connaissez vous mado ?

hectorvugo

Monsieur, connaissez-vous Mado ?

 

Non !

 

Et bien c’est un tort.

 

Je vous le concède, vous avez un alibi. Elle n’a pas trop souvent les honneurs des médias. Elle ne traine pas dans les soirées branchées de la capitale.

 

Vous si !

 

Je vous vois bien avec vos lunettes Police, votre costume Armani, vos berluti derniers cris faire la queue chez Costes espérant que le chef de salle vous octroie une table en catastrophe parce que c’est vous et rien que vous.

 

Il vous reconnaît par votre impayable bronzage venu d’un institut de beauté de l’Avenue Montaigne ou une Vénézuélienne payée au black vous masse et plus si affinité.

 

Il ne remarque pas que vous sentez le mâle de Jean Paul Gauthier. Le pauvre a le nez bouché.

 

Vous l’entendez dans sa manière de remplacer les m par des b. Vous compatissez un brin hypocrite.

 

Tout ce qui vous intéresse réellement c’est la table là-bas prés de la fenêtre, et accessoirement l’émoi que provoque la blonde à votre bras.

 

Vous traversez la salle. On vous matte. On chuchote méchamment : « encore un parvenu avec une décervelée ».

 

Et Mado la dedans ? J’y viens.

 

Tiens, vous vous réveillez enfin.

 

Je perçois chez vous le chasseur de tendance, l’homme à la recherche du truc underground.

 

Attention ! Mado n’est pas Cindy Lauper ! Quoique elle peut très bien chanter « Girls just want to have fun » avec cet accent du sud massacrant l’anglais mais donnant un groove atypique.

 

Mado elle est rock. Elle porte une robe décolletée, une coiffe rousse bouclée à l’extrême, en quelque sorte c’est une copie de Bette Midler dans the Rose.

 

Mado est tellement maquillée qu’elle ressemble à une pizza quatre saisons massacrée par des apprentis cuisiniers du mercredi.

 

Puisque y a pas école le mercredi après midi, faut bien s’occuper !

 

Bref, trêve de digressions revenons à Mado.

 

Question digression elle en connaît un rayon.

 

Elle digresse la Mado. Non pas en deux mots pauvre imbécile ! Et n’en profitez pas pour nous racontez vos vacances à Patmos. On sait la bâtisse blanche avec vue sur la mer Egée que vous loue gracieusement vos amis bobos. On devine les livres en tète de gondoles pour la rentrée littéraire que l’on vous prête et que vous dévorez de la page 1 à la page 3. On subodore le récit de vos cuites à l’Ouzo et vos rencontres fortuites dont se délecte le Tout Paris.

 

Est-ce qu’à Nice, votre autre lieu de villégiature,  on vous prend pour le roi du monde si vous croisez d’Ormesson, Nikos ou, qui sais-je encore, sur une plage de galets ?

 

Non, on vous apostrophe sur Mado : «  Tu croises Mado au marché dimanche ? »

 

 Et l’autre là bas qui dit : « Oh oui ! on la croise et l’on entend même ! »

 

Ah la voix de Mado, sa gouaille. Elle vous réveille un mort, elle vous redonne l’ouïe à un sourd.

 

« Ca sent la vie putain quand vous l’entendez ! » coupe l’autre

 

Elle vous tient la jambe quand vous l’écoutez. C’est pire qu’une sangsue. Vous lui parlez du temps et elle vous refait la carte météo du Sud au Nord, elle vous invente d’autres points cardinaux.

 

Le méridien de Greenwich elle vous le transfère dans le vieux Nice.

 

Quand elle en finit avec le bulletin du jour, elle passe aux prévisions de la semaine et vous parle ensuite de son entourage : la voisine nymphomane qui attend le témoin de Jéhovah, le sosie de Claude François agoraphobe, le chanteur lyrique aphone, son mari « fada », son fils homo.

 

Vous ne pouvez pas en placer une. Avec Mado vous êtes le Jacques Mayol de la conversation.

Vous n’avez qu’à opiner du chef et elle vous en remet une couche.

 

On ne peut pas lui en vouloir. Elle a les yeux plein d’humanité, de cette bonté surannée dont nous parlent les anciens.

 

Mais gare à votre condescendance qui vous lui soufflez avec vos sinus plein de vocabulaire.

 

Et puis quoi après !

 

Attention, Mado a le sens de la repartie. Qu’importe si son dictionnaire est moins fourni que le vôtre, si sa culture emprunte au populaire. Elle aime Dick Rivers, vous Romain Gary.

 

 

Elle a ses références. Confisius par exemple, le frère jumeau de Confusius. L’un fait au passé, l’autre est au passé.

 

Comprenne qui peut.

 

Vous la prenez de haut avec vos airs. Comme je vous plains.

 

Sa connaissance de l’homme est grande. Ne jouez pas le surpris voulez vous ?

 

Mado tient un bar. Chacun sait que le bistrot est comme un divan, moins onéreux, plus propice à l’épanchement convivial.

 

Quel est le point commun entre la psychanalyse et le vin blanc ? Les deux font mal au crâne et on ne les oublie jamais. Oui on n’oublie pas la note d’une analyse et une bonne cuite.

 

Mado c’est Freud en jupon avec la spontanéité à la place de la barbe.

 

Je caricature un peu certes, mais sachez que derrière une supposée naïveté, Mado a un regard juste et tendre sur ses contemporains.

 

Quoi ! Vous êtes pressé. Bon je vous laisse.

 

Vous pouvez, à présent,  rejoindre votre chambre au Negresco finir moins bête votre journée.

 

Car maintenant vous connaissez Mado.

 

 

 

 

 

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