Coupable. Chapitre 2 - Partie 2.

Aly.

* Mais comment t'as pu oublier ! Mais non je comprends pas. Oui. Non, c'est pas excusable. Mais non j'te dit. Bah oui va. OK. Bah on s'rejoins à la piscine. *

C'est ça ! Cette fille à l'air idiote, peut-être qu'elle l'est d'ailleurs. Je n'aime pas ces manières. Qu'importe. Peut-être que c'est comme ça, que je vais mourir. Un après-midi où il fera chaud, très chaud, je ferais précipitamment mon sac en oubliant les trois-quarts de mes affaires et partirai à la piscine, je ferais deux, trois, peut-être quatre longueurs pour la forme, une crampe me prendra brusquement la jambe gauche et le bras droit, je ne serais plus à même de bouger, de nager, je coulerai. Aucun maître nageur ne me verra car ils seront tous en pause clopes, aucun autre nageur ne me verra car ce jour-là il n'y aura que des mômes de six à sept ans qui jouerons au ballon dans le bassin pour enfants de la piscine. Ou peut-être que ceci arrivera dans un canal, ou un lac, que j'aurai été nager trop loin, et que là aussi, la crampe surgira de nul part.

Deux possibilités dans ce cas, soit je respirerai maladroitement et de l'eau parviendra à s'infiltrer dans mes poumons et sûrement que je souffrirai avant de mourir, soit je ne parviendrai plus du tout à respirer, je serais tétanisée par la peur et paralysée par la douleur, je perdrai alors peu à peu connaissance tandis que je sombrerai dans les profondeurs. Quelques minutes après, mon corps remontra instantanément à la surface, et je flotterais comme une feuille déposée là par le vent, et je serais morte, noyée, étouffée.

Je serai coupable d'avoir trop nagé, d'avoir voulu encore me défier moi-même et repoussé mes propres limites, coupable de n'avoir rien fait pour tenter tant bien que mal de remonter à la surface, coupable de n'avoir fait aucun signe de détresse à qui que ce soit, coupable d'avoir minablement coulée, coupable d'être morte de cette manière-là, alors que je ne méritais pas ça. Coupable d'avoir continué mes efforts alors que je savais pertinemment que mon corps été épuisé, ils se demanderont alors si je l'ai fait exprès, si je voulais mourir ainsi, mais, qui le voudrais ? Ils se diront que je n'ai pas souffert, pour ne pas avoir un poids trop lourd sur la conscience, et se reprocheront les uns aux autres de ne pas m'avoir accompagné ce jour-là, et termineront par « Anna été bizarre en ce moment ; sa mort l'obsède. »

Sornette. Je ne suis pas bizarre, je pense plus que les autres, nuance.

Je vais mourir,

Tu vas mourir,

Il va mourir,

Nous allons mourir,

Vous allez mourir,

Ils vont mourir.

La question n'est pas là, tout le monde meurt, personne n'y échappe ; la question est, comment, va-t-on mourir ? Veut-on mourir ?

Coupable. Chapitre 2 - Seconde Partie.