.

- Je te ramène chez ta collègue ?

Il me fixait tendrement ; je me sentais apaisée pour la première fois depuis trois semaines et n’avais pas envie que cela s’arrête tout de suite. Qu’allais-je faire si je rentrais chez Sandrine ? Me morfondre en pensant à toi, à notre amour qui n’avait existé que dans mon imagination ? A cet instant très précis, j’estimais avoir suffisamment pleurée. Bien que je n’eux rien pardonné à Christophe, j’avais besoin d’un peu d’attention… et il était là.

Je me penchais vers lui, ferma les yeux et scella mes lèvres aux siennes. Le baiser, d’abord timide, devient rapidement fougueux, éveillant mes sens à défaut de réchauffer mon cœur.

- Amène-nous à la maison, murmurai-je.

La circulation étant devenue très fluide à cette heure, nous arrivâmes très vite à l’appartement. J’eux un pincement au cœur en me rappelant la dernière fois où j’avais franchis ce palier : c’était pour venir te voir.

- Veux-tu boire quelque chose ?

Christophe paraissait très intimidé, peu sûr de lui ; je l’avais rarement connu ainsi. Sans doute percevait-il que je n’avais pas vraiment fait table rase de sa dernière incartade, ou, peut-être, sentait-il qu’un autre homme occupait mes pensées ?

Je lui adressai un sourire et mis mes bras autour de son cou, m’efforçant de te chasser totalement de mon esprit.

- Tu ne crois pas que nous avons assez bu pour ce soir ? lui dis-je.

A partir de cet instant, je retrouvai le Christophe que je connaissais, impérieux, fougueux. Il enserra ma taille et sa langue se mit à fouiller ma bouche, comme si elle cherchait à se battre en duel avec ma propre langue. Je me sentis défaillir sous cet assaut. Malgré moi, mon corps se mit à frémir, mon intimité à s’humidifier. Il glissa une main sous ma jupe, remonta sur ma fesse et se mit à la pétrir avec fermeté. Il abandonna ma bouche, pour s’attaquer à ma nuque ; ses baisers me rendaient électrique et j’ouvris la braguette de son pantalon pour me saisir de son membre bien dur et le tirer à l’air libre.

Tu revins à nouveau à la charge dans ma tête ; je me demandai comment était ton sexe ? Tu m’avais vu dans le plus simple appareil, mais je n’avais pas profité de ton corps. Tu m’avais donné du plaisir et je m’étais endormie. Les choses auraient-elles tournée différemment si je ne m’étais pas enfuie au petit matin ?

Un doigt se mit à jouer avec mon clitoris et je me surpris à trouver Christophe moins habile que tu l’avais été. Tes caresses, tes lèvres… tout me semblait infiniment plus doux. Je m’en voulus brusquement de faire ces comparaisons ; cela ne me ressemblait pas ; je n’étais pas avec toi, mais avec Christophe. Tu avais ta vie, je devais poursuivre la mienne !

- Viens ! dis-je en entraînant Christophe dans la chambre à coucher.

Nous nous déshabillâmes à la hâte et je le fis s’allonger sur le lit. Je contemplai son sexe quelques instants, le caressant, l’effleurant, le faisant frétiller du bout de mes doigts. Mon corps vibrait de plus en plus de désir, mais, aussi bizarre que cela puisse sembler, c’était le souvenir de tes caresses qui faisait monter l’excitation en moi.

Je secouais vivement la tête et je vis le regard interrogateur de Christophe. Sans dire un mot, je me mis à cheval au-dessus de lui et m’empalai sur sa verge en fermant les yeux. Ton visage m’apparut aussitôt et je sentis la rage me gagner ; je me mis à chevaucher le membre viril avec fureur, sentant les premiers picotements du plaisir naître au creux de mon ventre. Pourtant, rien n’y faisait : je n’arrivais pas à chasser ton image de mon esprit.

Alors que de petites vagues commençaient à me secouer, je réalisai que ce n’était pas à Christophe que je faisais l’amour, mais bien à toi, à ton ombre obsédante ; ce n’était pas Christophe que j’entendais gémir, mais toi sous mes coups de reins de plus en plus violents.

La vague libératrice déferla brusquement dans tout mon corps, m’en faisant perdre le contrôle, tandis que la semence masculine se répandait en moi. Totalement sous l’emprise de l’orgasme, je me mis à crier, à hurler un « je t’aime » venant du plus profond de mon cœur. Enfin, le souffle court, je me laissais tomber à plat ventre au coin du lit. Christophe déposa un baiser au creux de mes reins, me faisant sursauter.

