Couch potatoes

Jean Claude Blanc

jeunesse gâtée, jeunesse gâchée, jeunesse gavée...

                                  Couch-potatoes

 

Il ingurgite tout, Gargantua, morfalou

Il joue à chat perché, avec son petit minou

De sa ménagerie, sa chambre en est emplie

Rivé à sa télé, prostré, sans énergie

 

Il a de qui tenir, le flemmard qui s'étire

Se bourre de gâteaux, au pop-corn se livre

Derrière les volets clos, se cache un forcené

Un gros gaillard docile, pas mal désoeuvré

 

Génération gâtée, de virtuelles passions

C'est bien là le problème, est gavée d'illusions

La bêtise progresse, et gagne les cerveaux

De nos gamins branchés, qu'on prend pour des héros

 

J'aime bien expressions, imagés anglicismes

Chez les anglo-saxons, depuis longtemps la mode

De ventrées de patates, le bide, se remplissent

Devant l'écran magique, c'est pratique et commode

 

Des heures à contempler, la boite des indigents

De dessins animés, d'étrangers feuilletons

On se met dans la peau, du bellâtre prétendant

Qui se drague une pisseuse, en corsant l'addiction

 

Toute la sainte journée, images resucées

Ne peuvent nous distraire, mais tiennent compagnie

Du programme qu'on nous sert, on n'a rien à glander

Quand on est esseulé, nous rassure moindre bruit

 

Il ne faut pas louper, les éclipses d'amour

Quand la pub se pointe, on s'en va faire un tour

Dans le garde-manger, quelque chose à bouffer

Regagnant vite fait, le douillet canapé  

 

Le gros lard s'endort, mais a tapé trop fort

Dans les frites et la bière, saucisses de Francfort

Digère en dégueulant, ses romans à la con

Y'a plus qu'à le plumer, comme un dodu dindon

 

Engraisse veaux d'aujourd'hui, bétail pour demain

Cette modernité, en a un peu un grain

On n'ose les gronder, nos frises poulets gamins

Sont tous abonnés, aux loisirs quotidiens

 

Mais c'est à qui la faute, si le monde dégénère

On se reconnait plus, dans ce tableau austère

Pourtant tous responsables, c'est à chacun ses mioches

On ne tolère plus, remarques et reproches

Y'a un gosse qui m'inquiète, gagné par le mutisme

Si tu lui dis un mot, ne t'offre pour réplique

Des syllabes écorchées, à croire que ça fatigue

De se fendre d'un laïus, compromis équilibre

 

Ne savent que tchater, pianoter leur clavier

Le français écorché, orthographe bafouée

Poésie au rencart, avec l'intimité

Dure réalité, on perçoit les effets…

 

En attendant grandissent, et surtout s'alanguissent

Pendant que leurs neurones, sans cesse rétrécissent

C'est le monde à l'envers, on fait tout de travers

Où donc est-il passé, le siècle des Lumières

 

Patapouf étalé, nous montre ses bourrelets

On lui porte à manger, faut pas le déranger

De ses réjouissances, il ne veut rien rater

Est servi comme un prince, il est habitué

 

On ne voit pas venir que s'amenuise l'espoir

Au lieu d'en faire des Hommes, n'en seront que miroir

La glace défigurée, qui déforme l'histoire

Nous laissent rêvasser, à notre passé de gloire

 

Dans mon pays d'Auvergne, riche d'allégories

On conte, « un veau qui tète, ne perdra pas la vie »

Mais à trop s'empiffrer, du miel de l'existence

Sans doute, on va crever, de s'en mettre plein la panse

 

La conscience quant à elle, aux abonnés absents

Y'a plus de règlements, que d'impuissants parents

Ne disent plus un mot, car on les envoie chier

En font voir ces brigands, pas faciles à gérer

 

Dans les rues de New York, déambulent bibendums

Aux costards dilatés, en épousent les formes

Mutation engagée, tous transformés en gnomes

Voilà où ça conduit, de jouer les gastronomes

 

Je plains adolescents, qu'on engorge en silence

Vont pas se faire prier, car c'est pour eux la chance

De tirer numéro, leur Corne d'Abondance

S'apercevront trop tard, frugale leur pitance

 

De nature pessimiste, je traine mes pamphlets

Vomis cette société, sans génie ni reflets

On nait que pour becqueter, de télé s'enivrer

Déjà fait mon bagage, pour la paix des sommets

 

JC Blanc                             mars 2021

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