Couchers de soleil...
chleurk
Le soleil descendait vers l'horizon, dardant ses derniers rayons sur la crête scintillante des vagues. Le doux murmure de l'eau sur la plage résonnait encore et encore dans le silence, éternel cycle de la mer. Le ciel, teinté de rouge et d'orange s'assombrissait. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que minuscule boule rouge entre ciel et mer. Et toute lumière disparut.
Voilà ce qu'aurait dit mon père en voyant la scène à laquelle je venais d'assister, assise en haut des dunes landaises, les mains enfouies dans le sable.
Mon père, Jean-Marc, quarante-sept ans, professeur de français et de littérature, amoureux des mots. Fait notable : il a chanté une sérénade sous les fenêtres de son ex-femme le jour où le divorce a été prononcé.
Son ex-femme, ma mère, Catherine, quarante-et-un ans, publicitaire dans une boîte qu'elle déteste. Fait notable : elle aime bien draguer les petits jeunes au café du coin.
Mais revenons à notre coucher de soleil. Dans les films, il rime souvent avec amoureux transis ou folles déclarations d'amour. Dans mon esprit, ça donne plutôt des scènes suintant le romantisme et bardées de guimauve. Le genre de scène qui me donnent la nausée à chaque fois que j'en vois une.
Pour moi, les couchers de soleil sont des cadeaux empoisonnés. Ils vous font croire qu'il existe finalement des choses positives dans la vie. En regardant un coucher de soleil, on se dit que tout est possible, que l'amour existe, que… Bref on se fourre le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Et quand je dis ça, croyez-moi, je parle d'expérience.
Je vois d'ici ce que vous vous dites en lisant cela. Je suis une adolescente au cœur brisé qui ne s'est jamais remise de son chagrin d'amour, dorénavant blasée par toute once de romantisme et de rêve. C'est ça ? Si oui, alors remettons les pendules à l'heure. Je ne suis plus, et j'en remercie le ciel chaque jour, une adolescente boutonneuse portant un appareil dentaire. Je n'ai jamais eu de chagrin d'amour pour la bonne et simple raison que c'est moi qui ai largué tous les mecs qui ont traversé ma vie. Quant au fait d'être blasée, ce n'est pas si faux que ça.
Je me mis debout, les yeux dans le vague, incapable de penser. Mes mains vidèrent mes poches des derniers grains de sable clandestins et se croisèrent sur ma poitrine. Décidément je détestais cette plage. Elle était trop belle, trop calme, trop…parfaite. Et j'étais devenue allergique à ce que les gens considéraient comme parfait.
Lentement je descendis la dune, enfonçant mes pieds le plus profondément possible à chaque pas, et me dirigeai vers la paillotte toujours ouverte. Les souvenirs avaient ressurgi avec encore plus de violence que l'année dernière. Je me demandais pourquoi ma mère s'obstinait à revenir ici tous les ans. A revenir sur cette plage, celle précisément où mon frère aîné s'était noyé tellement d'années auparavant, devant un magnifique coucher de soleil.