- Moi aussi, dit-il, je t’aime.

Je dus faire un immense effort pour refreiner mon envie subite de pleurer.


 

Le narrateur :

 

            Si Christophe avait rapidement sombré dans le sommeil, éreinté par une longue journée de travail et soulagé d’avoir ramené Lucie au domicile conjugal, cette dernière, en revanche, connut un début de nuit particulièrement agité. Elle se retrouva assaillie par les regrets, celui de s’être trop vite endormie trois semaines plus tôt, d’être ainsi partie au petit matin, de ne pas avoir pris la peine d’appeler Franck… Une douleur lancinante lui vrillait  le cœur, une blessure encore plus vive lorsqu’elle repensait à cette superbe femme aux longs cheveux noir ; elle réalisait qu’elle était sans doute passée à côté de quelque chose de fabuleux, une de ces grandes histoires qui ne se produit qu’une fois dans une vie. Le sort s’était joué d’elle, se montrant d’une ironie cruelle : combien de personnes, dans le monde, passent leurs temps à chercher l’âme sœur ? Elle, elle l’avait eu à ses côtés, durant de longues années, sans jamais le voir… jusqu’à ce fameux soir. Pourquoi était-elle partie ? Pourquoi avait-elle cherché à fuit ce qui était une évidence ?

            Les yeux rouges pas une nuit blanche, l’esprit quelque peu embrumé, Franck alluma la dernière cigarette que contenait son paquet. Il tira une longue taffe en esquissant un air de dégout : tout autour de son canapé, des bouteilles de bières vides jonchaient le sol ; il avait beaucoup bu durant cette nuit, beaucoup fumé, mais ni l’alcool ni la nicotine n’avaient réussi à soulager sa détresse. Toute la nuit, il avait attendu, espéré qu’elle le rappelle enfin, même pour lui dire qu’elle regrettait ce qui s’était passé entre eux, qu’elle préférait qu’ils ne se voient pas pendant un certain temps. Il était prêt à tout entendre, pourvu que cesse ce silence pesant. Mais au petit matin, alors que les rayons du soleil commençaient à pénétrer dans son salon, il finit par se faire une raison, tout aussi douloureuse soit-elle : elle ne le rappellerait jamais. Il écrasa nerveusement sa cigarette ; il sentait sourdre une certaine colère en lui.

            Finalement, sans s’en apercevoir, Lucie avait fini par rejoindre les bras de Morphée. Combien de temps avait-elle dormi, elle n’aurait su le dire. Mais ce fut la sonnerie d’un téléphone qui la tira de son sommeil. Elle se retourna dans le lit et découvrit que Christophe n’y était plus ; elle entendit sa voix, dans le salon : il parlait au téléphone. Quelque chose, une intuition, la poussa à se lever pour écouter ce qu’il disait. Elle quitta le lit, se servit du drap pour envelopper son corps nu et s’approcha doucement de la porte de la chambre.

- Elle va très bien. Elle dort encore. Veux-tu que je lui demande de te rappeler ?

A présent, la colère s’était bien installée chez Franck. Ce n’était pas l’une de celle que l’on éprouve face à quelque évènement, quelqu’un qui vous met hors de vous, mais plutôt une réaction, somme toute si humaine, de protection face à la monté d’une douleur morale trop vive. Il jeta son téléphone, plus qu’il ne le posa, sur la table basse et alla respirer l’air du matin sur son balcon, espérant qu’il soit encore assez frais pour mettre de l’ordre dans ses idées.

Elle était chez Christophe ; elle dormait encore, signe qu’elle y avait passé la nuit. Il n’y avait aucun doute : ils s’étaient remis ensemble, une fois de plu. Bien malgré lui, il les imagina faisant l’amour, vit leurs deux corps enlacés, entendit les gémissements de Lucie, se souvint de son visage s’illuminant sous la monté du plaisir. La colère disparut brusquement ; des larmes montèrent à ses yeux ; il se laissa tomber à genoux ; il laissa exploser sa douleur.

- Qui était-ce ?

Christophe se retourna en sursaut. Le ton étrange de Franck l’avait plongé dans d’étranges réflexions et il n’avait pas entendu arriver Lucie. Il la trouvait très belle ce matin et il se dit que cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait pas regardé ainsi. Il était heureux qu’elle ait accepté, une fois de plus, de revenir à lui mais, à présent, en l’observant avec attention, il comprit qu’il l’avait définitivement perdu.

- Franck, répondit-il avec déchirement.

