Coupe à Blanc
Pierre Scanzano
Mes chers tas d'ossements...
Quoi d'autre? Rien ! Rien qui puisse
Changer quoi que ce soit...
Il suffirait de se fourvoyer
Dans la chair comestible des rêves...
Nous irions butiner le monde
L'essaimer de voix lourdes
D'un vol si léger... léger
***
Qui d'autre
Après moi
Prendra soin de ma mémoire
En fin de vie ?
Et qui de la votre
Tout aussi en mal de vivre ?
***
Qu'est-ce la lucidité des hommes
Comparé au tranchant du vent -
À la pluie racinaire et végétale des sens -
Aux pierres de nos murs osseux...
La marée trop humaine des morts ?
Non -
Nos bouches - Oui !
Nos visages ravagés
Sacralisés
Puisant dans la sève sèche
Le cambouis affreux du neant...
***
Né de mystère -
Tout en luminosité
Découpée
Et comment l'abrasif
D'ombres encrassées
Nous rendaient les images
Imputrescibles -
Colorées -
Inoubliables...
***
Quand bien même les mâchoires du ciel
S'aviseraient à nous mordre encore
L'acier de l'air sa glace venimeuse
Nos tessons d'yeux vides rabougris
Nos ténèbres à lèvres courbes
Avant tout l'acide du vivant...
L'apotheose... serait
Cette pointe de douleur
Indéfinissable...
***
Sur qui d'autre ouvre-t-on les vannes du monde
L'aube...
L'aube seule en calcule - en évase
Un seuil fatidique à franchir
Agenouillé
Cadastré
Coupé à blanc
Dans un jour lent
Rogné dans aucun
Autre laps que
Le sang...
***