Contrôle.

petronille

Je la regarde. Elle est droite, souveraine, imperturbable. Je baisse la tête. J’ai honte. Ma mère a encore une fois menti. Pas à un gendarme, quand même. Mais un contrôleur de train c’est quelqu’un d’important. La preuve, il porte un uniforme. La preuve, il a sorti un carnet, un crayon, il a dit :

- Vous êtes en infraction, je dresse un procès-verbal.

- Si ça vous amuse, a-t-elle lâché avec mépris.

Il a posé des tas de questions, nom, adresse, gare où vous êtes montée, et pourquoi dans un wagon de première avec un billet de seconde. Elle a ri :

- Ça vous me l’avez déjà demandé. Je vous ai dit, je n’ai pas fait attention, je me suis trompée. L’autre s’est énervé :

- Parce que vous trouvez que c’est pareil, les sièges, la moquette ? Vous me prenez pour un imbécile ?

- Tout à fait.

Le contrôleur est devenu rouge, il a craché :

- Insulte à agent dans l’exercice de ses fonctions, vous aggravez votre cas, madame.

Il a sorti un autre carnet, celui des insultes, il a longtemps écrit, en même temps il me regardait comme si moi aussi j’avais menti, pourtant j’avais rien fait. Ensuite il a tendu le papier à ma mère :

- Signez ici, s’il vous plait.

Elle a pris le papier d’un air dégoûté, elle l’a lu à vitesse record, et elle a dit :

- C’est plein de fautes d’orthographe, je ne signerai pas ce torchon.

Ils ont commencé à se disputer, à s’exciter tous les deux :

- Vous signerez !

- Pas question !

J’ai eu peur que le contrôleur se mette à taper ma pauvre maman qui n’avait pas fait grand-chose. Dans le wagon de première, il y avait plein de places vides, qui ça gênait qu’on s’y installe ?

Et puis ce sale bonhomme a cru malin de me mêler à l’affaire :

- Tu vois, mon petit, que c’est mal de mentir ?

- Ma mère a raison, j’ai crié, et je lui ai donné un coup de pied dans le tibia. Il m’a attrapé par un bras, il m’a secoué. On a entendu une voix :

- Quand même, s’en prendre à un enfant, ils se croient tout permis…

C’est lui alors qui a eu peur, il a laissé tomber, il nous a raccompagnés en seconde classe :

- Et je ne veux plus entendre parler de vous.

Quand il est parti, ma mère et moi on s’est regardé, j’ai dit :

- La prochaine fois, on attendra pour aller là-bas qu’il soit déjà passé.

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