La réponse résonna longuement dans la tête de Lucie, comme un écho parcourant un long tunnel. Une onde chaude traversa son corps, réchauffa son cœur.

- Qu’a-t-il dit ?

- Pas grand-chose. Il voulait savoir si tu étais là, si tu allais bien.

- C’est tout ?

- Oui… Il y a quelque chose entre vous, n’est-ce pas ?

- Pourquoi dis-tu cela ?

- Dès que j’ai prononcé son nom, ton regard s’est éclairé. Quant à lui, il avait une voix bizarre.

- Bizarre ?

- Triste.

Lucie se mit à réfléchir très vite pendant quelques secondes, puis elle retourna dans la chambre en courant. Elle laissa tomber la couverture, ramassa ses affaires au pied du lit et s’habilla à la hâte. Elle aurait dû prendre une douche pour chasser les odeurs de cette mauvaise nuit, mais elle n’avait pas la patience de le faire : elle devait retrouver Franck au plus vite.

Il l’avait appelé, rompant enfin un silence de trois semaines, et c’était, sans aucun doute, lui qui avait essayé de la joindre la veille, lorsque son téléphone était tombé à court de batterie. Peut-être s’emballait-elle trop vite, peut-être n’avait-il que des excuses à lui formuler, des regrets d’avoir été trop loin avec elle, mais cela n’avait pas d’importance : seul comptait ce qu’elle avait à lui dire.

Franck avait l’impression que sa tête allait exploser ; il fallait qu’il sorte, qu’il aille faire un tour. Il sentait l’alcool et le tabac à plein nez ; il avait besoin de prendre une bonne douche. Se laver, prendre la voiture et rouler loin, hors de Paris, pourquoi pas à Fontainebleau ? Oui, cela lui semblait une bonne idée : s’isoler en pleine nature pour faire le point, redonner un peu de calme  à son esprit en fusion.

Lucie avait fait appeler un taxi, désireuse d’arriver au plus vite chez Franck. Dans la voiture qui la conduisait, l’espérait-elle, vers un nouveau et véritable bonheur, elle repensa à la réaction de Christophe : il n’avait pas cherché à la retenir et s’était même excusé de tout le mal qu’il lui avait durant toutes ces années.

- Franck est un type bien, avait-il dit. Je vous souhaite d’être heureux ensemble.

Franck… Elle allait lui avouer son amour, lui dire qu’il était l’homme de sa vie, qu’il avait toujours été même si elle s’en rendait compte aussi tardivement. Ils étaient faits l’un pour l’autre, elle en était persuadée ; tout allait bien se passer et si, par aventure, la femme brune était encore entre eux deux, alors elle se battrait pour lui ravir la place.

Franck se sentait légèrement mieux, propre en tout cas. Il ramassa les clefs de sa voiture et ouvrit la porte d’entrée.

- Lucie ?

Il n’en croyait pas ses yeux : elle était là, devant lui, s’apprêtant à sonner. Ils se regardèrent longuement, sans dire un mot. Mais que dire dans une telle situation, alors que votre gorge se trouve nouée par l’émotion ? Cependant, au travers de cet échange muet, chacun comprit ce que l’autre avait vécu, souffert durant ces trois dernières semaines. Ils réalisèrent que leurs cœurs battaient d’un même rythme, sur une mélodie que seul l’amour savait inventer.

Elle entra dans l’appartement, sans cesser de le quitter des yeux, et referma la porte derrière elle. Enfin, la bouche de Franck s’entrouvrit ; il allait dire quelque chose, mais elle ne lui en laissa pas le temps. Elle se jeta à son cou, ses lèvres trouvèrent celles de Franck et leurs souffles se mêlèrent dans un long baiser passionné.

Ses mains glissèrent le long du dos, des hanches, des fesses, puis se glissèrent sous la jupe. Durant un moment, il avait eu peur que tout ceci ne soit qu’un simple rêve, qu’il soit toujours allongé sur son canapé, mais, même s’il n’était pas sûr de tout comprendre, il était à présent totalement rassuré : cette peau qu’il caressait, l’odeur de ce corps, le goût de ces lèvres… tout ceci était bien réel.

Elle frémit au contact de cette main, se sentant fondre peu à peu. L’intense bonheur qui s’était emparé d’elle, décuplait son excitation, son désir. Elle voulait s’offrir à lui, se livrer toute entière, sans retenue. Elle tira sur son tee-shirt, le lui retira et promena ses doigts sur le torse musclé, le faisant frémir à son tour. Elle dégrafa le bouton du jean,  descendit la braguette et caressa le caleçon déformé par une grosse bosse.

