Cot Cot Cot

Marguerite De Branchus

La dealeuse de cocaïne a enfin sorti le nez de son trafic géant. Plus de poudre blanche a intégré tous les deux heures dans des containers en plastique. Désormais c'est avec du temps libre et deux petits pieds à côté des tiens que tu continues d'avancer doucement, que tu regarde les heures qui défilent toute tranquille, que tu vois la vie qui s'anime et le monde qui se remplit gaiement. 

On dit souvent que grandir à côté d'un bébé, reviens à régresser, à gazouiller, à parler de couches à longueur de journée. Pourtant grandir à côté ces deux petits pieds t'apprend à regarder vivre tout doucement et à en apprécier les infimes moments de plaisir, de joie, de rire, d'émotions aussi surprenants qu'uniques qui te font vibrer d'une rare intensité, en toute simplicité : chanter des comptines ridicules,  la disputer en te mordant les lèvres pour ne pas rigoler, donner du pain aux poules, lire l'histoire du petit prince, admirer les petits bêtes qui courent sur le sol à toute allure, écouter tout sorte de musique, passer la matinée à laisser s'envoler le temps, ne rien faire sauf à regarder ces deux petits pieds arpentés le monde aux quatre coins du salon, les regarder vivre, vibrer et danser juste là, à côté de tes tiens, la voir sourire de toutes ses dents à tes mimes ridicules, la regarder éclater de son plus beau rire devant ton cris de vache, ta danse de la poule... Autant de petits riens qui n'ont jamais été aussi source de bonheur. 

C'est fou de penser à tout ce peut provoquer dans ta vie ces deux petits pieds, ces deux mains toutes dodues, ces quatre dents de devant et tout ces cheveux en bataille. A y réfléchir, avant tu ne les voyais même pas ces instants, tu les balayais d'un revers de la main à la recherche du beau, de la toute puissance, de la folie, du grandiose. Aujourd'hui, ce qui rend ta vie si belle, si puissante, si folle, si grandiose, c'est tout simplement parce que tu les partages et tu les rends lumineuse pour une autre personne que toi. 

Depuis que ces deux pieds trottent dans ta maison, tu n'as plus besoin de chercher le bonheur ailleurs: il a là à marcher juste à côté de toi, à ramper à quatre pattes sur le carrelage, à s'accrocher aux portes de tes placards, à escalader les escaliers dès que tu a le dos tourné. Il est là à attendre que tu te réveilles le matin, il est là à t'attendre quand tu rentres du travail, il est là partout derrière chacun de tes pas, il est là à chaque instant où tu as décidé d'être présent, où tu as décidé d'ouvrir les yeux en grand. Désormais avec ces petits petons qui avancent encore à tâtons, il ne reste plus qu'à te laisser porter, prête à déguster et découvrir le monde, le vrai, le puissant, le fou, le grand, le lointain en toute simplicité. 


Les yeux grands ouverts, le cœur en émoi et le rire jamais très loin, tu regardes ces deux petits pieds croquer, déguster, lécher, savourer et goûter chaque miette du monde. Les regarder s'éveiller te donne à chaque instant une chance inouïe à toi aussi: le pouvoir de t'émerveiller à nouveau de tout et rien, surtout beaucoup de petits riens qui te prouvent chaque jour que le bonheur ne tient pas à grand chose. 

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