cranet de voyage trek au Sud marocain

jeanro

Mes mille et une nuits….

Loin des rivages  que je connais, je suis seul, en pleine nuit, au milieu du désert ( pas sûr en ce qui concerne le milieu géographique !).  Probablement le dernier homme sur la terre ou peut-être le premier !

Jeté à la renverse sur mon petit matelas de mousse ce soir là je dors dehors. Tout de suite, je fourre mon nez dans les étoiles et je me gave de joie. J’abuse même un peu de sorte que très rapidement je me sens dériver d’est en ouest entre des icebergs bleutés. Je contourne avec aisance d’énormes blocs scintillants et mes pieds légers soulèvent derrière moi des gerbes de poussière de diamant. Je cours à grandes foulées sur une plage de nacre blanche. Je me sens réconcilié. Je bois à grandes goulées la fraîcheur poudrée de la nuit avec une énorme trompe dont je suis maintenant naturellement pourvu au même titre que tous les autres suceurs de bonheur.

Ma pérégrination nocturne parmi les constellations est la figure inversée de ma progression dans la chaleur du jour. Tout ici est frais et boréal. Tant la marche était dure tant mes pas glissent dans un songe, tant la lumière était brutale tant la nuit est douce. Les choses ont basculé. Le monde a tourné sur son axe.

Je me laisse aller et m’accorde une dernière halte auprès d’un abreuvoir de marbre rose. La dame de la dune me lance une oeillade. Elle a épinglé, façon flamenca, le quartier d’orange de la lune sur son  grand châle noir. Je suis en apesanteur. Je flotte entre veille et sommeil. La tête en bas, les pieds en l’air je nage en eau profonde. Je côtoie des âmes perdues, des âmes errantes qui  attendent la naissance des petits enfants.

Cette nuit là, deux légers soufflets de brise fraîche ont effleuré le côté droit de mon visage. C’était étonnant. Il n’y avait pas de vent, pas même un courant d’air. Mais j’ai nettement ressenti comme deux petits baisers qui se posaient là sur ma joue.

Quelqu’un m’aimait. Quelqu’un quelque part m’aimait. Je me suis senti soudain intensément confiant. Mon corps étonnamment léger est alors remonté de sa profonde plongée, fusant de bas en haut et atteignant sans peine le couvercle étoilé du monde.

Maintenant je pouvais dormir. Maintenant je pouvais mourir.

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