Crac
eclectik-girl
Crac.
Détraquement intérieur.
Comme un sursaut de vie, le son résonne encore dans son crâne.
Ça a fait le tour de son cerveau, une fois, puis deux, pour atterrir enfin dans le bon synapse.
Lever le bras pour se protéger le visage, mais c'est un peu tard.
La mâchoire béante, comme s'il s'était oublié.
Les yeux dans le vide, comme s'il s'était déconnecté.
Ça a craqué, en silence.
Trois fois rien, un néant passager, juste une seconde de déraison totale.
Et pourtant, dans sa tête, ça dure des heures.
Le temps de voir défiler ses pensées, tels des bouts de papier brûlés,
des morceaux de sa vie, tels des bouts d'étoffes déchirés...
Autour de lui, le vacarme commence à décroître.
C'était quoi ? Une explosion ? Une simple détonation ?
La foule se dissipe et il reste seul, dans sa posture figée, incarnation de l'imbécillité.
Doucement, il ferme la bouche et les paupières, récupère le peu de conscience qui lui reste pour mettre un pied devant l'autre.
Telle une loque encore vivante, il rejoint un banc, s'y affale mollement.
Quelque chose s'est brisé et aucune colle ne pourra y remédier.
Il observe le manège incessant des ambulanciers, qui s'affairent de concert autour d'étranges bouts de chair.
Des corps, ensanglantés, disloqués, hurlants ou gémissants sont sortis un à un de la bouche du métro.
Là où il aurait dû être, si sa fille ne l'avait pas mis en retard, avec son
histoire de poupée égarée sous le lit...
Les corps, les gisants et ceux qui bougent encore, il les compte, comme on passe en revue les moutons avant de s'endormir.
5 ... 6 ... 7..
21 ... 22 ...
35 ... 36 ... 37 ....
Il voudrait égrener les chiffres à voix haute, mais n'y parvient pas.
C'est là que la cassure a eu lieu...
A nouveau, des images fragmentées du drame éclatent dans son esprit, comme des bulles nauséabondes.
Il soupire et souffle, comme pour les chasser, loin, très loin de lui.
_ Est ce que tout va bien ?
Une voix féminine et douce, qu'il perçoit comme à travers du coton.
Il ne bouge pas d'un millimètre, même lorsque la main de la jeune femme s'agite devant ses yeux.
Elle repart, haussant les épaules, un brin agacée par ce type hagard qui ne daigne pas lui répondre.
Elle ne voit pas l'unique larme qui dévale le long de la joue mal rasée, pour venir s’écraser, puis s'étaler sur sa chemise bien repassée.
Il se dit ...
Qu'une seconde, ça suffit à vous changer une vie.
Ses derniers mots, le "je t'aime" chuchoté à sa fille endormi, résonnent encore dans son crâne.
Bientôt, lui et elle oublieront jusqu'à la tonalité de sa voix.
Détraquement intérieur, quelque part entre les cordes vocales et son cerveau.
Ça lui a fait le tour du cerveau, une fois.
Puis deux.
Et Crac.
C'est effectivement en pensant à cet évènement que j'ai écrit ce texte.
· Il y a environ 11 ans ·Il suffit d'un rien, d'un battement d'aile de papillon, d'un souffle sur un pétale de rose... vermillon.
eclectik-girl
C'est effectivement en pensant à cet évènement que j'ai écrit ce texte.
· Il y a environ 11 ans ·Il suffit d'un rien, d'un battement d'aile de papillon, d'un souffle sur un pétale de rose... vermillon.
eclectik-girl
C'est effectivement en pensant à cet évènement que j'ai écrit ce texte.
· Il y a environ 11 ans ·Il suffit d'un rien, d'un battement d'aile de papillon, d'un souffle sur un pétale de rose... vermillon.
eclectik-girl
Votre texte m'a secoué, parce que, le 25 juillet 1995, je marchais tranquille sur le Boulevard St Germain, pour aller prendre le métro à St Michel... J'avais le temps, donc flânerie heureuse, promeneur... Et soudain plein de voitures de police, ambulances, sur le boulevard, un hélicoptère nous survole... L'attentat de St Michel s'était produit environ vingt minutes avant. Ma flânerie m'a sans doute sauvé...Bien sûr, je n'ai pas eu le terrible choc de l'homme que vous décrivez. Juste la pensée "vingt minutes... Si jamais..."
· Il y a environ 11 ans ·Le sonnet que je me permet de joindre a été écrit dans de toutes autres circonstances, à un moment bien différent. Mais, en vous lisant, j'y repense.
Merci! A lire votre éclectisme!
astrov
Votre texte m'a secoué, parce que, le 25 juillet 1995, je marchais tranquille sur le Boulevard St Germain, pour aller prendre le métro à St Michel... J'avais le temps, donc flânerie heureuse, promeneur... Et soudain plein de voitures de police, ambulances, sur le boulevard, un hélicoptère nous survole... L'attentat de St Michel s'était produit environ vingt minutes avant. Ma flânerie m'a sans doute sauvé...Bien sûr, je n'ai pas eu le terrible choc de l'homme que vous décrivez. Juste la pensée "vingt minutes... Si jamais..."
· Il y a environ 11 ans ·Le sonnet que je me permet de joindre a été écrit dans de toutes autres circonstances, à un moment bien différent. Mais, en vous lisant, j'y repense.
Merci! A lire votre éclectisme!
astrov