Conjecturales Trajectoires

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On connait par coeur l’épineux problème de la communication hommes-femmes, décortiqué à toutes les sauces pour en arriver toujours aux mêmes conclusions, simplistes peut-être, mais pas si fausses. Et pourtant, ce problème perdure, génère encore et toujours des incompréhensions, des conflits, nourrit les rancunes, la paranoïa et les longues soirées entre amis à essayer de démêler le pourquoi du comment du fin mot de l’histoire. Comme s’il ne pouvait y avoir qu’une vérité, une façon logique et rationnelle d’expliquer les mots et actes de cet autre qui nous pose problème, nous bouscule dans notre petite vision étriquée de comment “devraient” être les choses.

Ce défaut de communication, que l’on a l’habitude d’imputer à la différence de sexe, me semble pourtant être encore beaucoup plus général. Certes, dans les grandes lignes, on retrouve des schémas de pensée prédominants chez l’un ou l’autre sexe, mais à bien y regarder, c’est entre tous les êtres que s’opère cette difficulté à glisser du solipsisme à l’inter-subjectivité. L’excuse de la différence de sexe nourrit le monde de l’édition, qui publie à tour de bras des analyses censées nous aider à comprendre le phénomène Mars-Vénus, au lieu de nous proposer une remise en question profonde et personnelle.

L’erreur la plus générale dans ces affaires là, est celle de conjecturer. Et la trajectoire d’une conjecture, c’est simple : ça va droit dans le mur. Soyons lucides, il est déjà bien difficile de savoir soi-même les raisons précises de nos actes et paroles, ou la vraie nature des émotions et/ou sentiments qui nous animent, alors comment pourrions-nous prétendre interpréter avec justesse le méli-mélo d’autrui ? Face à une attitude ou une parole que nous ressentons comme blessante, pour des raisons X ou Y, il est d’usage d’incriminer l’autre de cette souffrance causée, parce que oui, forcément ça “veut dire quelque chose”. Bien souvent, l’accusé(e) se défend d’avoir eu de mauvaises intentions, et évidemment il nous est alors très difficile de croire à sa bonne foi, ce qui ne manque pas d’envenimer les choses. Je ne vous fais pas un dessin, l’escalade qui s’ensuit peut aller très loin (bien que toujours droit dans le mur).

Il me semble que la bonne attitude serait en premier lieu de s’interroger soi-même sur les raisons qui font que telle ou telle chose cause en nous une souffrance. Il faudrait être capable, le temps de la réflexion, de prendre un peu de recul sur les événements, d’observer le méli-mélo qui opère en soi, essayer de faire la part entre le rationnel et le conjectural, le probable et l’improbable. Faire la sourde oreille à ses peurs paniques. Se confronter à la réalité. Les faits sont les faits, et une fois tout cela bien observé,  il faudrait se demander, enfin, si l’on est capable de les accepter ou pas, pour choisir sa direction.

Savoir où l’on va, paradoxalement, c’est un peu connaître la part d’inconnu, le degré d’incompréhension que l’on peut supporter. Ca demande un effort, un gros travail sur soi. On ne peut pas toujours tout comprendre, et on ne change pas les gens. Mais il est possible de se changer soi-même, c’est même probablement la seule vraie liberté que l’on ait.

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