couleur nuit

Sylvie Palados

Cela c’est passé il y a fort longtemps. En des temps si reculés que personne ne se souvient ni de l’époque, ni de l’âge des personnages. En fait, cette histoire ne commence pas par, ‘il était une fois’, mais par :

Le matin se levait. Une brume matinale était installée et tardait à s’estomper. Les prés étaient chargés de gouttelettes, et bien qu’aucune pluie ne fût tombée depuis plusieurs semaines, la rosée ravivait les couleurs de la nature. La forêt dense, laissait s’échapper des senteurs de plantes si délicieuses, que les enfants aimaient se frotter aux broussailles qui en interdisaient l’entrée, rien que pour les humer. Le plus dégourdi de tous, était un petit garçon d’une dizaine d’années. Ses cheveux aussi noirs que de l’ébène lui donnait un air si sévère, qu’aucun de ses camarades ne lui disputaient la place de meneur. Ce jour-là, il décida d’entrer dans la forêt.

Tous se récrièrent. De si lourds secrets l’entouraient que pour rien au monde, un seul voulut y mettre le pied. Alors, peut-être pour ne pas perdre la face, il y entra.

Une ribambelle d’enfants tous hurlants plus les uns que les autres, se déversa dans le village.

Qu’elle ne fut la surprise des parents en entendant leur récit. Ils décidèrent alors, armés de tout ce qu’ils pouvaient prendre, de le récupérer.

Une chasse étrange se fit. Se suivant, respirant à peine et sans un bruit, ils se mirent à suivre la trace du garçon. Mais la forêt épaisse, n’aima pas être dérangée. Les taillis, les arbres, les souches se firent de plus en plus menaçants. Le feuillage, tellement épais ne laissait presque plus passer la lumière. Alors, commençant à désespérer, les parents se mirent à crier le nom de l’enfant. Rien ne leur répondit. Las de crier, et voyant le jour avancer, ils rebroussèrent chemin la tête basse.

De ce jour, une sentinelle garda l’entrée de la forêt.

Les jours passèrent. La vie reprenait dans le village. Tous les enfants avaient été mis en garde de ne point jouer autour de la forêt. La disparition de leur camarade les avait tellement effrayée qu’aucun ne voulu tenter d’exploit. Un matin, la sentinelle courut au village avec une mine défaite. Devant tous il raconta ce qu’il venait de voir.

Il s’était assoupi, certes, mais le bruit d’un pas le fit sursauter. Regardant par où le bruit arrivait, il vit, dans l’obscurité du sous-bois, une silhouette étrange. Elle ne bougeait pas. Elle le regardait. Puis, d’un coup, elle s’enfuit dans la forêt en poussant un cri qui le glaça.

Etait-ce l’enfant égaré ? Il ne put rien dire d’autre.

Les semaines passèrent sans aucun autre signe.

Puis vint le jour de la fête du village. Tous les préparatifs étaient finis. Les villageois s’étaient rassemblés comme de coutume, autour de leur chef, quand tout à coup, un étrange cri les fit taire.

Les senteurs de la forêt se firent plus fortes, apportées par une brise glaciale. De nouveau le cri retentit. Tous se regardèrent. Le chef alors, partit vers les bois. Hésitants, tous le suivirent.

Alors, devant eux, un spectacle étrange se déroula. Dans la pénombre du sous-bois, une silhouette, dansait. Nul ne pu dire sa taille, ou si même s’était un être humain. Mai tous furent d’accord qu’elle dansait. Elle s’accompagnait d’un cri étrange, moitié rire, moitié pleurs. Mais jamais elle ne sortit du bois. Puis fixant les villageois, dans un dernier cri, elle disparut.

On dit que la forêt sembla comme morte après. Plus un seul son n’en sortit ce jour là.

Les villageois se mirent à raconter cette histoire à leurs enfants pour qu’ils comprennent l’obéissance. Au fil des temps l’étrange silhouette dans la pénombre empêcha nombre de bambins de se croire invincibles.

On dit que quelques fois, le matin, quand la brume n’est pas encore levée, un coin de la forêt garde un peu de la nuit qu’elle ne veut pas quitter. Un étrange cri alors, accompagne le piaillement des oiseaux.

C’est triste me direz-vous ! Oui, mais le destin est ainsi. Il est tracé mais c’est à nous de décider du chemin à suivre. Qu’il mène au jour où à la nuit, nous choisissons notre sort.

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