D'allées en venues
absolu
C’était un dimanche parfait. Ou un mardi, un mardi blessé. Entre les deux je promène mon vertige.
Le soleil qui se lève, paresseusement, et nous, paressant sur le sable, allongés, les yeux dans les vagues.
La morphine qui va mordre la douleur, la faire taire, un certain temps, quelques heures de flottement, jusqu’au prochain verdict.
Les derniers survivants de la nuit s’écroulent, nos yeux s’ouvrent et se ferment, la chaleur de nos corps rapprochés nous bercent. Plénitude.
L’opération s’est bien passée. Tu es rentré. Retrouve quelques habitudes. Fatigué, c’est normal, ton corps a changé.
Un café, en tête à tête, la fraîcheur déjà tiède caresse le sable sur la peau. Les cheveux en bataille, le corps en pagaille, on s’en fout, on savoure chaque heure sans les voir passer. Sales, mais heureux.
La guerre continue, à l’intérieur de tes chairs. Ton corps fait l’appel. Il manque quelques viscères. Tu serres la vie dans tes bras, souffre, et semble serein.
En harmonie avec les éléments, avec les parents aimants qui regardent leurs enfants construire le plus grand des châteaux éphémères, la mer allant et venant, inlassable. Ça semble si pur, irréel. Et pourtant.
La fièvre, retour aux urgences, ton corps s’affole, les poumons suffoquent, on te garde, jusqu’à ce qu’elle retombe. On te regarde, je commence à voir une ombre.
En harmonie avec les éléments, on remonte le temps, le corps s’amuse à défier les lois du vent, mon cœur s’égare dans les dunes brûlantes. Il semble hésiter.
La chaîne se resserre, maintenant autour du cou. Jusqu’où va-t-il aller, l’outrage à la vie ? Dis-lui, toi, que ton corps n’est pas un logement de ponctions !
Il se libère, se dévoile un peu, le corps plus agile, le cœur plus léger. Ebahis, les pieds dans les baïnes. Il y a quelques heures encore, nous dansions jusqu’à l’ivresse.
Il y a cinq ans déjà, que c’est entré en toi. Je croyais que tu l’avais flanqué à la porte, à jamais. Fallait lui dire qu’il était trop tard, que c’était fini. Fallait penser à toi, pour une fois. Mais tu as toujours ouvert la porte, quand on y frappait. Maintenant, c’est lui qui frappe.
Il a levé son verre à mes amours. J’ai cessé de penser. Il ne pouvait savoir. Ma dernière escapade à la mer se reflétait. Un lien si fort. Tendu à l’extrême. Prêt à céder. La marée n’a rien emporté. Elle a tout laissé là. Sous ses pieds. Personne n’en a jamais rien su.
Les laisse plus t’emmener comme ça, sans prévenir. Les laisse plus rien dire. On sait, nous, de toute façon, que tu vas t’en sortir, que tu vas rire de tout ça, tôt ou tard, le plus tard possible.
Les images gravées pour longtemps, on a ramené un peu de soleil et du sable, dernière escale illuminée, révélation. Il n’est déjà plus là.
L’immensité de la mer absorbe tous les regards.
Allez, s’il te plaît, dis-leur que ce n’est pas ton heure, que tu vas rester, lutter contre vents et marées. T’as pas fini de m’apprendre à naviguer, à éviter les récifs, à ménager l’esquif. J’n’ai pas encore le pied marin, ne t’en va pas trop loin… Pas maintenant…
Tout est tellement possible, avec toi.