De bon augure, à la vie dure

Jean Claude Blanc

aubade pour mes mésanges du jardin qui me tiennent compagnie, seul retraité rien branler

               De bon augure à la vie dure

Sur les ramures du bouleau

De mon jardin, où fait pas chaud

S'y juchent sans crainte, matin lève tôt

Crève misère, nombres d'oiseaux

Où je leur sers fort à propos

Un casse graine au plus haut

Hors de portée de grippeminaud

Matou vorace qui a les crocs

Puis les reluque à mes carreaux

Se disputer le moindre morceau

De ce que je leur offre comme cadeau

 

Une faiblesse pour mes mésanges

Fidèles tendres comme des anges

Ainsi je ne perds pas au change

Y'a peu de risque que je les dérange

Tout près de moi lorsqu'elles mangent

De me tenir crachoir, ça les démange

Avec couronnes de louanges

 

A peine sorti de mon hangar

En cet hiver mortel vif

Elles me réclament leur part de lard

Et comme je ne suis pas avare

Leur tend de suite une boule de suif

Y'a guère de chance que je les oublie

Tellement elles ont bon appétit

Piaillent sans cesse à grands cris

Principalement quand le ciel est gris

Que la météo annonce la pluie

(Ont un baromètre dans l'esprit)

 

Accroché à leur attention

Sorte de cage pleine de nourriture

Car aiment tant ce qui est bon

Fines gourmandes de nature

Pour tenir tête à la froidure

 

A peine fournies ces demoiselles

S'y précipitent à tire d'ailes

Déjà me guettaient en sautillant

Pour en goûter impatiemment

 

Quelle razzia sur le repas

Chacune sa part de bout de gras

Comme chez nous, c'est les plus forts

Qui l'emportent sur les plus faibles

Petit moineau voué à la mort

Si démuni de serres d'aigle

 

Lutte pour survivre, même refrain

Exemple féroce des humains

Car ceux qui ont le bec fin

Ce sont souvent les plus radins

Qu'ainsi se taille un destin

Et par la même un festin

Mais sur le dos de leur prochain

 

Et c'est pourquoi ma préférence

Me pousse vers ces passereaux

Qui partent jamais en transhumance

Et malgré toutes leurs souffrances

Chantent à tue-tête, qu'il va faire beau

De même lignée que les corbeaux

Alors identique pénitence

Glanent sur les prés pas très costauds

Seuls sur la neige en abondance

Pour y trouver grêle pitance

 

Artiste candide inspiré

J'y vois une sorte de remerciement

Pour les avoir dorlotés

En attentant venir le printemps

 

Me demande souvent en vérité

Qu'entre eux et moi le plus gâté

Mystère vite élucidé

C'est moi le vieux déboussolé

Qui me fais une joie d'être chouchouté

Par ses roitelets qu'ont le cœur gai

Quand me reste que les larmes pour pleurer

 

Mésanges, rouges-gorges, chardonnerets

Vaste compagnie de sinistrés

Qui se disputent rares asticots

Se volent dans les plumes ces étourneaux

Qu'ont un pois chiche dans le cerveau

Comme nous autres accoutumés

A lutter pour notre pré carré

 

Sauf que ces sages animaux

Se plaignent pas de leur mauvais sort

Ils naissent, meurent sans dire un mot

Pas de requiem sur leur corps

Ni d'héroïque noble tombeau

Gisent dans le fossé et les yeux clos

 

Sûr que la vie les a quittés

Certes cruelle réalité

Pour nous pauvres âmes, désolés

Pourvus de conscience, de charité

Face à la mort, effarés

Hélas fatale égalité

 

Plus d'hirondelles en cette saison

Qui se barrent après les moissons

Déjà il neige à gros flocons

Ont disparu à l'horizon

De l'autre hémisphère, mais reviendront

Pour faire bonne chère en vif éclair

Perdent pas la boule pour se refaire

 

Mais par bonheur je suis nanti

De ces volatiles si gentils

Qui pas solides pour partir

En ces pays sauvages empires

Même pas sûrs d'en revenir

Pour me rapporter jolis souvenirs

De ces contrées, d'été sans nuit

A comparer aux politiques

Sitôt amis, sitôt trahis

Qui savent séduire leur public

Ces bêtes aussi nous font la nique

Abandonnant même sans soucis

Qui les abreuve par mauvais temps

Bien rassasiés, et bien contents

Regagnent ces lâches leur propre nid

Et nous laissant les bras ballants

 

N'apprécient guère les hommes à fables

Qui font parler comme La Fontaine

Ces animaux si misérables

Mais ça leur fait une belle aubaine

Pour ceux qui jeûnent toute la semaine

A se les geler, sur un arbre glabre

Saule pleureur, moi-même pauvre diable

Serai toujours indécrottable

Sacré farceur impitoyable

 

Rien à glander, je tourne en rond

Sous mes noisetiers, fais mon viron

Pour ne pas perdre la raison

Je me suis obligation

Les observer ces roitelets

Comment ils peuvent subsister

En ce glacial mois de janvier

 

Pris mon courage à deux mains

Pour pas passer pour un radin

A ces mésanges, menu fretin

Leur tend un chiche bout de pain

Pour leur régime, ça tombe à point

Mais dans la mie, y'a des pépins

Ça suffit pas à ces serins

Pourtant rien d'autre en magasin

Pour pas qu'ils partent chez les voisins

Me fend de force, de quelques grains

De blé, de riz en clandestin

Pas comme ces bandes de coquins

Qui tirent la langue aux africains

Tout pour leur ventre ces gredins

D'espèce humaine, sombres crétins

Mais qui déjà touche à sa fin

Moi, mes mésanges, on est copains

Pas de problème on ne manque de rien

Ne pensant pas au lendemain

 

Grâce à nos vers à l'unisson

Hélas pure invention

Car à chacun sa partition

Comme compagnons de la chanson

Joueurs de pipeau et de violons

Pas différentes nos ambitions

Que pour se faire du pognon

On s'imagine faire le tronc

D'un peuplier qui se morfond

Monnaie du Pape non s'en façon

Qui fréquentons Mimi pinson

 

Mais blague à part, je suis ravi

Par mes mésanges qui nidifient

Au creux d'une branche pas trop pourris

Où elles se régalent de fourmis

Que pipi de chat pour ces génies

Qui se prévalent d'écologie

Qu'évidemment n'a pas de prix

Pour qui en fait l'économie

Mésanges chéries, mon bleu d'azur

Pour qui les chasse, j'ai la dent dure

Traitées d'oiseaux de mauvais augure

Selon ce dicton qui perdure

Et qui dépasse la mesure

N'écoute pas toutes ces ordures

De ces croulants plus que mûrs

Qui viennent qu'en villégiature

Mêlant culture, agriculture

Peux plus les voir en peinture

Qui salissent guère leurs chaussures

En nos campagnes, pas fière allure   JC Blanc février 2018 (aubade)

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