Curiosité

leeman

Je ne peux malheureusement qu'affirmer l'influence de la philosophie cartésienne sur le fond de ma pensée. Car à maintes reprises dans le cours de ma vie, j'ai souhaité tout déconstruire dans ce qui me paraissait clair et évident, afin d'établir quelque chose qui soit bien plus solide, et bien plus intangible. Mais cela me paraît être chose délicate, et surtout être l'œuvre d'une vie. On ne peut rien penser qui soit assez absolu et ferme pour le demeurer dans toute la vie de l'homme. Pour cette raison, construire à nouveau les choses pour les avoir en soi fondées et certaines prend du temps, et ne se fait pas dans l'instantané. C'est aussi pour cette raison que j'aime la philosophie ; car elle m'apporte des réponses aux questions qui m'ébranlent, et surtout elle m'aide à grandir, mûrir, devenir ce que je ne suis pas. En bref, elle me fait découvrir des terrains qui pour moi n'étaient qu'inconnus. Penser me paraît être chose essentielle, précisément car j'ai ce besoin grandissant de comprendre les choses dans leur essence, et il n'y a que la curiosité qui nous pousse vers cette compréhension. Et ainsi comprendre les choses pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire par leur nature propre, c'est les comprendre absolument. Par cela même les choses du monde ont à nos yeux plus de sens lorsque nous sommes en face d'elles et que nous avons compris quels étaient leurs fondements. S'interroger sur les choses n'est pas naturel ; quoi que la curiosité excessive d'un enfant s'apparente amplement à l'attitude philosophique par excellence, et c'est ce qui fait de nos progénitures des philosophes en puissance. Tandis que nous leur répondons du mieux que nous le pouvons, l'enfance fait qu'ils s'interrogent continuellement sur tout. Et si cela nous paraît être désagréable, ou pire inutile, c'est que nous n'avons plus rien en nous pour nous éloigner de cette constance quotidienne que la vie nous impose. Car l'enfant s'émerveille de tout ce qu'il croise, et pour nous plus rien ne vaut la peine d'être interrogé, précisément parce que notre habitude voile notre regard, et que nous n'avons des yeux que pour parcourir le chemin commun que nous empruntons dans la vie. L'enfant, quant à lui, découvre des chemins inconnus, vastes, riches, qui nous paraissent être beaucoup trop écartés de la vie adulte ; c'est pour cela qu'il faut savoir se dégager un peu du rythme si prenant de la vie que nous menons. Avoir encore un peu l'âme d'un enfant, c'est vouloir découvrir le monde dans lequel nous vivons ; et cette découverte n'est rendue possible que s'il y a en nous une petite voix qui s'élève de la sorte à chaque fois que nous apprenons quelque chose : "ce n'est pas vrai ! je ne savais pas... c'est formidable !". Au moment de la découverte des choses et de la connaissance acquise, il y a cet émerveillement en acte qui nous rapproche davantage de l'attitude philosophique. Elle est elle aussi une attitude, car philosopher c'est avoir le caractère interrogatif sur le monde et ses choses. Apprendre aide à l'émerveillement sans cesse renouvelé, et ce renouvellement rend possible une succession de découvertes utiles à la connaissance tout autant qu'à la satisfaction. Toutefois, il ne faut pas concevoir ce gain comme objet de vanité. Mais plutôt comme une manière nouvelle de comprendre les choses, donc de voir le monde d'une manière plus réfléchie qu'auparavant. Car, finalement, je crois que la philosophie c'est aussi cela : qu'on apprend des choses par l'émerveillement, autrement dit que notre vision du monde s'enrichit à mesure qu'on s'interroge sur lui et qu'on parvient à trouver des réponses aux questions qui sont en nous. La philosophie permet de voir le monde d'une manière plus colorée, plus dense, mieux dessinée. Plus nous savons de choses à son propos, plus nous avancerons sereinement dans la vie, car cette vision permet une appréhension du réel plus juste et autonome. La fascination peut naître en chacun de nous ; mais la façon dont nous sommes liés aux choses peut freiner entièrement cet élan vers la connaissance ; et de ce point de vue, nous comprenons comment certains demeurent ignorants, sinon bêtes, toute leur vie : parce qu'ils sont restés dupes et aveuglés par les lumières des mauvaises choses, et que leurs plaisirs ne coïncident en rien avec la force de l'esprit. Et même si la passion doit être comprise dans la vie et l'attitude philosophiques, il ne faut pas oublier que la passion n'est pas toujours agréable lorsqu'elle fait souffrir celui qui l'exalte. Beaucoup de choses influencent notre rapport aux choses, et ce sont ces choses qui tantôt nous poussent vers la découverte du monde, tantôt nous freinent et nous font demeurer ignares.

  • qu'avez vous envie de dire, là, maintenant, à ceux et celles qui affirment l'influence de la philosophie cartésienne sur le fond de votre pensée?

    · Il y a presque 7 ans ·
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    Hi Wen

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