De Florange à la Sécu c'est le Trou noir
Rod Lediazec
De Florange à la Sécu c'est le Trou noir
C'est donc sans surprise que nous abordons l'automne. Période propice à la contemplation d'une nature qui, en se débarrassant de ses oripeaux, offre au regard un spectacle de toute méchanceté, entendez par-là, de toute beauté !J'aime cette partie de l'année où, le froid menaçant, éprouve les esprits, les pousse à la réactivité, les précipite dans les solderies, se couvrant d'un manteau au rabais tout moche.Nous le savions avant, désormais nous en avons la confirmation : le manteau politique est très moche, ou inexistant. Raison pour laquelle ni colère ni dépit n'auront raison de mon flegme.Dimanche dernier des milliers de personnes ont défilé dans Paris pour gueuler contre la politique d'austérité et le traité budgétaire européen avec les mots d'ordre habituels : « Non à une Europe de la finance » ! Avec la dose d'ironie qu'il faut à l'égard du Chef de peloton local, heureux sur son vélo tout neuf : « Maintenant que je tiens le guidon, je ne vais pas aller me fâcher avec les banquiers qui sponsorisent mon maillot ! Vous rigolez, ou quoi ? »...« Le bitume en a vu d'autres », doivent se dire, un brin secoués tout de même, les nouveaux locataires du pouvoir, après avoir déclaré pendant les dernières campagnes électorales, qu'une autre façon de gouverner était possible. Pour l'heure, ce« possible » a du mal à franchir le cols et des abandons ont déjà été enregistrés chez les favoris. Abandon des fondamentaux, il s'entend.Massés le long de la route les supporters perdent espoir et patience.A Florange, ville-étape, la déception est grande. Après un long parcours et quelques belles échappées, pour la galerie, c'est un peloton épuisé qui franchit la ligne d'arrivée.De la bouche même de l'un des favoris on peut résumer l'état d'esprit général : « c'est pire que ce qu'on pouvait imaginer » ! Les pavés du Nord ?... Avant qu'un autre dégoûté, portant le brassard CFDT, Frédéric Weber, ne résume le sentiment de frustration et de colère : « Maintenant, c’est au politique d'être innovant, d’inventer des solutions. Montebourg doit accentuer la pression, il a intérêt à sortir l’artillerie lourde »...Aussitôt dit, aussitôt fait, le Arnaud a piqué un coup de bourg ! Il n'est pas d'accord qu'il a dit aux gougnafs de la direction d'ArcelorMittal, surtout dans une affaire où il est question de chaud et de froid : « S’agissant du traitement à froid et du train à chaud, Arnaud Montebourg exige de la direction d’ArcelorMittal que soient déployés des investissements importants et significatifs de nature à y consolider l’activité dans les prochaines années »... Dans le public, certains vont jusqu'à demander le remboursement des entrées.Par ailleurs, à la buvette, la mousse est maussade, elle passe mal et il est question de température. Pas assez fraîche ! Le bistrotier est sur des charbons ardents !Bébert, le roi de l'hectolitre, clope au bec, ventre tendu au max, tire une tronche aussi longue que sa langue pendue :
« Et vas-y, profites-en bien le Dédé, bientôt le joint sera moins cher que le tabac !... Fume, c'est du tout bon !... Quant à la bière, la bonne vieille Kro, qui peut s'en passer ?... Taxée, elle aussi !... Un ivrogne c'est pas regardant, hein ! A ce qu'il paraît tout ça va servir à boucher des trous, du boulot pour les plâtriers et pour les maçons... Ou pour les fossoyeurs, c'est du pareil, mon gars. Tout ça va relancer la consommation !... Avec l'usine qui pétarade, dis-moi, Dédé, comment qu'on fait pour les menus plaisirs de la vie ? Pour ce qui aide à tenir la mer ? Pour faire semblant d'être heureux ?... Que faut-il faire pour se consoler si maintenant on nous mets nos petits plaisirs tout en haut du rayon, avec les produits de luxe ?... Tout aussi chers que ceux d'en bas. Tu connais le prix des escabeaux ?... Ah, la vermine ! Les sales oiseaux ! Toujours là à attendre qu'on tire la patte pour nous croûter !... A ce rythme, même les fossoyeurs ont du souci à se faire ! »
« On est humain, merde ! » qu'il a roté le Dédé !