Il ferma les yeux, pour mieux savourer les douces caresses ; son sexe se trouva trop à l’étroit et il poussa un long soupir lorsqu’une main le libéra de sa cage pour le mettre, aussitôt, dans un nid bien plus confortable, chaud, délicieusement humide.

Elle coulissait lentement le long de la hampe, donnant de petits coups de langue sur l’urètre, ou bien redessinant le contour du prépuce. D’une main, elle massait les testicules, arrachant à son amant des gémissements de plus en plus fréquents. Elle goûtait avec délectation au liquide d’excitation s’écoulant par petit filet du membre viril. Elle-même, sentait que sa petite culotte s’humidifiait de plus en plus sous l’effet de sa propre cyprine.

La fellation le transporta jusqu’aux portes du plaisir. La grosse veine de sa verge s’était fortement gonflé, se mettant à battre comme il elle était occupé par un petit cœur. Il sentit venir des picotements dans ses testicules, au creux de son ventre, mais il ne voulait pas que cela se termine ainsi, en explosant dans sa bouche ; il voulait se perdre dans la chaleur de son corps, de son intimité. Il la fit se relever et leurs regards, brillants de mille feux, se croisèrent à nouveau.

- J’ai eu si peur de ne plus jamais te revoir, murmura-t-il.

Elle lui caressa la joue, lui adressa un sourire d’une infinie tendresse. Elle se sentait bien maintenant, ne trouvant aucun mot qui pourrait qualifier justement ce bonheur qui l’habitait.

- Aime moi, lui dit-elle, aime moi autant que je veux t’aimer !

Son cœur sembla exploser de joie à l’écoute de ces mots. Il la fit se retourner et troussa sa jupe tout en s’agenouillant devant la croupe aux galbes si magnifiques. Il fit descendre la petite culotte jusqu’aux chevilles, écarta légèrement les fesses et vint humer la délicate odeur que distillait le Mont de Vénus.

Légèrement arcboutée, prenant appuie des deux mains contre le mur, elle sursauta lorsque la langue râpeuse vint lécher sa vulve trempée.

- Bois, mon amour, bois cette liqueur produite que pour toi.

Il s’abreuva à cette source durant de longues minutes, faisant chanter et danser Lucie de plaisir, puis il se releva et présenta son gland à l’entrée de la grotte aux milles plaisirs. Il poussa un long râle tandis qu’il s’enfonçait dans le conduit s’élargissant au fil de la progression, enveloppant parfaitement, délicieusement, sa verge frétillante et il resta immobile, un court instant, lorsque ces testicules touchèrent le fessier de sa belle.

Elle se redressa un peu, sentant encore mieux la présence de l’organe masculin en elle et une houle chaude s’installa en elle aussitôt que la verge se mit en mouvement en de longs allers retours parfois rapides, parfois très lents. Le sexe frottait agréablement contre ses parois vaginales, semblant, par moment, tournoyer en elle. Une multitude de picotements remontèrent le long de ses jambes, envahirent le creux de son ventre ; ses doigts de pieds se raidirent dans leurs chaussures à talons ; un raz-de-marée la submergea brutalement, la faisant trembler de tout son corps.

Ses coups de boutoirs se firent très rapides ; ses cuisses claquaient contre les fesses de Lucie et sa gorge était devenue excessivement sèche. Depuis un bon moment, il avait franchi les portes du plaisir pour se perdre, allègrement, dans les méandres de la volupté : à présent, il se trouvait dans le couloir de l’orgasme.

Elle se mit à gémir avec force, sans retenue, comme elle l’avait souhaité. Son esprit, maintenant libre de toutes confusions, s’ouvrait avec une force nouvelle aux plaisirs de la chair. Tandis que Franck explosait en elle, une nouvelle onde de choc la secoua et s’est à plein poumon, des larmes de bonheurs aux bords des yeux, qu’elle hurla :

- Je t’aime !

Etait-ce là le début d’une longue et belle histoire pour ce couple qui faillit ne jamais se trouver, fautes à de mauvaises interprétations, à des non-dits ? Seul l’avenir pourra répondre à cette question, mais nous ne pouvons que souhaiter que du bon pour eux deux. Une chose est sûre : une fois remis de leurs ébats, ils auront beaucoup de choses à se dire, à se raconter, des choses qui ne concernent qu’eux-mêmes, leur jardin secret. C’est bien pour cela que le narrateur que je suis, décide d’apposer ici le mot :

FIN

 

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