Danser

Cela fait un moment que je ne suis pas allé en boîte. J'ai envie d'obscurité, de danser, de gens autour de moi. Avec quelques amis, on se donne rendez-vous en ville, et au milieu de la nuit, on se rend là où les gens se massent, une longue queue jusque dans les profondeurs citadines.

Le tempo est agressif, la musique forte, les corps se bougent et je me dandine au gré des mélodies samplées. Je bois plusieurs verres, la foule s'accumule, j'entre dans la mêlée et le flou arrive, je danse et j'oublie tout, tout se confond et mes sens se diluent dans le flot des éléments. Je regarde les filles, j'en cible une, je m'approche, je lui parle à l'oreille, elle ne sait pas ce que je lui dis et je ne le sais pas non plus, je lui prends la main et on commence à danser l'un contre l'autre, emportés par le beat persistant du dancefloor, je la fais tourner et son parfum m'enivre quand elle se colle à moi, je la bascule légèrement et l'embrasse, ses lèvres ont un goût d'alcool et sa langue une saveur sensuelle, ma main dans ses cheveux découvrent son corps et soudain elle n'est plus dans mes bras, j'ai déjà changé de cible et c'est une autre fille avec qui je danse.

Je ne sais plus où sont mes amis, mais suis-je au moins venu avec des amis ? J'ai comme un doute, mais en fait je m'en fous, tout ce qui m'importe à présent c'est la fille, les filles, je ne sais plus combien il y en a, je finis par les confondre, ai-je déjà dansé avec elle ? Je l'ai vue ailleurs, non ? Qui est-elle ? La musique est la même, chaque danse est différente, mais j'enchaîne mes pas selon le même schéma, mes yeux guettent partout le plaisir immédiat, au bar les verres se côtoient selon les rencontres et sur la piste les têtes changent et les couples se font et se défont.

Aux toilettes j'ai comme un arrière-goût dans la bouche, je me regarde dans la glace mais c'est un mec hilare que je vois, je me retourne et sous les projecteurs affolés ce sont mes amis que j'aperçois au loin, ils dansent avec des gens que je ne connais pas, je pars les retrouver quand une fille se présente devant moi, elle me dit que j'ai trop bu, qu'on devrait prendre l'air dehors. Elle semble gentille, attentionnée. Nous reprenons tous deux nos affaires au vestiaire, et rejoignons l'extérieur, la nuit froide de l'aube à venir, je la regarde elle me sourit, je la prends contre moi et nous marchons vers là où elle m'emmène.

Un parc. Sur l'herbe les réverbères laissent apparaître quelques gouttes de rosée. On s'assoit sur un banc. Elle me dit que c'est plus tranquille ici. Je lui dis oui. Puis on écoute les oiseaux se réveiller.

Quand je rouvre les yeux, je suis toujours sur le banc. Seul. Il y a un peu de monde dans les rues. Le soleil est déjà haut dans le ciel. Je me relève, cherche un arrêt de bus, et rentre chez moi.

Deux semaines plus tard, en parcourant le répertoire de mon téléphone, je découvre le numéro d'une certaine Julie. Je l'appelle. C'est elle.