De la colonisation à la guerre, de "Au Coeur des Ténèbres" à "Kongo, en passant par Apocalypse Now et spec ops: the liner
Benedicte Leconte
1er volet : Joseph Conrad
Né en 1857 en Ukraine et orphelin à l'âge de 12 ans, Joseph Conrad est considéré comme un auteur du XX° siècle. En effet après 20 ans de carrière maritime, il publia son premier livre en 1896 ("La Folie Almeyer"), et puis "Au Cœur des Ténèbres" en 1902, "Typhon", "Lord Jim"," L'Agent Secret" "Le Nègre du Narcisse" et bien d'autres. Par ailleurs on voit en lui un précurseur de l'existentialisme. Il avait pris la nationalité britannique en 1886 et il décida d'écrire en anglais, sa troisième langue courante (il parlait le polonais, l'allemand, l'anglais et le français).
Dans "Au Cœur des Ténèbres", Charlie Marlow relate au cours d'une longue veillée les faits de son aventure au Congo sur un bateau à vapeur à la recherche de Kurtz, collecteur d'ivoire, dont on est sans nouvelle.
Conrad lui-même avait pris le commandement d'un bateau à vapeur à la recherche de Stein, un agent tombé gravement malade qu'il devait ramener à la civilisation (Kurtz à l'instar de Stein mourait sur le bateau) Ainsi Marlow est-il à la fois narrateur et acteur dans "Au cœur des ténèbres" et son récit dénonce les méfaits de la colonisation.
Dans ce roman Conrad offre une vision déshumanisée de l'indigène qui apparaît comme un mystère caché au cœur d'une jungle épaisse. (C'était...« une explosion de hurlements, un tourbillon de membres noirs, une masse de mains battantes, de pieds martelant, de corps ondulant, d'yeux qui roulaient sous les retombées d'un feuillage lourd et immobile").
Marlow le dit clairement " La conquête de la terre, qui signifie principalement la prendre à des hommes d'une autre couleur que nous, ou dont le nez est un peu plus plat, n'est pas une jolie chose quand on la regarde de trop près". Marlow désigne aussi avec sarcasme les agents de Léopold II comme des « pèlerins » dénués de foi, dont le seul désir était " d'être nommé à un comptoir où on trouvait de l'ivoire, de façon à se faire des pourcentages".
[Dans la période comprise entre son voyage congolais et la date de publication du roman, la presse anglaise avait été prolixe en révélations sur les atrocités du régime Bruxellois. C'est d'ailleurs la persistance de ces rumeurs scandaleuses qui pousserait le gouvernement belge à accepter en héritage le domaine privé de son Roi.
À ce moment, la population congolaise aurait diminué de moitié environ, après que 6 000 000 de personnes aient été enlevées, torturées, assassinées. Le système de travail forcé imaginé par Léopold et ses agents, que le roman évoque de manière graphique, s'apparente à de l'esclavage pur et simple, et Conrad s'étonnera dans une lettre de 1903 que « la conscience de l'Europe », qui avait voulu l'abolition de la traite quelque 70 ans auparavant, ait pu tolérer cette abomination qu'était le Congo].(wikipedia)
to be continued: Apocalyse Now...
2° volet
Classé 30° sur la liste des meilleurs films aux USA, et sélectionné par Le National Film Registry pour être conservé à la bibliothèque du Congrès des États-Unis pour son « importance culturelle, historique ou esthétique », Apocalyse Now causa bien des tourments à Coppola. Un documentaire sorti en 91 fait état de ses déboire : "Aux cœurs des ténèbres : L'Apocalypse d'un metteur en scène".
Le plateau dans la jungle fut ravagé par un typhon. Martin Sheen qui joue le rôle du Capitaine Willard fit un infarctus pendant le tournage et les hélicoptères, prêtés par l'armée des Philippines, devaient être peints le matin aux couleurs de ceux de l'armée américaine, puis repeints le soir dans leurs couleurs officielles (étonnant, non?)
Le tournage dura 238 jours et le budget du film passa des 17 millions de dollars prévus à 30 millions. Au fur et à mesure de ce tournage, Coppola devint de plus en plus mégalomane, incapable qu'il était de trouver une fin à son film.(Pour la petite histoire il perdit 40 kilos, alors que Marlon Brando, censé faire une cure pour perdre du poids en prit quelque peu... Il arriva d'ailleurs au tournage sans avoir lu le roman de Conrad, ce qui rendit Coppola fou de rage). Il est à noter d'ailleurs que l'acteur filmé pratiquement en continu pendant une heure en improvisation, dont les extraits ont fourni d'excellentes séquences au film a joué un rôle qui dépasse celui de sa renommée. Évidemment, un million de dollars, ça fait cher de l'heure... :D
Bref, la palme d'or au festival de Cannes de 1979 sauva le metteur en scène du désastre.
En 2001 Coppola fit une nouvelle version: Apocalypse Now Redux qui rallongeait le film de 49 minutes.
Voici ce qu'il en dit:
« Apocalypse Now n'est pas un film sur le Viêt Nam, c'est le Viêt Nam. Et la façon dont nous avons réalisé Apocalypse Now ressemble à ce qu'étaient les Américains au Viêt Nam. Nous étions dans la jungle, nous étions trop nombreux, nous avions trop d'argent, trop de matériel et petit à petit, nous sommes devenus fous ». "La façon dont nous avons réalisé A.N" : fous comme Kurtz et mégalomanes.
