Conquérant l'inutile

Jean Claude Blanc

morte saison, c'est l'occasion de faire le bilan de mes passions images d'hiver, en mon Auvergne, en solitaire...

                          Conquérant l'inutile

Je passe mes nuits et mes jours

A m'inventer de faux amours

Car à mon âge, fais plus la cour

Aux vieilles poules sur le retour

N'ai à offrir que mon humour

 

Dimanche, long, l'après midi

Me réfugie en mon logis

Que mon ordi, pour compagnie

Toujours me lance nouveau défi

Celui d'écrire à tout prix

 

Mais mon angoisse qui sommeille

Me tire de ma léthargie

Car elle n'a pas son pareil

Pour chahuter mon fol esprit

 

La solitude m'accompagne

Neurasthénique ma campagne

Même si ce n'est, certes, pas le bagne

Je me les gèle, sans compagne

 

J'ai fait le tour de mes amis

Mais se font rares, ces temps-ci

J'ai mes petits, mais font leur vie

Toute illusion, je m'interdis

 

Sobre, prudent, presque parfait

Je crains les drogues, pour leurs effets

Mal entouré, mal conseillé

Me reste ma pipe à téter

Bienveillant calumet de paix

 

Dehors la neige s'amoncelle

Quelques rayons peu reluisants

Se fait désirer le soleil

Tarde à venir, le beau temps

 

Je l'ai voulu, faire ma loi

Me suis enfoui, au fond des bois

Et c'est avec beaucoup de foi

Que je supporte ce climat

Quel temps de chien, glacial, gla-gla…

 

Mais serait pas de bon aloi

Verser des larmes, sur mes regrets

La liberté, me tend les bras

Je n'arrive pas, à l'attraper

Mon cœur atteste mon désarroi

Vaste baraque, trop grande pour moi

Seul, je roupille sur mon sofa

La charpente craque, rompt le silence

Sûrement pour me faire prendre conscience

Qu'elle partage mes souffrances

Mon quotidien, de peines, de joie

 

Tout est figé, rude cet hiver

Mes meubles se couvrent de poussière

En attendant, des jours meilleurs

Reste cloitré, en ma demeure

 

Tourmente persiste, blanchit les champs

Pas le moindre moineau, à l'horizon

Ne crois plus aux enchantements

S'en est fini, de mes passions

 

Ciel capricieux, filent les nuages

Obscurcissant le paysage

Ce diable de vent, torture les arbres

S'acharne la bise, sur leurs cadavres

 

Tranquillement, je rythme ma vie

Au tic-tac de la pendule

Imperturbable, fidèle amie

Sonne mes heures, d'inquiétudes

 

Envahissante, mon amertume

Voudrait en rire, à titre posthume

Encore gaillarde, me charrie

A mes souvenirs, elle me convie

 

Saison frileuse, triste mon sort

Pourtant gâté, j'ai mon confort

« Fais des efforts, mate la mort

Nature prodigue, pourquoi tu dors ! »

 

Qu'est-ce que j'attends, sais fichtre rien

Peut-être la gloire, en clandestin

J'ai mes manies, inassouvies

Même retraité, pas réussi

A effacer, mes tas de soucis

 

Me les ressers, d'une autre manière

En versifiant, toutes les misères

Celles des autres, mes propres galères

Une fois pour toute, solidaire

 

La neige tombe, en virevoltant

Juste pour narguer, mon âme de gosse

Dimanche pourri, c'est consternant

Prie le printemps, qu'il soit précoce

La fin du jour, déjà me guette

J'aspire rien d'autre, faire le poète

Ne peux m'en prendre qu'à ma tête

Fier conquérant de l'inutile

Atteins les cimes, de l'indicible

Trop cogiter, me rend débile

 

La nuit tombée, rasséréné

Sur mes emmerdes, ferme mes volets

Rideaux tirés, ma verve renait

Ainsi commence ma longue veillée

 

Soudainement tout devient possible

Réalité, me fend la bille

Demain sera un autre jour

Suis pas avare de discours

 

Je sombre dans la poésie

Pouvant décrire ma nostalgie

Ainsi se ravive mon esprit

En fait, ne suis, qu'oiseau de nuit

 

Drôle d'artiste, s'il en est

Conquérant que d'un monde abstrait

Finalement un suicidaire

Qui voudrait bien changer la Terre

Car tourne plus rond, notre petite sphère

 

Dans la pénombre de ma cambuse

Encore j'écris, me flatte ma Muse

Je pense à qui, je pense à quoi

Hélas, moi-même, ne le sais pas

  

Pas d'objectif, que l'infini

De mes idées, qui me gouvernent

Réfléchis pas, suis étourdi

Même ma raison, faut que je la berne

 

On me dit charmeur, « j'en suis fort aise »

Mais en pratique, pas très balèze

Grand bien en fasse, à mes lectrices

Pas concurrent, à tous les vices

Ça me suffit, les mettre en scène

 

Pour toi la fille, de mes pensées

Pleine de tendresse, attentionnée

Qui prends mes vers au pied de la lettre

Lis entre les lignes, mes seules conquêtes

Les garde en moi, mais au passé

Qui que tu sois, chère ou abstraite

Prends en ta part, du verbe « aimer »         JC Blanc  février 2015 (ma vie d'artiste)

Signaler ce texte