Coup de patte en taïga sibérienne

perno

Délicieux ce jeune daim! Je n’en finis pas de me lécher les babines! Après la disette de cet hiver particulièrement rigoureux, quel bonheur de déguster cette viande au goût d’herbe fraîche! Rien de tel que de digérer en ronronnant d’aise, en s’étirant sur un rocher en plein soleil! Une vraie renaissance!


    Je perds aussi mon lourd et encombrant pelage d’hiver, pour une belle robe jaune-orangée, blanche sur le ventre, avec de grandes rayures noires sur les flans. Je vais bientôt visiter mon domaine et rendre visite aux jeunes femelles à qui j’ai permis de s’installer; certes je suis très agressif envers les intrus, pas vraiment sociable, mais je dois assumer mon rôle de mâle puissant et dominant, protéger mon territoire! Par contre, pas question de m’occuper des petits à venir, j’aspire à une indolente quiétude!


    Mais quelle est cette odeur subtilement nauséabonde subitement? Quelque chose brûle, tout en dégageant une puanteur étrange… Se pourrait-il que ces créatures sur deux pattes, comme les ours, repérables à leur odeur, au pelage insolite, multicolore et si différent d’un individu à l’autre, soient encore en train de creuser des trous énormes, à la recherche de ce liquide noir et visqueux qui sent si mauvais? Des cousins en ont parlé; après s’être lamentablement laissés chasser par ces intrus, ils ont essayé de me prendre mon territoire, les lâches! Alors qu’un rugissement bien senti, voire un bon coup de dent de mes longues canines serait certainement suffisant à les effrayer; je suis capable d’être très violent et effrayant si on me met en colère, et tout le monde me craint!


    Cependant, si les vieilles légendes sont vraies, il serait sage d’éviter ces drôles de bêtes attaquant avec des bâtons de tonnerre, massacrant sauvagement et sans raison tout ce qui se trouve sur leur passage, y compris ceux de ma race, dont ils n’ont guère peur! Ils en veulent à notre belle fourrure, à nos terres! Oui, il va me falloir partir, mes fines moustaches me le disent! Je vais aller vers le sud, là où nous autres, tigres, sommes les fiers rois des animaux, craints et respectés! Et je compte bien m’y tailler ma part du lion!

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