Coquelicot

Fleuriste Manchot

Une vie sans amour, c'est un peu comme un jardin sans fleurs.

 Coquelicot était une petite fleur qui rêvait d'aventure.

« Laisse-ca aux olives, lui rabâchait sa mère, occupe-toi plutôt de te faire belle pour qu'on ait envie de te butiner ! »

Mais Coquelicot n'en démordait pas.

Quand elle eut enfin l'âge de quitter le nid, elle étendit ses ailes et s'envola au loin. Elle remonta l'océan pacifique en se mé-nageant quelques pauses : ici dans une barrière de corail, là près de la dorsale océanique.

Tous les poissons qu'elle rencontrait louaient sa beauté immense et la courtisaient, mais elle n'en avait que faire : elle ne s'arrêterait pas avant d'avoir parcouru le monde entier. Arrivé en Alaska, sa fourrure vira au blanc neige, ajoutant encore à sa beauté. Elle continua son chemin et le même ballet de prétendants se déroulait sur sa route. Les uns vantaient ses pétales sans égales, les autres lui faisaient remarquer que ses étamines avaient bonne mine. Plutôt que de lui plaire, cette succession de compliments l'inquiétait … Si tous la trouvaient à leur goût, elle ne pouvait en dire autant …

Etait-ce sa soif d'aventure qui l'aveuglait ? Ou bien d'en avoir trop vu qui la rendait exigeante ?

Toujours est-il qu'elle continua son périple et qu'animaux et plantes de toutes tailles, formes et couleurs continuèrent à la courtiser.

Elle traversa le canada et embarqua dans un avion pour l'europe. Arrivée au berceau de la civilisation occidentale, elle en profita pour visiter les musées, les châteaux et les forêts, toujours inondée de compliments par des inconnus.

Pourtant elle n'était pas dupe, elle savait bien qu'elle commençait à faner … Non seulement ses pétales se marbraient de rides et perdaient leur éclat, mais surtout elle ne ressentait plus ce plaisir de la découverte … Chaque nouveau paysage n'était qu'une nuance de déjà-vu.

Arrivée à la fin de son tour du monde, au moment de faire le dernier pas de son aventure, elle tomba nez-à-pistil avec un magicien (qui apparut comme par magie).

Coquelicot tomba instantanément amoureuse de ce dernier et lui raconta son périple et, surtout, ses doutes. Ce dernier voyait en elle sa vraie beauté : cet enthousiasme et cette énergie qui l'avait accompagné tout au long de son périple.

Le magicien, éprit de la fleur, lui proposa de l'aider pour la prochaine étape de son voyage, même si cela signifiait se dire adieu alors qu'ils s'étaient enfin trouvés.

Avec l'aide du magicien, Coquelicot quitta son corps et s'en alla visiter d'autres mondes. Le magicien, lui, fit de son mieux pour conserver la beauté de la seule fleur qu'il aura jamais aimé en la faisant sécher et encadrer.
Chaque fois qu'il regarde ce corps abandonné, il ne peut s'empêcher d'espérer qu'ils se recroiseront quand il aura lui aussi terminé son aventure dans ce monde ci.

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