De l'absurdité de la vie

belles-notes

Vivre en souriant à la vie

Ce matin il se leva, réalisa ce qu'être vivant voulait dire, ce matin depuis longtemps il voulut vivre. Faire l'expérience dans sa chair et dans son cœur ce que vivre voulait dire.

Il décida d'aller faire un tour près du port, de ce port où les vagues viennent se fracasser contre la roche dans un baiser mortel. Là où les nuages accompagnent le vol de la respiration du monde.

Il choisit un rocher près d'une crique afin de s'imprégner de ce débordement de vie. Il resta des heures à contempler, à écouter, témoin de l'absolu de l'existence il se dit qu'il aimerait être une de ces vagues, puissant et si faible à la fois. Faire du carcan du courant une possibilité d'exister par la force de la douleur. Faire trembler son bourreau et parfois laisser entendre son chant par-delà son espace-temps grâce à l'écho. L'immortalité de la vague prend son essence dans sa mort, son sacrifice lui permet de s'exprimer, parfois d'un son plaintif, parfois enragé et quelque fois dans une extrême douceur, une mort douce, presque confortable. Telle une main ce type d'au revoir semble vouloir nous accompagner en nous chantant au creux de l'oreille, « vient avec moi, n'aies pas peur ». Et même le sable s'en mêle, de sa douceur et parfois chaleur il nous convie à nous reposer en son sein. A attendre que monte la marée sans bouger, sans plus rien espérer, seulement respirer et écouter.

 Ce matin il prit le temps, d'ailleurs ce temps si nécessaire de notre point de vue est totalement relatif voir arbitraire. Nous essayons de le maîtriser, de le rattraper parfois, de faire avec souvent alors qu'il est plus qu'évident que c'est le temps qui nous contrôle, nous maîtrise, nous condamne. Nous n'avons aucune emprise sur lui, lui oui. Il a décidé de l'heure de notre venue au monde et décidera de la date de notre sortie. Il régente notre existence et doit bien se marrer du haut de sa pendule d'ivoire à nous voir nous vanter de l'avoir créée. Il décida ne sachant pas exactement pourquoi prendre une photo d'une vague, pourquoi celle-là, pourquoi maintenant ? Mystère mais il le fit. Il figea cet instant, ce mouvement, il le tua et l'emprisonna dans une boite noire en espérant sans doute pouvoir revivre cet instant à jamais. 

Ce matin il décida qu'il était temps de vivre, il longea le port dans un sens puis dans un autre, essuya une larme à la vue d'un bateau de bois sur l'eau. Comment ce si petit agencement de bois pourrait-il faire face à l'immensité de l'océan ? Il finira sans doute par s'y noyer après avoir résisté lorsque l'ensemble de l'équipage aura sombré. Pourquoi partir, tenter le voyage ?

Ce matin il marcha en haut d'une crique, regarda autour de lui, sourit au monde qui l'attendait et se mit à rire, un rire au début timide presque inaudible puis vers la fin un rire fracassant, de ce type de rire que l'on s'interdit en société. Il s'approcha du rebord, fit le tour de lui-même puis avança un pied puis l'autre et dans un dernier élan d'humanité décida de vivre pour l'éternité.

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