« Mon but avec Apocalypse Now Redux est de présenter une expérience plus riche, plus ample, plus texturée du film, qui comme l'original à l'époque donne aux spectateurs la sensation de ce que fut le Viêt Nam ; l'immédiateté, l'insanité, la griserie, l'horreur, la sensualité et le dilemme moral de la guerre la plus surréaliste et la plus cauchemardesque de l'Amérique. Qu'une culture puisse mentir sur ce qui se passe en temps de guerre, que des êtres humains soient brutalisés, torturés, mutilés et tués et que tout cela soit présenté comme moral, voilà ce qui m'horrifie. »
Voilà pour le lien avec la colonisation et le roman de Conrad, tous deux une lente remontée d'un fleuve jusqu'au Cœur des Ténèbres.
3° volet: T.S Eliot
Vous vous souvenez sans doute du poème lu par Kurz au Capinaine Willard
T.S Eliot (1888-1965) relativement peu connu en France, est considéré comme un des plus grands poètes de tous les temps. Personnellement j'ai beaucoup de mal à le comprendre car ses poèmes sont truffés de "fragments", venant de telle œuvre ou telle autre, difficile à décrypter. Disons qu'il rénove de l'ancien.
Ce poème est un extrait de "The Hollow men" (les hommes creux- 192) , dont le premier vers est:
"Misia Kurtz- He dead!", immédiatement suivi de:
Nous sommes les hommes creux
Les hommes empaillés
Cherchant appui ensemble
La caboche pleine de bourre. Hélas !
Nos voix desséchées, quand
Nous chuchotons ensemble
Sont sourdes, sont inanes
Comme le souffle du vent parmi le chaume sec
Comme le trottis des rats sur les tessons brisés
Dans notre cave sèche.
Silhouette sans forme, ombre décolorée,
Geste sans mouvement, force paralysée ;
Ceux qui s'en furent
Le regard droit, vers l'autre royaume de la mort
Gardent mémoire de nous – s'ils en gardent – non pas
Comme de violentes âmes perdues, mais seulement
Comme d'hommes creux
D'hommes empaillés.
("Les hommes creux" sont une référence au 5 novembre, anniversaire de " la Conspiration des Poudres" (1505), visant à faire sauter le Parlement afin de tuer le roi Jacques 1er qui ne respectait pas assez la religion des catholiques. Durant cette "nuit des feux de joie" les gamins anglais promènent des effigies de Guy Fawkes en réclamant "un penny pour le vieux Guy", avant de les brûler en place publique. Malheureusement, contrairement au "trick or treat" d'Halloween, cette tradition se perd :D)
4° volet Spec Ops: The Line
Dans ce jeu vidéo, Walker part à la recherche de John Konrad (en hommage à Conrad), porté disparu dans Une tempête. Pour toile de fond: Dubaï dévasté. Les joueurs doivent faire des choix difficiles et sont soumis à des tortures psychologiques
Le lien suivant (un quart d'heure ) vous donnera une petite idée.
https://youtu.be/CQlLT0sMB64
5° volet...
de cette petite recherche, la BD "kongo: le ténébreux voyage de Jozef Teodor Konrad Korzeniowski". C'est un hommage à Conrad.
[Chritian Perrissin a remarquablement écrit son scénario en gardant toute l'authenticité et les détails de Conrad. Quant au dessin de Tom Tirabosco, fort, expressif, mais aussi évocateur, au trait souple et ferme, il est le second point fort de ce Kongo de près de deux cents pages] wikipedia
Très joli travail, passionnant de suivre le fil proposé!
· Il y a plus de 9 ans ·Attention à l'utilisation répétée de l'expression "D'ailleurs":
"C'est d'ailleurs la persistance de ces rumeurs..."
"Il arriva d'ailleurs au tournage..."
"Il est à noter d'ailleurs que l'acteur..."
Frédéric Clément
Vous avez tout à fait raison..Honte à moi! D'autant que deux phrases n'en ont aucun besoin. Merci de me signaler cette lourdeur de style
· Il y a plus de 9 ans ·Bonne journée
PS Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de welovewords? Connaissez-vous "sens critique"?
Benedicte Leconte
autant pour TS Eliot
· Il y a plus de 9 ans ·ciel-d-ete
Merci beaucoup... En fait je connais assez bien T.S Eliot et ses fragments si bien cachés. Je me suis toujours demandé s'il était oui ou non accessible seulement aux "cruciverbistes". Il y a des passages très modernes dans "the waste land" (comme: when Lil's husband got demobbed, I didn't mince my words, i said to her myself, now Albert's comig back, why don't you make yourself a bit smart? He'll want to know what you did with the money he gave you to make yourself a nice set. He did, I was there..And her only 23...)
· Il y a plus de 9 ans ·Bonne soirée
Benedicte Leconte
correction: to get yourself some teeth ? He did, I was there. You have them all out Lil and get a nice set. He said I swear it makes me sick just to look at you)
· Il y a plus de 9 ans ·Benedicte Leconte
intéressant ce commentaire autant en ce qui concerne Joseph Conrad , que sur Apocalyspte now , souvenir...souvenir
· Il y a plus de 9 ans ·ciel-d-ete