Dans le lit de mon studio rue Maridor

beth-bnt

Non, non, non et non. Le coup classique du robinet mal fermé et de la goutte qui vous narguait à chaque fois qu’elle atterrissait.

Elle n’avait commencé à me narguer qu’une fois que je m’étais bien calée dans le fonds de mon lit la garce. C’était le moment que j’avais attendu toute la journée alors je décidais de ne pas la laisser me le gâcher. Je me levais, parcourais les quelques mètres me séparant du petit coin cuisine et fermait ce foutu robinet à tout jamais.

J’étais aux anges, la couverture remontée jusqu’au menton je regardais le plafond, je rêvais ma vie. Je pensais à celle que je ne rêvais pas aussi. Celle que je vivais. Non finalement je préférais ne pas y penser.

Je me sentais heureuse, sous ma couverture j’avais chaud, j’étais rouge de plaisir. Chez moi c’était tout petit, j’étais allongé dans mon salon. Ça ne posait pas de problème de toute façon personne ne venait jamais. Je crois qu’il n’y a même pas une personne qui pourrait dire où j’habite. Ça me fait rire.

Certaines personnes me voient pourtant, elles savent que j’existe. Mais elles ne veulent pas rendre mon existence réelle. Au boulot, y’a tout plein de filles qui font le même travail que moi. Mais ça, ça ne crée pas de liens.

Moi je n’ai rien à leur raconter, l’essentiel de ma vie se déroule sous leurs yeux alors je ne vois pas pourquoi elles s’intéresseraient à moi. Je n’arrive pas le matin avec un mal de tête et des cernes sous les yeux. Parce que moi mon organisme a besoin de ses huit heures de sommeil, et il les a toujours. Et le concombre sur les yeux ça marche vraiment. Moi, je n’ai jamais de courbatures aux jambes, je m’étire toujours bien après le sport. Moi je ne sais pas que l’on ne met plus de bottes à clous parce que je n’ai jamais mis de bottes à clous alors ça m’est égal et je n’en parle pas.

Je ne sais pas si tout cela me rend malheureuse mais je le suis sûrement. Je n’ai pas hâte de rentrer chez moi, tout ce que je veux c’est être dans le fond de mon lit, bien calée entre ma solitude et mon désespoir.

C’est à force de les voir que je suis comme ça. Tous les jours je vois la vie dans leur quotidien à elles. Je sais tout, je sais qu’elles aiment et qu’on les aime. Moi ce que j’aime, c’est garder mes chaussettes pour dormir. Elles, elles rient fort. Elles rient plus fort que je ne pleure, c’est pour ça qu’elles, elles ne rentrent jamais chez elles pour se mettre dans le fond de leur lit. Elles, elles se réveillent dans leurs lits mais sans le souvenir de s’y être couchées. Moi je prends ma température tous les soirs.

Sauf ce soir, ce soir je ne l’ai pas prise. Non ce soir, il n’y avait pas besoin. J’avais de la fièvre, j’étais toute tremblante de chagrin alors j’ai pris des médicaments. Beaucoup de médicaments. J’avais besoin de fraicheur.

  • De fraîcheur... Avec les médicaments pris avant de fermer a jamais le robinet plus de dérangements, plus de bruits de rires de souvenirs... Ma plume veut me tomber des doigts , le temps d'écrire ces derniers souffles ... j'ai froid...

    · Il y a presque 11 ans ·
    Page couverture avec sorci%c3%a8res 305 ko bis 326x461 rec 11

    Pawel Reklewski

Signaler ce texte