Critique d'une conception artistique universelle

leeman

La vie suit son cours : c'est affirmer que le temps et l'histoire suivent le leur. Tout accroît, devient, change et se transforme, rien ne disparaît. Et les idées qui fusent chez l'homme font progresser les créations. Mais lesquelles se dira-t-on ? Je me pencherai ici sur la question de l'art. Par quoi entends-je art ? Le cinéma, la littérature, et la musique plus précisément.

Mais l'idée est commune aux trois domaines artistiques. On tend à penser que ce qu'on ressent vaut tous les sentiments du monde, mais il n'en n'est rien ; et il serait idiot de croire qu'une telle chose soit concevable. Universaliser un sentiment, un ressenti sur une musique c'est se croire le centre de tout, c'est imposer son interprétation en tant que dogme.

C'est la chose la plus fausse que vous puissiez dire, et la plus horrible. En quoi est-ce légitime d'imposer votre désaccord vis à vis de ce que vous ressentez, d'affirmer haut et fort que la tristesse seule émane d'une mélodie ? En rien. Et vous avez tout faux. Si limiter sa pensée à son seul sentiment est une bonne chose prouvez-le ; qu'y a-t-il de pire que les convictions sur soi ou sur le monde ?

C'est perdre sa sensibilité, il ne faut guère s'enfermer dans un aspect strict et extrême que la musique vous fait ressentir ; s'il faille que vous la réécoutiez 10, 50 voire 100 fois, faites-le, non pas pour savourer l'instant et l'émotion appréciés habituellement, mais plutôt pour les surpasser, et trouver une nouvelle dimension, une certaine dualité (non pas fixe, toujours malléable) qui permette à votre âme de savourer non plus un aspect exquis d'une musique, mais désormais deux.

C'est là toute la subtilité de l'art, de la musique. Connaître un autre monde en une même composition. Deux mondes, tout deux divins, en tant qu'exutoires, en tant que poésies, que joie et tristesse, que manque et complétude. Et cela vaut pour la littérature. Rien n'est si beau qu'une compréhension subjective. Ce qu'on nous apprend en cours de français n'est pas forcément valable ; c'est certes, le meilleur des conditionnements, mais l'on se voit orienté directement vers des pistes qui ne sont point les nôtres.

On ne pense pas, n'agit pas : on construit juste une réflexion qui ne dépend pas de notre réflexion. On s'aliène à l'autre ; quand pense-t-on ? et surtout comment ? Ce sont de vulgaires conventions qui nous font détester la littérature, pourtant subtile et légère, et nous la font interpréter comme un fardeau qu'on subit. Faudrait-il supprimer cette façon d'analyser ?

Je ne dis pas oui. Je suggère simplement l'élargissement des pistes, et en tant qu'on se plait à lire un texte, il serait peut-être bon d'y apporter sa touche personnelle : j'entends analyser ce texte, d'une part objectivement, à travers le style, et le déluge de métaphores, de champs lexicaux ou sémantiques ; et d'autre part subjectivement, c'est-à-dire faire miroiter par les mots ce qu'on ressent quand on lit. Et qu'il soit beau, triste, effrayant ou descriptif, il n'y a rien de plus laid que de décrire ce qu'il y a déjà d'écrit.

Ceux qui argumentent de telle sorte d'en oublier la subtilité artistique sont les plus impassibles à la sensibilité de l'art, et deviennent des gens maudis, aveuglés par leur seule beauté qu'ils jugent la meilleure. Et, prisonniers de leur vérité, on ironise de leur sort en les décriant condamnés à ne pas comprendre l'infinie beauté artistique.

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