CONVOITISE
Sylviane Blineau
CONVOITISE
J'ai poussé vivement la porte.
Il est là, qui me nargue. Svelte, élégant et solitaire, il pose. Presque à ma portée. Aussi lisse, aussi blond que le bois du comptoir.
Il est remarquable. On le remarque ! Ce soir, je ne vois que lui, négligemment abandonné. La grande classe, en somme. Là-bas, un rond de fumée bleue poursuit sa danse, enroulant d'ombres le rideau plissé.
Mes genoux s'impatientent. Ma bouche s'entrouvre, sèche et impérieuse.
Et, du temps suspendu, j'émerge. N'y tenant plus, j'avance vers lui. Portée par ma convoitise, du bout de l'index voici que je le caresse avec recueillement. Puis, vite, ma main le saisit, mes lèvres viennent à lui, le frôlent, le happent...ce verre de bière recouvert d'une buée froide où danse le liquide ambré.